Archives de catégorie : Q15 – abba abba

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête. — 1934 (7)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

Voix de l’Esprit

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête.
– Je veux dormir. Qui crie ? est-ce moi ?
Une lumière gicle – Sang ou soie ?
C’était, je m’en souviens, c’était la fête …

Ce n’est, inimitable, qu’une voix
Qui coule de mes reins jusqu’à ma tête :
Arrête-toi ! qui parle ?  suis-je bête !
C’était, je m’en souviens, c’était la joie …

Figures vierges. Solitudes grasses.
Est-ce le plat démon ? une ombre passe,
Emplit mon arc tendu, de mouvement.

Délices fortes que le temps renoue !
O voix !  plus assassines que le sang.
Et pas un fleuve pour coucher ma joue.

Q15  T14  – banv – déca

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde. — 1934 (6)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde.
Et l’Ange a beau gémir : il est lié.
Qui suis-je ? en quelles paumes oublié ?
Mer repliée au cœur de la palourde.

Es-tu ici prière ? o grande sourde !
Je crie. Le monde me revient crié.
Rien ! rien que ce sanglot du temps nié
Où pèse des soleils la masse sourde.

Pas même seul. Des tas ! des tas de SEULS !
Ont elles droit, si maigres, aux linceuls,
Ces pures ombres que l’histoire traque ?

Puisse-t-il être ton moyeu, sommeil,
Ce centre où Dieu rayonne le Zodiaque !

…. Ô terres du futur ! puissants orteils ! ….

Q15  T14  déca – disp: 4+4+3+2+1

Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte, — 1933 (8)

– ? La guirlande de Priape

Une compliquée


Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte,
Je n’aime pas têter les bites bandant mou,
Qui tirent à regret un pauvre petit coup,
Je n’aime pas non plus les langues de gougnotte.

Me branloter moi-même en allant aux chiottes,
Ou me faire bouffer goulument les deux trous
Par le klebs bien dressé du voisin d’en-dessous,
Ou me planter au cul une froide carotte,

Ca ne me dit plus rien. J’aime boire à longs traits
D’un polard formidable et raidi le jus frais,
Pendant qu’un autre vit masturbe mes tétons,

Et me baise en nichons. Mais pour que j’éjacule,
Il faut qu’en même temps on lèche mon bouton,
Et qu’un troisième vit, jusqu’aux burnes m’encule

Q15  T14 – banv

Le grand cobra royal, au parc zoologique — 1933 (7)

– ? La guirlande de Priape

Charmeuse ou La revanche d’Eve

Le grand cobra royal, au parc zoologique
Promène son ennui splendide et paresseux,
Car on l’a désarmé : ses crochets venimeux
Tranchés au ras de l’os, l’ont rendu nostalgique.

Il traîne, apprivoisé, ses anneaux à musique,
Lorsqu’il voit Miss Edith, sur un talus herbeux,
Essayant de calmer, par un doigt langoureux
Savamment manœuvré, son ardeur hystérique.

A peine a-t-elle vu le docile serpent
Qu’elle cesse son jeu, grand’ouverte elle attend.
Perplexe, le cobra, dardant son corps en verge,

Au seuil des Paradis à ses yeux dévoilés
Se demande par où s’enfiler dans la vierge
Par le conin juteux ou l’anus étoilé.

(Leconte de Lisle Poèmes barbares)

Q15  T14

Jadis, quand on rimait et pensait richement, — 1933 (5)

H René Lafon La rôtisserie des Muses ou l’art d’accommoder les rimes

Sonnet au sonnet

Jadis, quand on rimait et pensait richement,
Nos poètes faisaient, avec respect, usage,
Pour abriter l’idée ou pour fixer l’image
D’un tout petit hôtel particulier charmant.

On l’appelait : Sonnet. Cet étroit logement
Suffisant pour l’aïeul, semble au fils d’un autre âge ,
Et l’on fuit ce cher cadre où l’on tenait langage
Quatuordecimoversiculairement.

Le temps était auguste, il fleurait son naguère.
Pétrarque l’habita. Bombardé par la guerre,
La Muse en cheveux courts, ingrate, l’éconduit.

Un sonnet, pensez donc ! trois étages ! trop maigre ! …
Et c’est pourquoi l’on voit triompher aujourd’hui
Le gratte-ciel yankee… ou la paillotte nègre !

Q15  T14 -banv –  s.sur s

Sans plus tacher de plaire ou même d’émouvoir, — 1932 (4)

Natalie Clifford Barney in  Le Manuscrit autographe

4
SONNET

Sans plus tacher de plaire ou même d’émouvoir,
Laisse-moi m’approcher de toi, plus virginale
Que la neige ; apprends-moi ta paix impartiale,
Anéantis en moi la force et le vouloir.

Je veux cacher mes yeux, plus tristes que le soir,
A tes yeux ; oublier jusqu’au petit ovale
De ta face, et, mon front dans le frais intervalle
De tes seins, sangloter des larmes sans espoir.

Mes pleurs sont un poison trés lent que je veux boire,
Au lieu de mendier en quelque amour banal
L’ingrate guérison, l’aveuglement final…

Prés de toi mon désir se consume illusoire.
O mes regrets ! combien j’éprouve encor ce mal
De rêver au bonheur auquel on ne peut croire !

Q15 -T28 – c=a*, d=b*

Appelé bientôt à d’autres combinaisons, — 1932 (3)

Charles-Adolphe Cantacuzène Sonnets sans écho, etc.

Sonnet

Appelé bientôt à d’autres combinaisons,
J’y voudrais retrouver ce soir et ses merveilles,
Ce parc avec les miens, ces lumières vermeilles
Et vertus clair-obscur, ce lac & ses gazons.

Lune, peupliers, cygne et saule, exhalaisons,
C’est l’automne lunaire aux décadentes treilles,
Déjà; ce sont déjà, chers cœurs, les avant-veilles
Des soirs, des longs soirs où nous nous emprisonnons.

Ma femme, ma fille, oh! Aimons la douce automne
Qui se soir, dans ce parc, en passant nous redonne
Un peu de sa chaleur et de son franc parfum.

Dînons au bord du lac où cet automne rôde
Sous l’électricité du rayon calme et brun
Qui sort du temps, du lac et de la brume chaude.

Q15 – T14 – banv

L’oiseau de flamme apporte un message. La grille — 1931 (8)

André Breton in Oeuvres (ed. pleiade, II)

L’oiseau de flamme apporte un message. La grille
Ne s’ouvre plus qu’aux doigts des anges menaçants.
Aux fenêtres du nords des violons cassants
S’accoudent et l’amour enlace un ciel qui brille.

Au large les bijoux et leur louche escarbille,
Les éventails de roche ou de verre, l’encens
Pourpre des baisers morts ! tous les êtres absents
Les beaux points cardinaux continuent leur quadrille.

C’est toi qui viens, immense aurore éternité
Je le sais, tu rendras ce qui fut habité
Plus muet qu’une fleur et plus douteux qu’un prisme.

Après moi qui n’aspire à toi que par dépit
Comme un papillon blanc au vague mimétisme
Un épi bleu se couche et c’est un noir épi.

Q15  T14 – banv
Dans ces deux sonnets (7-8) parfaitement banvilliens, d’écriture automatique, l’inconscient du poète s’est soumis à la forme stricte sauf que, patatras, le dernier vers du premier sonnet contient un énorme hiatus. Et les vers 12 et 14 du second riment de manière erronée. On ne joue pas sans risque avec l’inconscient !

L’amour sur le chemin dansait avec la peur — 1931 (7)

André Breton in Oeuvres (ed. pleiade, II)

L’amour sur le chemin dansait avec la peur
Car je portais le feu des étoiles aux vignes.
Il m’a fallu plus tard interpréter les signes
Des grands puits de pétrole et du désir trompeur.

Le jour se balançait, tendre comme un vapeur
Par-delà les talus couverts de fleurs malignes,
Les femmes qu’entrainait la lumière étaient dignes
De me guider brillant chèvrefeuille grimpeur.

Une aune de ruban merveilleux s’envolait
De chaque épave, un ciel fait de bouquets de lait
Aux apparitions donnait libre carrière.

Mon cheval approchait au galop de minuit
De ce poste le plus éloigné de la terre
Où depuis je suis mort et où mon âme luit

Q15  T14 – banv

Jusqu’au jour où la mort me touchera le front — 1931 (6)

Gérard d’Houville Les poésies

Les amis

Jusqu’au jour où la mort me touchera le front
Je veux aimer les habitants du noir rivage
Ceux qui, trop tôt pareils aux fantômes sans âge,
D’un rêve inassouvi peuplent le Styx profond.

Oui. Je le sais. Plus tard, au jour ils rentreront
Continuant le livre ou finissant la page,
Jeunes gens, jeune femme, et ce même visage
Interrogeant l’amour qui jamais ne répond…

Mais, avant de renaître en ces forces futures,
Encore, attendez-moi sur les rives obscures.
Bientôt j’arriverai. Car je veux vous revoir

Amis de ma jeunesse! Et vous dire, ombre d’ombre,
Tout ce que, lorsqu’on vit, on n’a pas le pouvoir
D’exprimer, que l’on tait, et qui, dans l’âme, sombre …

Q15- T14 – banv