Archives de catégorie : Q08 – abab abab

Brûler, transir, oser, perdre courage, — 1850 (7)

– Général d’Alvimar Œuvres poétiques

Définition de l’amour. sonnet

Brûler, transir, oser, perdre courage,
Etre à la fois gai, triste, doux, fâcheux ;
Hautain, soumis, agréable, sauvage,
Extrême en tout, confiant, soupçonneux :

De la raison abhorrer le langage,
Traîner sa chaîne en gémissant honteux ;
Prendre à longs trait un poison pour breuvage,
Chérir son mal en le trouvant affreux ;

Vouloir jouir d’un bonheur impossible,
Croire le ciel dans un enfer horrible,
L’y rechercher en vain avec fureur ;

Ne voir qu’en beau l’objet qui tyrannise,
Craindre d’ouvrir les yeux sur son erreur :
Tel est l’amour, qui l’a connu le dise.

Q8  T14  déca

Notre vie est semblable aux monts de Pyrénées ; — 1850 (5)

Armand de Flaux Nuits d’été

Sonnet

Notre vie est semblable aux monts de Pyrénées ;
Aux pieds naissent des fleurs dans toutes les saisons,
Et du haut des glaciers les neiges entraînées,
Coulent plus mollement sur des lits de gazons.

Des forêts de sapins sur leurs flancs inclinées,
A jamais, du soleil leur cachent les rayons,
Et, dans l’azur des cieux, leurs têtes couronnées
Sont éternellement couvertes de glaçons.

Ces gazons et ces fleurs n’est-ce pas la jeunesse ?
Ces forêts, d’un aspect plus grave et plus obscur
Dont l’oeil est attristé, n’est-ce pas l’âge mûr ?

Ces sommets dévastés, n’est-ce pas la vieillesse ?
Puis cette immensité des pics au firmament
N’est-ce pas de la mort le vide et le néant ?

Q8  T30

Toi, dont la vie errante est de charmes remplie, — 1850 (4)

Paul-Eugène Bache Les oranaises

La plume

Toi, dont la vie errante est de charmes remplie,
Plume, faisceau léger d’un duvet blanc et pur,
Dont le tube flexible au moindre vent se plie
Plissant tes fils d’argent de doux reflets d’azur.

Burin que l’oiseau porte en son aile assouplie,
Qui puises son éclat dans un liquide obscur,
Qui façonnes les mots en musique accomplie,
Dont le bec meurtrit mieux que le fer le plus dur ;

Toi, qui nages dans l’or, toi qui rases la terre.
Toi, qui vivant d’amour, de gloire ou de mystère,
Gémis en t’envolant comme un baiser d’adieu ;

Pourquoi n’écris-tu pas, quand de nos mains tu tombes,
Sur la page d’airain qu’on ferme sur nos tombes,
Au lieu d’un nom glacé, ce mot sublime : DIEU !

Q8  T15

Nous t’aimions bien jadis quand sur ta triste harpe — 1849 (2)

Baudelaire in La Silhouette

A une jeune saltimbanque

Nous t’aimions bien jadis quand sur ta triste harpe
Tu raclais la romance, et qu’en un carrefour,
Pour attirer la foule à voir tes sauts de carpe,
Un enfant scrofuleux tapait sur un  tambour;

Quand tu couvais de l’oeil, en tordant ton écharpe,
Quelque athlète en maillot, Alcide fait au tour,
Qu’admire le bourgeois, que la police écharpe,
Qui porte cent kilogs et t’appelle mamour.

Ta guitare enrouée et ta jupe à paillettes
Etalaient à nos yeux le rêve des poëtes,
La danseuse d’Hoffmann, Esmeralda, Mignon.

Mais déchue à présent, te voilà, ma pauvre ange,
Sultane du trottoir, ramassant dans la fange
L’argent qui doit soûler ton rude compagnon.

Q8 – T15 Paru sous la signature de Privat d’Anglemont ce sonnet à été restitué à Ch.B. par W.T. Bandy.

Lorsque dans ma route isolée — 1848 (5)

Eugène Debons Chants d’amour

Lorsque dans ma route isolée
Ton regard vient, plein de douceur,
Me montrer la voûte étoilée
Où s’élance mon cœur ;

Tel, se glissant, dans la vallée,
Un joyeux rayon de chaleur
Rend à la fleur étiolée
La vie et le bonheur.

Quand ton sourire, après l’orage,
Dissipe le sombre nuage
Qui me voilait les cieux ;

O blanche étoile de mon âme !
Qu’il m’est doux, guidé par ta flamme,
De baiser tes beaux yeux !

Q8  T15  2m

Dans ces élans de ma tendresse — 1847 (5)

dr. Alexandre Delainne Hommage lyrique aux sciences naturelles

A toi

Dans ces élans de ma tendresse
Lorsque mon cœur bat près de toi,
D’où vient mon indicible ivresse ?
Oh ! si tu le sais, dis-le moi !

Mon âme qui n’est plus maîtresse
De ses transports, de son émoi,
Vers la tienne vole, s’empresse
Et veut s’y confondre … pourquoi ?

C’est que du ciel l’ordre inflexible
Par ses lois, de l’être sensible
Veut aussi charmer le séjour.

Et l’attraction si féconde,
Ce sublime pivot du monde,
Entre nous deux s’appelle … amour !

Q8  T15  octo

Oh ! mes jeunes amours, qu’êtes-vous devenues, — 1847 (4)

Charles Brainne Premières armes

A Madame A.M.

Oh ! mes jeunes amours, qu’êtes-vous devenues,
Vous que j’aurais voulu garder comme un trésor ;
L’instant où je croyais toucher du front les nues,
Et m’élever au ciel par un magique essor.

Accents mélodieux, extases inconnues
Qu’un ange soupirait sur une harpe d’or,
Harmonieux essaim de beautés toutes nues
Qui devant moi passiez et repassiez encor.

Ah ! revenez à moi, revenez, doux mensonges,
Qui voltigiez la nuit sur les ailes des songes,
Revenez endormir mes yeux mouillés de pleurs.

Rendez-moi, par pitié de ma longue souffrance,
Un peu de joie, au prix d’un siècle de douleurs,
Pour tous mes souvenirs une seule espérance.

Q8  T14

L’ombre tombait, du soir régnait l’heure indécise, — 1846 (9)

Louis Chefdeville Les solitudes

La cloche

L’ombre tombait, du soir régnait l’heure indécise,
Triste, j’étais assis aux bords qui me sont chers.
La mer battait la grève, et l’aile de la brise
Passait en gémissant sur les sables déserts.

Argentant le galet, l’algue et la roche grise,
A mes pieds lentement expiraient les flots clairs.
Je révais. Tout à coup la cloche d’une église,
Comme un écho lointain retentit dans les airs.

Et je frémis lors, une ivresse inconnue,
Au bruit des saints accords, remplit mon âme émue,
Et longtemps j’écoutai la voix qui tour à tour

Disait – tantôt sonore et tantôt faible et vague ,
– Sur la plaine aux bergers, aux pêcheurs sur la vague :
– Rendez grâce au Seigneur : Voici la fin du jour.

Q8  T15

Vos cheveux sont-ils blonds, vos prunelles humides? — 1846 (5)

Baudelaire in L’Artiste

Sur l’album d’une dame inconnue

Vos cheveux sont-ils blonds, vos prunelles humides?
Avez-vous de beaux yeux à ravir l’univers?
Sont-ils doux ou cruels? Sont-ils fiers ou timides?
Méritez-vous enfin qu’on vous fasse des vers?

Drapez-vous galamment vos châles en chlamydes?
Portez-vous un blason de gueules et de vairs?
Savez-vous le secret des lointaines Armides?
Ou bien soupirez-vous sous les ombrages verts?

Si votre corps poli se tord comme un jeune arbre,
Et si le lourd damas, sur votre sein de marbre,
Comme un fleuve en courroux déborde en flots mouvants,

Si toute vos beautés valent qu’on s’inquiète,
Ne laissez plus courir mon rêve à tous les vents:
Belle, venez poser devant votre poête!

Q8 – T14

Du temps que je croyais aux dogmes catholiques, — 1846 (2)

Philothée o’ Neddy (Théophile Dondey) – Livres de sonnets

Madonna col bambino

Du temps que je croyais aux dogmes catholiques,
Que mes pensers d’enfance, ardemment ingénus,
Admettaient le pouvoir des saints et des reliques;
Que j’allais des autels baiser les marbres nus;

Parmi les beaux tableaux des grandes basiliques,
Celui que j’adorais, que je priais le plus,
C’était la Vierge blanche aux voiles angéliques,
Dans ses bras maternels portant l’enfant Jésus.

Et – bien que maintenant les doctrines sceptiques
Aient guéri mon cerveau des rêves chimériques
Bien que j’ose nier la Vierge et les élus,

J’ai toujours néammoins des tendresses mystiques,
Pour une femme assise en des prismes confus,
Qui tient un nouveau-né dans ses bras fantastiques.

Q8 – T7 – y=x (c=a, d=b)