Archives de catégorie : Q15 – abba abba

Il sait tout deviner sans qu’on lui dise rien ; — 1840 (13)

Théodore de Foudras Echos de l’âme

Le chien

Il sait tout deviner sans qu’on lui dise rien ;
Si nous pleurons, il pleure, et lorsque la souffrance
Même chez l’amitié trouve l’indifférence,
Il comprend aussitôt qu’il est son dernier bien.

Pour lui tout est devoir, pour lui tout est lien ;
Quand il s’est devoué telle est sa jouissance
Qu’il semble encor avoir de la reconnaissance,
Il n’est point exigeant, point ingrat, il est chien.

S’il voit une blessure à l’instant il la lèche ;
Si son maître est soldat il le suit sur la brèche,
Et si le guerrier meurt il s’attache au drapeau.

Ce qu’il donne ou reçoit n’est jamais un échange.
Il demeure immuable auprès de ce qui change.
Il va du père au fils, et du fils au tombeau.

Q15  T15

Oui, je connais trois sœurs qui vont toujours ensemble, — 1840 (11)

Léon Magnier Fleurs des champs

Sonnet

Oui, je connais trois sœurs qui vont toujours ensemble,
Modestes, aux doux yeux, brûlantes de beauté ;
Qui savent consoler l’homme par leur bonté ;
Si vous les regardez, l’une aux autres ressemble.

Elles apaiseront le criminel qui tremble ;
Oh ! ce sont les présents de la divinité,
L’espérance des cieux, la foi, la charité ;
Que le plus noble but, le bien, toujours rassemble.

Elles sont des vertus les fidèles soutiens,
Respectez-les, amis, adorez-les, chrétiens !
Vous qui les possédez, conservez-les dans l’âme.

Leurs regards sont levés vers la voûte d’azur,
Elles offrent à Dieu une divine flamme :
Donnez-leur ici-bas votre amour le plus pur.

Q15  T14  banv

Qu’il est saint, qu’il est pur ton beau front sous le voile ! — 1840 (8)

J.L.Tremblai Maladie et guérison

Sonnet à la Vierge Marie

Qu’il est saint, qu’il est pur ton beau front sous le voile !
Sous ses plis longs et blancs que l’on aime à te voir !
Tu parais à nos yeux comme un riant espoir,
Comme l’ardente foi qu’un beau nuage voile !

Ainsi qu’au nautonier qui flotte au loin sans voile ,
Battu par tous les vents sous un horizon noir,
Et lève au ciel ses mains froides de désespoir,
Tu brilles à nos yeux comme une blanche étoile !

Ta bouche vient sourire au cœur souffrant, aigri ;
Aux paroles d’amour dont ta voix sainte abonde,
Le pécheur a pleuré, l’orphelin a souri.

Moi, je souffrais errant, et cherchant en ce monde
A qui dire mes maux et ma peine profonde :
Mes yeux l’on rencontré, et mon cœur a guéri.

Q15  T21

On sonnait un baptème au clocher du hameau, — 1840 (4)

Ferdinand DuguéLes gouttes de rosée


LXII

On sonnait un baptème au clocher du hameau,
La famille accourait à la fête chérie
Et le joyeux cortège à travers la prairie
Cheminait en chantant, car le ciel était beau:

Soudain les bras chargés du précieux fardeau
Le laissent échapper, on s’empresse, on s’écrie,
Mais couché sain et sauf parmi l’herbe fleurie
L’enfant sourit et dort comme dans un berceau.

Alors, en son effroi, la vierge belle et sage
Dont les pudiques mains portaient selon l’usage
Un vase plein de fleurs, d’eau de rose et de nard,

Laissa tous ces parfums ruisseler sur la tête
De l’heureux nouveau-né: c’est ainsi que Ronsard
Avant d’être chrétien fut baptisé poète.

Q15 – T14 – banv

Pétrarque nous a dit l’histoire d’un vieillard — 1840 (3)

– comte Ferdinand de Gramont – Sonnets

XXXII

Pétrarque nous a dit l’histoire d’un vieillard
Qui, de l’Age sentant venir le dernier terme,
Rassembla ses enfants; et là, tranquille et ferme,
Des biens et des conseils fit à chacun sa part;

Puis il leur dit adieu, prend son bâton, et part.
De la douce famille et de l’antique ferme
Il s’éloigne, et son coeur dans son désir s’enferme;
Il se hâte, craignant qu’il ne soit déjà tard.

Quand le blanc pèlerin fut à Rome la Sainte,
Il mourut, en voyant l’image de Celui
Qu’il allait retrouver dans la céleste enceinte;

O poésie! Ainsi, repoussant toute plainte,
Je m’achemine au but d’où ton éclair m’a lui;
Que la Mort jusque là suspende son atteinte!

Q15 – T17

Ami ! dois-tu venir à moi, les yeux en pleurs, — 1839 (18)

Pierre Battle Poésies

Sonnet
A mon ami J.S.

Ami ! dois-tu venir à moi, les yeux en pleurs,
Parce que, sans pitié, sur ta guirlande aimée,
La critique porta sa dent envenimée,
Et que de ses poisons elle souilla tes fleurs ?

Es-tu donc à ce point ignorant de nos meurs,
Enfant, ne sais-tu pas que toute renommée
Vois se dresser contre elle une meute enflammée
De jaloux, l’entourant d’aboyantes clameurs ?

Le poète, abreuvé de fiel durant sa vie,
Ne parvient qu’en mourant à désarmer l’envie ;
C’est alors que son nom resplendit glorieux ;

Flambeaux tardifs, ses vers ressemblent aux étoiles
Qui ne brillant, du soir diamantant les voiles,
Qu’après que le soleil a disparu ces cieux.

Q15  T15

Nul mortel ici-bas n’est longtemps fortuné — 1839 (15)

Jules Canonge Le Tasse à S orrente

Sonnet

Nul mortel ici-bas n’est longtemps fortuné
S’il prodigue son culte aux faux biens de la terre ;
De chaque lendemain le réveil délétère
Vient lui ravir l’espoir que la veille a donné.

De ses plus belles fleurs l’éclat est profané,
Et, pareil au cœur vide où se tait la prière,
Où la vertu ne fut que lueur mensongère,
Il voit bientôt périr leur calice fané.

Mais l’ame qui d’amour et de paix rayonnante,
A su des passions surmonter la tourmente
Et garder de la foi le feu brillant et doux,

Jusqu’à l’aube du jour où son Dieu la rappelle,
De soleil en soleil, refleurit vaste, et belle,
Et d’un si pur destin les anges sont jaloux !

Q15  T15

A nos aieux, le pur honneur, — 1838 (13)

Théophile Lodin de Lalaire Les victimes

Le siècle

A nos aieux, le pur honneur,
La fleur de la galanterie
L’amour du roi, de la patrie
Et de Dieu ; partant, le bonheur.

Chez eux, point de plat suborneur
Qui livrât la foule ahurie
Au vil Moloch de l’industrie ;
Point de sophiste empoisonneur.

Mais c’est à l’or que je me pique
D’offrir mon encens romantique,
Et je jette le reste aux vents.

Pour l’or, comme un nègre je sue,
J’écris, je trahis, je me vends,
Je sers, je nuis, je meurs, je tue.

Q15  T14  – banv – octo

ö Charle, ô guide sûr ! que de choses trouvées, — 1838 (11)

Ulric Guttinger Jumièges, prose et vers

A mon  honorable ami, M.Charles Nodier, de l’Académie française

ö Charle, ô guide sûr ! que de choses trouvées,
Sur vos pas tant aimés du gothique manoir !
A vous qui d’une main relevez l’encensoir,
Et de l’autre agitez la baguette des fées.

A vous, proses et vers, de ces scènes rêvées
Aux bords où notre muse une fois vint s’asseoir,
Où la sainte abbaye, aux lueurs d’un beau soir,
Sentit à vos accents ses tombes relevées !

A vous tous ces récits qu’entamait votre voix,
Lorsque la paix du monde en évoque les gloires !
A vous tous les échos de ce jour d’autrefois,

Cher et bon enchanteur de nos vieilles histoires,
Héritier des secrets d’un si grand souvenir,
Et dont ce beau passé fait un bel avenir !

Q15  T23

Allons, ange déçu, ferme ton aile rose: — 1838 (6)

Théophile Gautier La comédie de la mort


Adieu à la poésie

Allons, ange déçu, ferme ton aile rose:
Ote ta robe blanche et tes beaux rayons d’or;
Il faut, du haut des cieux où tendait ton essor,
Filer comme une étoile, et tomber dans la prose.

Il faut que sur le sol ton pied d’oiseau se pose.
Marche au lieu de voler: il n’est pas temps encor;
Renferme dans ton coeur l’harmonieux trésor;
Que ta harpe un moment se détende et repose.

O pauvre enfant du ciel, tu chanterais en vain,
Ils ne comprendraient pas ton langage divin;
A tes plus doux accents ton oreille est fermée!

Mais avant de partir, mon bel ange à l’oeil bleu,
Va trouver de ma part ma pâle bien-aimée,
Et pose sur son front un long baiser d’adieu!

Q15 – T14 – banv