Archives de catégorie : Tercets

La solitude me dévore — 1986 (3)

René BellettoLoin de Lyon – XLVII sonnets –

XXVI

La solitude me dévore
Encore une saison passée
Chaque matin l’aube s’endort
Mon âme s’est abandonnée

Je ne saurai pas qui je suis
Etranger à mon territoire
Avec mes larmes s’est tarie
La belle image du miroir

En moi se noue comme un secret
Le destin dont je parlerais
Soucis douleurs et mauvais rêves

Sont les maisons de mon voyage
Et toujours commence et s’achève
Le cours ennuyeux de mon âge

Q59 – T14 – octo

T 0i, Vierge de Feu, Image du Savoir, — 1985 (9)

Athanase Vantchev de Thracy Toi, vierge de feu, couronne de sonnets

9
SONNET MAGISTRAL

T  01, Vierge de Feu, Image du Savoir,
O  eil pur de la Clarté que la Clarté ignore,
I  nstance suprême du Sang et Suressence du Sort,
V  isage de l’Apparence, Figure du Pouvoir,

I  nsigne du Ravissement et Corps de l’Etoile,
E  xulte, Extrême Joie, Planète de la Tendresse,
R  eposoir du Jour, S  ubstance de la Sagesse,
G  emme, Orfroi, Saphir de l’Ordre Nuptial,

E  loge de l’Ecriture, Sauvegarde de Firmament,
D  egré total de l’Ame et Grâce ultime du Cœur
E  nseigne de la Survie, Principe céleste du Temps

F  lambeau de l’Union, Acte, Règle, Flamme, Demeure,
E  xalte l’Effusion des Saintes Intelligences,
U  ne, Infinie, Urgente Loi de l’Adhérence !

acr  Q60  T20 m.irr

Casque à Manda casqua; plaqua Leca, l’Apache. — 1985 (3)

Maurice Millereau dit Mirall et Georges Théron in Jacques CellardAnthologie de la littérature argotique

Le grand combat de Leca contre Manda pour les beaux yeux de Casque d’or

Casque à Manda casqua; plaqua Leca, l’Apache.
Manda ballada Casque à la barbe à Leca.
Leca, mâle à gras bras, qu’a pas la rate à plat,
Baba, bava, ragea: « Ah! la carne! Ah! la vache!

Manda crâna, blagua, nargua Leca, bravache.
Hagard, Leca clama: « Tabac, tabac! tabac!  »
A la dague, à la lame (à la hâte), attaqua.
Manda para; cana; cavalcada .. Macache!

Par sa cape alpaga, l’Apache happa Manda,
L’agrafa, l’accabla, malaxa sa ganache,
La tanna, saccagea, savata, salada.

La carda, la scalpa … Manda brama: « Ah! lâche! … »
S’affala, patatras! – cracha, râla, claqua …
L’Apache, à la papa, pas à pas, cavala.
1902?

Q15 – T19 – y=x : c=a, d=b – Quasi-monovocalisme en ‘a’, les ‘e muets’ n’étant pas pris en compte

Un brave homme de bègue, assez cu-cultivé, — 1984 (2)

Boris Vian Cent sonnets


Simple histoire de bègue

Un brave homme de bègue, assez cu-cultivé,
Vivait de son ja-jardinet plein de fleurettes,
Plein de ca-calme et de repos, de violettes
Et de pi-pissenlits. Rien ne fut arrivé

S’il n’eût été go-goberger au pied levé
Sa cousine Julie, fille fort coqué-quette,
L’emmené-ner aux champs, pour faire la dînette,
Sur son baudet qui ruait sur les pa-pavés.

Mais dans les roseau-seaux, Pan vint se promener.
En le voyant-y-ant, l’âne brait. Etonné:
– Pan-Pan! fait notre bègue et le dieu tombe mort.

Le pauvre devint fou. Fou plus que lui n’y a.
Tous les matins dans sa cami-misole il sort,
Donner un biberon à ses bé-bégonias …

Q15 – T14 – Ces sonnets ont été composés vers 1944. On admirera la manière dont l’hendécasyllabe devint alexandrin

Voilà cent ans, cher Soulary, tu croyais juste — 1984 (1)

Boris Vian Cent sonnets

Ma Muse

Voilà cent ans, cher Soulary, tu croyais juste
De ceindre de maint busc le corps souple et charmant
De ta Muse, et contraire à l’ordinaire amant
Voulais pour ta maîtresse un appareil vétuste.

Si la femme féconde à la grâce robuste
Vit souvent de sa chair le mol affaissement
Si la distension de tous ses ligaments
Fit pendre son nombril et s’écrouler son buste,

Ce siècle est révolu. L’oisiveté cruelle
N’entraîne plus la mort de la beauté des belles
Nos jours ont retrouvé le secret du printemps.

Notre Egérie pratique aussi la gymnastique
Et le massage sait lui rendre en peu de temps
Son ventre plat, sa ligne et ses seins élastiques.

Q15 – T14 -banv

Je crois être le seul – ne me détrompe pas! – — 1982 (1)

Luc EstangCorps à coeur

Blason, VIII

Je crois être le seul – ne me détrompe pas! –
à connaître de toi cette plage érogène
douce à l’égal du plus soyeux de tes appas
où l’enfance blottit sa tendresse et ses peines

où les amants fougueux suspendent leurs ébats:
sous ma lèvre au repos je sens battre ta veine
tiède et je m’alanguis comme un poisson béat
sur le sable à fleur d’eau, poche à laitance pleine.

Que je t’aime d’aimer les baisers dans le cou!
C’est là que j’ai, faux innocent, élu le goût
de femme dont ta chair m’offre la quintessence.

Sur le seuil du château dont me manquaient les clés
Je me suis découvert une étrange puissance
qui eût fait bander l’arc surhumain d’Héraclès.

Q8 – T14 –

Je connais bien le comte Dracula — 1981 (4)

Pierre Gripari L’Enfer de poche

Sexy Dracula

Je connais bien le comte Dracula
Et je souris, quand j’entends ceux qui disent
Que les fleurs d’ail, et tout le tralala,
Balles d’argent, miroirs, latin d’église,

Epieux pointus, conjurations apprises,
Ou crucifix peuvent le réduire à
Ce petit tas d’os et de cendres grises
Qu’un courant d’air emporte … au cinéma !

C’est mon ami, je l’avoue, je m’en vante
Je suis de ceux qui volontiers le hantent,
Il me reçoit le soir, en son hôtel ;

Ses dents sont bien rangées, blanches, petites,
Mais ce qu’il a, c’est une belle bite,
Et ceux qu’il baise, il les rend immortels !

Q11  T15  déca

Une erratique ruine aspire la semence — 1981 (2)

OulipoAtlas de Littérature potentielle

Claude Berge

14=15 – Sonnet loydien
à Raymond Queneau

Une erratique ruine aspire la semence
Lorsque pour nous distraire y plantions nos tréteaux;
La méduse gonflée s’épuise avec conscience
Dans le fond du bourbier où fermentent les mots …

Quand la vierge solaire au goût plein d’arrogance
Extrait le thalamus du vieux Jivaro beau,
L’Amérique du Sud sombre dans la licence
Alors que nous lions de piètres bigorneaux.

Que sa langue câline apporte ici l’émoi
Enfin papille tendre attise l’équivoque
Que mande l’envieux mâle et barbote le phoque!

Quand tu lis ce sonnet ne crois pas que c’est toi,
Bois et te baffre à Rio ploie ta taille élastique ….
Le nombre de ces vers devient problématique

Une papille tendre attise l’équivoque
Lorsque pour nous distraire y barbote le phoque!
La méduse gonflée s’épuise avec toi.

Dans le fond à Rio ploie ta taille élastique …
Quand la vierge solaire au goût problématique
Extrait le thalamus du vieux Jivaro beau

L’erratique ruine aspire la semence
Alors que nous lions plantions nos tréteaux;
Que sa langue câline apporte conscience

Enfin du bourbier où fermentent les mots …
Que mande l’envieux mâle et plein d’arrogance
Quand tu lis ce sonnet ne crois pas que c’est beau.

Amérique du Sud sombre dans la licence
Bois et te baffre de piètres bigorneaux.
Le nombre de ces vers devient ici l’émoi.

Q8 – T30