Archives de catégorie : Q15 – abba abba

Le Jardin, le grand jardin se boursoufle de tertres — 1891 (24)

La Conque

Maurice Quillot

La comédie de la mort
à Stéphane Mallarmé

Le Jardin, le grand jardin se boursoufle de tertres
Où pousse des touffes d’adorables chrysanthèmes
Dans les enclos fermés de cadenas et de chaînes!
– Comme si l’on craignait que les âmes se perdent.

On écrit leurs noms sur des Croix dans les herbes vertes:
Et dans l’ombre du soir, les parents vont tout blêmes,
Parce qu’ils ont peur de voir les Morts, hors de leurs gaînes,
S’en venir leur dire avec des bouches trop ouvertes:

 » Que venez vous ici, ridicules trouble-fêtes;
Allez, ce grand calme est bon pour nos pauvres têtes,
Et nos cheveux sont le gazon des lentes charmilles.

Comme les Dieux immortels, nous vivons sans querelles;
Nous disons nos ‘Ave’ sous les petites chapelles
Où sont inscrits nos noms dans les Caveaux des Familles! »

Q15 – T15 – 13s – Rimes approximatives (assonnances).

Vieil idéal manchot des mornes architectes — 1891 (23)

L’Ermitage

Georges Fourest

A la Vénus de Milo
‘Aux quinze-vingts le vieil Homère et toi cascade, Hortense, ma fille’ Jules Vallès

Vieil idéal manchot des mornes architectes
Sortis premiers de l’Ecole des Vilains-Arts;
Paros mal retrouvé par les benêts hasards,
Keulla-Reduction pour cracheurs de Pandectes

Plâtre durci sur la tronche pleine d’insectes
Des petits Italos, article de bazars,
Nulle en bizarre et bon nanan des vieux busards
Chez Balandard sur la pendule où tu t’objectes!

Paganisme des quincaillers! Bronze en toc! Zinc!
Sache que les adorateurs du marquis Tseng,
Ceux qu’un magot, poussah falot, séduit et botte,

O mijaurée, ont renversé ton piédestal
Et qu’ils ont mis dans un Panthéon de cristal
Ta Soeur négresse aux longs têtons: la Hottentote!

Q15 – T15

Les genêts luisent dans la lande désolée; — 1891 (21)

Francis Jammes Six sonnets

I
La fièvre

Les genêts luisent dans la lande désolée;
Sur l’ocre des côteaux la bruyère est de sang:
Mais tu ne peux guérir mon coeur triste où descend
Le souvenir de ma pauvre enfance en allée.

Viens: elle est d’émeraude et d’argent la vallée:
Douce comme ta voix, l’eau chuchote en passant,
Et clair comme ton rire est l’angélus croissant:
Fraîche comme ta bouche est la mousse mouillée.

J’ai la fièvre: Viens là, près de ces romarins,
Près de ce puits glacé que ronge l’herbe fraîche;
Viens, pleurons et mourons, fillette aux yeux sereins;

Nous sommes las: moi, las de sentir une brêche
En mon coeur mort d’amour lors de son mois de mai.
Toi, lasse en ton printemps de n’avoir pas aimé.

Q15 – T23

Je voudrais être un très vieux saule plein de mouches — 1891 (20)

La Revue Blanche

Romain Coolus

Vers le repos

Je voudrais être un très vieux saule plein de mouches
Près d’une eau morte que reflèterait ma nuit.
Nous amalgamerions, elle et moi, notre ennui
Et ne tenterions point de vaines escarmouches.

Avec la passivité pesante des souches,
Je subirais le vent qui caresse et bruit
Et le mauvais orage dont le feu détruit
Et le soleil versant ses corrosives touches.

Je serais très heureux ainsi, point ne bougeant,
Trempant mes feuilles dans le pacifique argent,
Dans l’eau défunte où nul poisson n’irait nageant,

Loin de tout mouvement ridicule et stérile,
Dispensé de la vanité si puérile
D’agir et de vouloir être une âme virile.

Q15 – T5

Sur les autels de pourpre ornant les cathédrales — 1891 (18)

Le concours de La Plume
(concours, premier prix)

Les vrais crucifiés, ce sont les amoureux
Jean Richepin

Sur les autels de pourpre ornant les cathédrales
Qu’élève un coeur mystique à la seule Beauté,
Des Madones, nimbant leurs fronts purs de clarté,
S’érigent dans l’orgueil de leurs robes astrales.

Les Christs crucifiés aux peintures murales
Lèvent leurs yeux pâmés d’amère volupté:
A leurs lèvres du sang de leur sein dévasté
Monte un baiser d’amour avec leurs derniers râles.

La Déesse, invincible aux regards des fervents,
S’épand et se transforme en songes décevants
Qui flottent doucement dans la pâleur des cierges.

Et mêlés aux parfums des encensoirs dorés
Plus haut que l’hosannah des pleurs désespérés,
Planent les chants subtils des implacables Vierges.

Marcel Noyer

Q15 – T15

D’un concours de Sonnets — 1891 (17)

Le concours de La Plume

Au Concours

D’un concours de Sonnets
L’idée est excellente
Et je t’en complimente;
Car ne sachant jamais

Où prendre mes sujets
Tolère que je chante,
Au lieu de mon amante,
Le concours de Sonnets.

Oui, je te glorifie
O concours, stimulant
L’art de la Poésie!

Par contre, maintenant,
Comme à Vénus la pomme,
Donne-moi le diplôme!

Q15 – T23 – 6s

La brise pleine de chansons — 1891 (16)

Le concours de La Plume
(concours n° 96)

La brise pleine de chansons
Apporte des senteurs marines
Qui vont réjouir vos narines,
O calmes filles des boxons!

C’est l’heure tendre où les garçons
S’en vont vider dans les latrines
Les vases remplis des urines
Des marins danois ou saxons.

L’oeil pesant et suivant l’Idée,
Clarisse, à sa table accoudée,
Songe à des vers pour son amant.

De liliales tourterelles
Roucoulent extatiquement
Aux fenêtres des maquerelles.

Q15 – T14 – banv – octo

O créer, avec fièvre un rien: quatorze vers — 1891 (11)

Le concours de La Plume

Gaston Sénéchal

Le Dahlia bleu

O créer, avec fièvre un rien: quatorze vers
Délicats, spéciaux, rares, heureux d’éclore;
Un bouquet effaçant, par le choix de sa flore,
La vieille rhétorique et les jeunes prés verts!

Y mettre le secret de mon coeur, comme Arvers,
Et les vocables doux par lesquels on implore,
Et sous un nom vraiment rythmique, Hélène ou Laure,
Oser vous y parler d’amour, à mots couverts.

Vous les liriez, non pas comme ceux qu’on renomme,
Comme les dieux, avec sollicitude, et comme
Ce sonnet sans défaut vaudrait bien un baiser,

Après l’avoir touché presque du bout des lèvres,
Vous iriez doucement, doucement, le poser,
Sur l’étagère où sont les coupes de vieux Sèvres.

Q15 – T14 – banv – s sur s

Le premier jour de mars allant à Charenton, — 1891 (10)

Mac-NabPoèmes incongrus

Le parapluie

Le premier jour de mars allant à Charenton,
Je m’étais acheté, craignant les giboulées,
Un beau parapluie aux baleines effilées
Emmanché de bois noir et couvert en coton.

J’arrivai sur le quai crotté jusqu’au menton;
Le vent faisait courir les dames dévoilées
Et l’espace était plein de choses envolées.
Mais voilà qu’en mettant les pieds sur le ponton,

Mon emplette m’échappe et tombe dans la Seine:
Pas un homme de coeur pour lui porter secours.
Ainsi disparaissez, illusions, toujours!

L’été suivant, non loin de la Samaritaine,
Un pêcheur qui n’avait rien pris depuis trois jours
En retirant sa ligne y vit une baleine.

Q15 – T28

Depuis Choisy-le-Roi jusqu’au port de Suresnes — 1891 (9)

Mac-NabPoèmes incongrus

Les pâles macchabées

Depuis Choisy-le-Roi jusqu’au port de Suresnes
On les voit lentement flotter au fil de l’eau,
Ils ont le teint blafard comme un tronc de bouleau,
Leur ventre a le ton bleu des mortelles gangrènes

Ah! qu’ils sont laids à voir pendant les nuits sereines
Alors qu’un hydrogène impur gonfle leur peau
Comme un chasselas bien mûr de Fontainebleau …
Et l’on entend au loin le doux chant des Sirènes!

Ils s’en vont par morceaux et nous les achevons:
Des citoyens faisant de longues enjambées
Vont les cueillir avec des perches recourbées.

O vieux fleuve blanchi par l’âge et les savons,
Rejette de ton sein les pâles machabées,
Car cette eau-là, vois-tu, c’est nous qui la buvons!

Q15 – T28