Archives de catégorie : Q08 – abab abab

A Pistoie, en m’éveillant — 1879 (9)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Italiam! Italiam!

A Pistoie, en m’éveillant
Un prurit soudain m’offusque;
Certain insecte grouillant
Vint-il pas se poser jusque

Où mon cou est plus saillant.
Je le saisis d’un air brusque!
Mais je dis en souriant:
« Hé! C’est la punaise étrusque!!

Petit insecte rageur,
Je ne suis qu’un voyageur,
Cherche ailleurs, cherche ta voie! »

Je dis, et posai sans bruit
Dessus la table de nuit
La punaise de Pistoie!

Charles Monselet

Q8 – T15 -7s

De ses cris Prométhée emplissait le Caucase; — 1879 (8)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Prométhée et le vautour

De ses cris Prométhée emplissait le Caucase;
Et l’éternel vautour, à sa proie acharné,
Plongeant son bec vorace ainsi que dans un vase,
Buvait le sang au flanc du pâle condamné.

Le roc entier tremblait de son faîte à sa base
Sous l’effort convulsif du Titan enchaîné …
Quand tout à coup l’oiseau que la fureur embrase
Releva vers le ciel son long cou décharné.

Et le vautour cria d’une voix lamentable:
– Entendrai-je toujours cet être insupportable
Eternellement geindre et poser en martyr?

Pense-t-il, ici-bas, être seul à souffrir?
Et croît-il que ce soit un grand sujet de joie
De ne manger depuis six mille ans que du foie?

Gabriel Monavon

Q8 – T13

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille — 1879 (3)

Albert GlatignyOeuvres

Sonnets spartiates, II

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille
Bien mieux que ces combinaisons
Qu’un chef alambique et travaille
Ainsi qu’Enili ses poisons,

Sur le banc de bois où me raille
Le merle chantant aux buissons,
Le cabaret et sa muraille
Que charbonnent les polissons.

Là, je vois des vins populaires
Où Suresnes met ses colères
Et qui font le nez bourgeonné,

Et, pour irriter la fringale,
Cyniquement je me régale
D’un plat de hareng mariné.

Q8 – T15 – octo

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde — 1878 (2)

Charles Soullier Mes sansonnets

Le Siècle du Sonnet ou Les sept ages du monde à partir de l’age d’or jusqu’à nos jours

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde
Qui, jeune encore alors, n’était qu’à son printemps,
Avait pour tout habit sa chevelure blonde:
Mais un soleil si pur ne brilla pas longtemps.

Deux mille ans avaient fuit sur la terre et sur l’onde,
Quand le siècle de fer, grâce au progrès du temps,
Saluant de Papin la science profonde,
Découvrit la vapeur aux longs spireux flottants!

Après, vint au galop le siècle des lumières,
Dont l’astre éblouissant fatiguait les paupières;
Puis le siècle d’argent qui, pour parler plus net,

Fut le siècle du vol , ou siècle de la bourse ,
Que le siècle du sport absorba dans sa course.
Nous avons aujourd’hui le siècle du sonnet .

Q8 – T15 – s sur s – Mr Soullier cite La Harpe (commentant Boileau) : « C’est là pousser trop loin le respect pour le sonnet, où l’on ne trouve d’ailleurs point de différence essentielle entre sa tournure et celle des autres pièces de vers à rimes croisées, telles que le madrigal et l’épigramme dont le principal mérite est de finir aussi par une pensée remarquable. »
Il propose ensuite sa propre définition.
« Les règles d’après les bases qui en ont été posées par les principales autorités littéraires sont:
– 1 – Le sonnet se compose de 14 vers de mesure pareille, principalement de 12 syllabes, mais quelque fois aussi de 10, 8, et même au-dessous de ce chiffre, selon la nature du sujet. Il ne faut que très rarement se départir de ces formes principales.
– 2 – Ces 14 vers doivent être divisés en deux quatrains et deux tercets
– 3 – Il ne doit exister que deux genres de rimes dans les deux quatrains, l’une masculine et l’autre féminine. Les rimes peuvent être consécutives ou diversement croisées selon le choix du poète.
– 4 – Le sixain, composant les 2 tercets, doit avoir trois rimes. Ces rimes doivent être différentes de celles de deux quatrains; et elles seront disposées à volonté, selon les règles particulières des stances de six vers.
– 5 – Il y aura un repos entier au quatrième vers de chaque quatrain et un demi-repos au deuxième vers de chacun d’eux. « 

Pendant que la nuit meurt, que tout sommeille encore, — 1878 (1)

– Abbé Léopold Dupuy-PéyouLes joyaux de la reine des cieux ou Litanie de la Très-Sainte Vierge paraphrasée en sonnets, …-

STELLA MATUTINA

Pendant que la nuit meurt, que tout sommeille encore,
On voit comme un clou d’or oublié dans les cieux,
Avant que l’horizon de pourpre se colore,
Un seul astre attardé qui brille radieux.

C’est l’astre du matin qui précède et décore
Le phare éblouissant qui réjouit nos yeux.
Docile avant-coureur, il annonce l’aurore
D’un jour calme et serein, au matelot pieux.

Mais moins belle est au temple une lampe allumée,
Moins doux sont les rayons de l’urne parfumée
Qu’aux pieds de l’Eternel balance un chérubin,

Que ton éclat, Marie. Oui, dans la nuit profonde,
Précédant le Soleil qui réchauffe le monde,
Israël te vit luire, Etoile du matin!

Q8 – T15 – « Parmi les divers genres de poésie, nous avons choisi le sonnet qui, plus que toute autre pièce, offre l’aspect d’une hymne véritable par ses formes et ses lois invariables.

Ce n’est pas sans effort que nous avons persisté dans la règle constante que nous nous sommes tracée, à savoir de clore toujours chaque sonnet par l’invocation qui en fait le sujet. On remarquera les difficultés sans nombre qu’a fait surgir cette uniformité. Si le trait final & caractéristique du sonnet ne jaillit pas toujours, la sécheresse d’une rime banale mérite qu’elle partage les reproches réservés à l’auteur.  »
Un des sonnets de l’abbé est un acrostiche:  AVE O CASTA MARIA

Sur les blés verts l’alouette, — 1877 (10)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

L’alouette
A Monsieur Mauric de Canchy
L’alouette se lève et chante les mâtines – Anaïs Ségalas

Sur les blés verts l’alouette,
Au mois de Mai radieux,
D’abord timide, volette,
Puis, s’élance vers les cieux.

Son gosier jaseur miette
Un hymne mélodieux.
Le laboureur qui la guette,
La questionne anxieux :

O virtuose rustique,
Que dit ton joyeux cantique
Aux tons si doux, si touchants ?

– A la campagne fleurie
Je dis : Célèbre Marie !
Moi je lui porte mes chants.

Q8  T15  7s

Mère des orphelins, ô divine Marie, — 1877 (8)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

Salut
Ave maria – ‘L’ANGE GABRIEL

Mère des orphelins, ô divine Marie,
Je viens m’agenouiller au pied de ton autel ;
Tant de fois ta puissance a protégé ma vie,
Faible enfant ! – Je te voue un amour éternel.

Heureux qui te choisit pour patronne chérie !
Tu le consoleras dans son sentier mortel.
Ton nom passe si doux sur la lèvre qui prie !
Ton regard sur un cœur tombe si maternel !

Je voudrais à ton front où la grâce rayonne
De fleurs d’or le plus pur placer une couronne,
Mais je n’ai que mon luth, ingénieux troubadour ;

Je te l’offre. – Il dira ta bonté tutélaire,
Les bienfaits que du ciel tu fais pleuvoir sur tette :
O Vierge, accepte-le, comme un gage d’amour !

Q8  T15

Il se trouve cerné sur un champ de bataille — 1877 (4)

Henri Passérieu – in Union littéraire des poètes et littérateurs de Toulouse

Sonnet militaire

Il se trouve cerné sur un champ de bataille
Par cinquante guerriers, noirs démons forcenés:
Sur son visage ardent, une sublime entaille
Rougissait d’un sang pur ses traits illuminés.

Au milieu du bruit sec produit par la ferraille,
Au milieu des grands coups et reçus et donnés
On eut dit un géant perçant une muraille,
Et près de voir enfin ses efforts couronnés.

– Il succombe pourtant; la légère Espérance
Voyant ses yeux voilés par la prochaine mort,
S’enfuit, l’abandonnant en proie à la souffrance.

Alors, se ranimant dans un suprême effort,
Et levant vers le ciel sa figure meurtrie
Il retomba criant: « Vive notre Patrie! »

Q8 – T23 – bi

Le sonnet, cadre étroit, mais où la poésie — 1876 (14)

Eugène Lambert in L’Artiste

Le sonnet

Le sonnet, cadre étroit, mais où la poésie
Enferme avec amour, sans le faire éclater,
Tout ce qui charme : amour, foi, raison, fantasie,
Et vient en ce milieu charmant pour y chanter !

C’est tout ce qu’il concentre en sa forme choisie ;
C’est la parcelle d’or que l’art sait présenter
A son creuset, qu’informe encore, il a saisie
Pour en fait un bijou qu’un burin doit sculpter ;

Tous les parfums d’Asie, et que le Tigre arrose,
En une goutte d’ambre ou d’essence de rose ;
Tous les rayons qu’un prisme en lui peut réunit ;

C’est toute la rosée, en sa perle irisée ;
Et tous les sentiments en un seul souvenir,
Et qui d’un coin du cœur nous font un Elysée !

Q8  T14  s sur s