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D’abord vivre, dit-on, et puis philosopher ; — 1892 (9)

Henri Michel in La syrinx

Sonnets liminaires, I
(La pensée.)

D’abord vivre, dit-on, et puis philosopher ;
Mais comment vivre sans juger ce qu’est la vie ?
Toujours quelque maxime en secret est suivie
Et sa raison native on ne peut l’étouffer.

En vain voudrait-on voir sous sa haute fenêtre,
Comme un rêve, passer la vie à l’horizon ;
Véridique ou menteuse, au cœur de la raison,
Une pressante voix nous impose un Doit Etre.

Même pour s’abstenir il faut avoir choisi,
Et c’est choisir encor que suivre une coutume.
Le glorieux calice au parfum d’amertume
Brille et tremble aux mortelles mains qui l’ont saisi.

Les jours entre mes doigts coulent comme du sable ;
Il est temps de vider la coupe inéluctable.

Q63  T30 = shmall* disp 4+4+4+2

Las de ce que je vois, je crie après la mort; 1871 (9)

coll. Le Parnasse Contemporain, II

Auguste Barbier

Shakespeare A son amie

Las de ce que je vois, je crie après la mort;
Car je vois la candeur en proie au vil parjure,
Le mérite en haillons, déshérité du sort,
Et l’incapacité couverte de dorure;

Et la vierge pudeur aux bras de la luxure,
Au siège de l’honneur l’intrigue allant s’asseoir,
L’esprit fort appelant sottise la droiture,
L’art divin baîllonné par la main du pouvoir;

L’ignorance, en docteur, contrôlant le savoir,
Sous le fourbe boiteux, le fort manquant d’haleine,
Le vice ricaneur flétrissant le devoir,
Le Bien, humble soldat, et le Mal capitaine;

Oui, las de tout cela, je finirais mes jours,
N’était que de mourir c’est quitter mes amours

abab bcbc cdcd ee=sp – disp: 4+4+4+2 – tr  Shakespeare- s.66: « Tir’d with all these, for restful death I cry ». Traduit dans une disposition de rimes spensérienne