Archives de catégorie : Quatrain

Décrit la formule de rime des quatrains.

Iris, quand ton cu dodeline — 1912 (8)

Fernand Fleuret Le Carquois du Sieur Louvigné du Dezert

Sonnet pour une belle Personne de qui l’on disoit que le gros Derrière avoit le balancement agréable d’un navire

Iris, quand ton cu dodeline
Souz les Ombres de ces jardins,
L’on ne sçait si ton pas chemine
Ou si tu vogues par chemins.

Ouy! Ce Sable est onde marine
Qui meurt au pié de ces Jasmins:
Sur elle ton cu se dandine,
Et ces Pigeons sont des dauphins.

Non! ce cu-là n’est qu’un derrière,
Et, lorsque tu l’assieds par terre,
Lasse des amoureux traffics,

Les Morts, que ta chaleur oppresse,
Erigent vers ta belle Fesse
Les pasles vits des Agarics.

Q8 – T15 – octo

Le Printemps et l’Automne ont mêlé leurs étreintes, — 1912 (7)

Louis Mandin Ariel esclave

Le Printemps et l’Automne

Le Printemps et l’Automne ont mêlé leurs étreintes,
Et leurs fruits et leurs fleurs, et la lumière de leurs yeux,
Et sont partis dans l’ombre où, comme une âme sainte
A l’horizon du soir s’élève une aurore sur eux.

Et leurs baisers sont pleins de rayons et de larmes.
Sans bruit, l’Automne pleure en sentant le froid et le soir,
Mais le Printemps sourit à l’aurore où les charmes
Des paradis perdus versent la féerie au sol noir.

Novembre, verras-tu des nids, la fleur nouvelle?
Car un miracle prend ton ciel et l’ensorcelle,
Et c’est l’aurore-amour où te voici transfiguré.

Dans les gouttes de fleurs va flamber son mirage.
Et, palpitants de ses mêmes baisers dorés,
Le Printemps et l’Automne ont même âge et même visage.

Q59 – T14 – 2m : les vers 2 ,4,6,8, 11 et 14 ont 14 syllabes

Comme la vieille aïeule au plus fort de son âge 1912 (6)

Charles PéguyLa Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc
Quatrième jour
Pour le lundi 6 janvier 1913
Jour des Rois
Cinq cent unième anniversaire
De la naissance de Jeanne d’Arc

IV

Comme la vieille aïeule au plus fort de son âge
Se réjouit de voir le tendre nourrisson,
L’enfant à la mamelle et le dernier besson
Recommencer la vie ainsi qu’un héritage;

Elle en fait par avance un très grand personnage,
Le plus hardi faucheur au temps de la moisson,
Le plus hardi chanteur au temps de la chanson
Qu’on aura jamais vu dans cet humble village:

Telle la vieille sainte éternellement sage
Connut ce que serait l’honneur de sa maison
Quand elle vit venir habillée en garçon,

Bien prise en sa cuirasse et droite sur l’arçon,
Priant sur le pommeau de son estramaçon,
Après neuf cent vingt ans la fille au dur corsage;

Et qu’elle vit monter de dessus l’horizon,
Souple sur le cheval et le caparaçon,
La plus grande beauté de tout son parentage.

Q15 – T33 + ddc – y=x (c=a & d=b) – 17 vers (trois tercets), sur deux rimes

Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre, — 1912 (5)

Charles PéguyLa Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc

II

Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre,
Et qu’on était content de son exactitude,
On mit sous sa houlette et son inquiétude
Le plus mouvant troupeau, mais le plus volontaire.

Et comme elle veillait devant le presbytère,
Dans les soirs et les soirs d’une longue habitude,
Elle veille aujourd’hui sur cette ingratitude
Sur cette auberge énorme et sur ce phalanstère.

Et quand le soir viendra de toute plénitude,
C’est elle la savante et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris dans sa sollicitude

Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Dans la cour de justice et de béatitude
Le troupeau le plus sage à la droite du père.

Q15 – T20 – y=x : c=b & d=a

Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre, — 1912 (4)

Charles PéguyLa Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc
Premier jour
Pour le vendredi 3 janvier 1913
Fête de Sainte Geneviève
Quatorze cent unième anniversaire de sa mort

I

Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre,
On la mit à garder un bien autre troupeau,
La plus énorme horde où le loup et l’agneau
Aient jamais confondu leur commune misère.

Et comme elle veillait tous les soirs solitaire
Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l’eau,
Du pied du même saule et du même bouleau
Elle veille aujourd’hui sur ce monstre de pierre.

Et quand le soir viendra qui fermera le jour,
C’est elle la caduque et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris et tout son alentour

Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Pour la dernière fois dans la dernière cour
Le troupeau le plus vaste à la droite du père.

Q15 – T20 – y=x : d=a

Un regret plus mouvant que la vague marine — 1912 (3)

Charles PéguyLes sonnets

L’épave

Un regret plus mouvant que la vague marine
A roulé sur ce cœur envahi jusqu’au bord.
Un jour plus solennel que le jour de la mort
S’est levé sur le foc et sur la brigantine.

Un espoir plus étroit que la voile latine
Portera-t-il jamais jusqu’au recreux du port,
Fera-t-il pénétrer jusqu’au secret du sort
La nef aux bois courbés coupés sur la colline.

Quand le juste pilote a déserté le nord,
Hommes laisserons-nous cette main enfantine
Saisir le gouvernail et redresser le tort.

Quand le vieux capitaine est tombé de son fort,
Laisserons-nous la voix apparemment mutine
Commander par tribord, par bâbord, et sabord.

Q15 – T17 – y=x (c=b & d=a)

Il neige dans mon cœur …. et le printemps éclate — 1912 (2)

– Docteur Paul PersyLes sonnets de l’or (1903-1912) –

Triomphe

Il neige dans mon cœur …. et le printemps éclate
En fleurs
De vives et fastueuses couleurs
Partout le blanc, le bleu, le roi et l’écarlate.

La brise chaude – comme on flatte
Un visage d’enfant en pleurs –
Caresse ces blancheurs, ces roses enjôleurs,
Ces bourgeons incarnats que le soleil dilate.

Or, pendant que la vie infatigable sort
Des tiges qu’elle brise et qu’un souffle plus fort
Chasse en un vol d’or les corolles libres,

Les flocons froids tombent plus pressés dans mon cœur,
Glaçant, tordant, broyant ses fibres;
Et c’est la mort et son ricanement vainqueur.

Q15 –  T14 – banv – m.irr

Qui donc es-tu? toi qui te lèves — 1912 (1)

Raoul Lecomte, l’employé de métro poète – Recueil de poésies

Aurora (sonnet)

Qui donc es-tu? toi qui te lèves
Là-bas où paraît le soleil
Toi qui fait achever mon rêve
En souriant à mon réveil.

Resplendissante tu t’élèves
Embrasant l’horizon vermeil,
Décor sublime et sans pareil
Surgit dans la nuit qui s’achève.

De tes éclats éblouissants
Aux mille feux étincelants
Tu fais s’épanouir la flore.

Et parmi le calme serein
A ma fenêtre le matin
Je vois apparaître « L’aurore ».

Q9 – T15 – octo  – « Au fond du souterrain où ma vie se déroule »
En quatrième de couverture: « Toi qui souffres et te lamentes / Ayant des troubles dans le cœur, / De Ricqlès prend l’Alcool de Menthe / Tu trouveras le vrai bonheur // »

Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône, — 1911 (10)

Léon Vérane Terre de songe

Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône,
Les perroquets rouges et verts se sont juchés
Et troublent d’un frôlis d’ailes le soir d’automne
Au long des boulingrins de corolles jonchés.

Et le nain, sous son chaperon de velours jaune
Où comme un bleu panache un iris est fiché,
Jongle avec des citrons, des cédrats et des pommes
Aux cris rauques des grands oiseaux effarouchés.

Mais la lune surgie au ciel de lazulite,
Ecorne sa rondeur aux ifs pointus du bois,
Et le nain qui jonglait, soudain devenu triste,

Songe qu’il a manqué pour la première fois
Un citron, un cédrat ou une pomme blanche,
Puisqu’un fruit est resté dans la fourche des branches

Q8  T23  quelques assonances

L’ennui tombe sur moi comme un lourd crépuscule. — 1911 (9)

Léonce Cubelier de Bagnac La naissance du verbe

La lampe

L’ennui tombe sur moi comme un lourd crépuscule.
Ma chambre est pleine d’ombre & mon cœur est désert.
Espoirs, regrets, désirs, tout est mort ! et dans l’air,
Je ne sais quoi de morne et de glacé circule.

Mon âme, où tout le deuil des choses s’accumule,
Tremble, devant le soir, d’un grand frisson amer.
L’horizon a sombré dans la brume d’hiver …
On dirait que la vie, incertaine, recule.

Je vais mettre très haut ma lampe & ma pensée,
Pour que, si quelque ami, passant sur la chaussée,
Vers mon humble logis vient à lever les yeux ;

Ou bien, si quelque rêve égaré dans les cieux
Cherche, pour s’y poser, un âme triste et tendre,
L’ami songe à monter, et le rêve à descendre.

Mon front trop lourd s’incline – et je suis las d’attendre.
Voici que le jour point, ma lampe va mourir …
Ils ne sont pas venus, ceux qui devaient venir.

Q15  T13  + eff  17v