Archives de catégorie : Q15 – abba abba

Vierge feuillet, pensée ardente — 1921 (11)

Paul Morin Poèmes de cendre et d’or (ed. Jean-Paul Plante 1961)

Vierge feuillet, pensée ardente
Langueur des soirs de désaccords
Entre le trop paresseux corps
Et l’âme trouble et trépidante ;

Futile regret qui me hantes
Des spontanés poèmes, morts
De trop de parfums, de trop d’ors,
Dès leur naissance fulgurante ;

Ecrasé sous le fardeau du
Quotidien labeur obscur,
Moi, jadis frère de l’azur,

Faut-il que toujours je me lève,
Evoquant le rythme perdu
Des vers royaux qu’on fait en rêve ?

Q15  T34 – octo

Le rire tenait sa bouteille — 1921 (10)

La vie des lettres et des arts

Paul Eluard

Bouche usée

Le rire tenait sa bouteille
A la bouche riait la mort
Dans tous les lits où l’on dort
Le ciel sous tous les corps sommeille

Un clair ruban vert à l’oreille
Trois boules une bague en or
Elle porte sans effort
Une ombre aux lumières pareille

Petite étoile des vapeurs
Au soir des mers sans voyageurs
Des mers que le ciel cruel fouette

Délices portées à la main
Plus douce poussière à la fin
Les branches perdues sous la rouille

Q15  T15  octo (irr.)

Le ballon bleu de la pendule — 1921 (9)

La vie des lettres et des arts

André Breton

Titre

Le ballon bleu de la pendule
Et les petits nids des manchons
C’est là-dessus que nous couchons
Notre matin est incrédule.

A l’écureuil fou qui recule
La hampe offre ses cabochons
De faux rubis et nous trichons
Pour passer l’eau quand elle ondule

Les comédiens du bosquet
Sauvent le puits où l’on vaquait
A ses conquêtes en musique

Un évêque éteint nommé Jean
Ramène sa chape de brique
Sur le grand espace changeant

Q15  T14  –  banv – octo

Banvilien de sructure (ce que ne sont pas ceux des deux acolytes) le sonnet de Breton n’est pas régulier en ses mots-rimes : « jean / changeant » !

Clair de lune à la mer: les rayons jettent — 1921 (1)

Jehan d’Arvieu Le monde sous l’étoile

Alleluia

Clair de lune à la mer: les rayons jettent
Des rubans argentés sur l’onde noire,
Des reflets satinés aux jeux de moire,
Des brillants, des émaux et des paillettes.

Caressés de clartés les flots répètent
Aux splendeurs de la nuit un chant de gloire
Murmurant dans un rêve d’oratoire
Sous le vol messager de leurs mouettes.

Clair de lune à l’Eden; la paix dernière.
A l’astre virginal, comme ondes calmes,
Chanteront dans un bruit furtif de palmes,

Les élus tout nimbés de sa lumière,
Cependant que chargés de leurs louanges
Monteront de la mer les vols des anges.

Q15 – T30 – déca – rimes féminines

Une poupée autour du doigt — 1920 (13)

Raymond Radiguet in Oeuvres, ed. 2001

Froid de loup

Une poupée autour du doigt
Trop inhabile à l’escarmouche
Votre aiguille fit la farouche
Pardon si je fus maladroit

A la rencontre d’autres mois
Un décembre fermant la bouche
Candide (c’est ce qui me touche)
Nous de nouveau sommes en froid

La charpie imite la neige
En clignant des yeux pourquoi n’ai-je
Vu qui de nous avait raison

Répétons encore si j’ose
Que l’on meurt en toute saison
Voyez s’évanouir les roses

Q15 – T14 – banv –  octo

Billet de faveur, I …. Hortense s’évanouit, apercevant  au bout de son petit doigt une goutte de sang rose comme la rosée. Elle revient à elle, et à moi, moyennant un sonnet

L’oiseau sur l’affiche BOTTINES — 1920 (10)

Aragon (sonnets non repris dans Feu de joie)

La vie privée

L’oiseau sur l’affiche BOTTINES
L’amour revient de bon matin
Nous ne trouvons plus l’incertain
Regard des grâces enfantines

Le plancher danse tu destines
Ce bras de souvenir lointain
Aux fleurs du papier Nu satin
Tes yeux resteront mes cantines

Décor décor Madame au ciel
Quand abeille aux cheveux de miel
On recommence la tristesse

Tu défais le nœud des saisons
Alors et c’est l’essentiel
Je perds la raison des raisons

Q15 – T14 – – banv – octo


Sonnet, qui n’étais plus qu’un objet de musée, — 1920 (1)

Gauthier-Ferrières Le miroir brisé – sonnets


Sonnet ….

Sonnet, qui n’étais plus qu’un objet de musée,
Dans l’atelier sans air des froids Parnassiens,
Quitte les ciseleurs pour les musiciens
Et danse enfin sur l’herbe où perle la rosée.

Emplis de vin ta coupe, ouvre au vent ta croisée,
Sois libre, ailé, chantant, tourne, bondis, va, viens!
Et joue aux quatre coins dans tes quatrains anciens
Afin que mon Amie en soit tout amusée.

Rajeunis-toi pour elle et brise tes liens,
O Sonnet, noble fleur des parcs italiens,
Transplantée autrefois dans les jardins de France.

Chante lui sa beauté que tu suis pas à pas
Et quelquefois aussi chante lui ma souffrance,
Pourvu qu’en t’écoutant elle n’en souffre pas.

Q15 – T14 – banv – s sur s

Quatorze pieds! Pourquoi mes vers ont-ils quatorze pieds? — 1919 (7)

Henry Céard Sonnets de guerre

Explication

Quatorze pieds! Pourquoi mes vers ont-ils quatorze pieds?
C’est que lassé, depuis longtemps, par l’antique hexamètre
Ankylosé, fourbu, boiteux, j’ai prétendu lui mettre
Deux béquilles, deux pieds de plus, comme aux estropiés.

Hardiment, j’ai rayé l’alexandrin de mes papiers!
Et l’avenir, hors du néant, me tirera peut-être
Pour d’inusités vers, ouvrés sans modèle, sans maître
Et sur aucun patron connu, coupés ou copiés.

Suivant l’accent, je place et déplace la césure.
J’en mets une, deux trois, quatre, et le sens et la mesure
Au lieu de se trouver gênés demeurent agrandis.

La règle peut changer: tout change. Alors risquons l’épreuve
De transformer des procédés trop pratiqués jadis.
– Si l’essai n’est pas bon du moins la tentative est neuve.

Q15 – T14 – banv – 14s – Illusion: il y a déjà eu des sonnets en vers de quatorze syllabes!

Il était, au delà des jeunes frénésies, — 1919 (1)

Francis JammesLa vierge et les sonnets

I

Il était, au delà des jeunes frénésies,
Un coin inaccessible & noir dans la forêt.
Cette forêt était mon cœur, ce coin secret,
La source où s’en venaient boire mes poésies.

Que si je t’ai jamais aimée, enfant choisie,
Si mon rythme a jamais gémi sur tes bras frais,
Je te cachai cette heure où je me retirais
Pour écouter le flot où nageait l’harmonie.

Je t’adresse aujourd’hui cette confession:
Laissant l’échelle d’or et ses illusions,
Quand s’effeuillait dans l’agrandissement des choses,

A travers le pertuis des dômes de ces bois,
Sur l’eau pure, un couchant fait de bouquets de roses,
C’est Dieu que j’appelais, je m’éloignais de toi.

Q15 – T14 – banv

Ce n’est point votre sœur, marquise, et vous, comtesse, — 1918 (5)

A. in Les heures de la guerre

A Louise callipyge

Ce n’est point votre sœur, marquise, et vous, comtesse,
Celle qui dans mes sens fait couler le désir ;
Le robuste idéal de mon charnel désir
C’est une grosse fille avec de grosses fesses.

Elle le corps poilu comme aux rudes faunesses
Et des yeux grands ouverts distillant le plaisir,
Mais dans sa belle chair, le meilleur à saisir
C’est son cul souple et dur, si frais sous les caresses ;

Plus frais qu’en juin la source et qu’aux prés le matin
Quand il vient en levrette avec un jeu mutin
Au ventre s’adapter d’amoureuse manière ;

Et rien alors n’est plus gai pour le chevaucheur
Que de voir, dans son cadre ondoyant de blancheur,
Le joyeux va-et-vient de l’énorme derrière …

Q15  T15