Archives de catégorie : T14 – ccd ede

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx, — 1899 (35)

Mallarmé Poésies

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Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L’Angoisse ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide: nul ptyx,
Aboli bibelot d’inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.)

Mais proche la croisée au nord vacant, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.

Q15 – T14

Victorieusement fui le suicide beau — 1899 (34)

Mallarmé Poésies

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Victorieusement fui le suicide beau
Tison de gloire, sang par écume, tempête!
O rire si là-bas une pourpre s’apprête
A ne tendre royal que mon absent tombeau.

Quoi! de tout cet éclat pas même le lambeau
S’attarde, il est minuit, à l’ombre qui nous fête
Excepté qu’un trésor présomptueux de tête
Verse son caressé nonchaloir sans flambeau,

La tienne si toujours le délice! la tienne
Oui seule qui du ciel évanoui retienne
Un peu de puéril triomphe en t’en coiffant

Avec clarté quand sur les coussins tu la poses
Comme un casque guerrier d’impératrice enfant
Dont pour te figurer il tomberait des roses.

Q15 – T14 – banv

Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui — 1899 (33)

Mallarmé Poésies

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Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui!

Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n’avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie,
Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.

Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s’immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.

Q15 – T14 – banv

Quand l’ombre menaça de la fatale loi — 1899 (32)

Mallarmé Poésies

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Quand l’ombre menaça de la fatale loi
Tel vieux rêve, désir et mal de mes vertèbres,
Affligé de périr sous les plafonds funèbres
Il a ployé son aile indubitable en moi.

Luxe, ô salle d’ébène où, pour séduire un roi
Se tordent dans leur mort des guirlandes célèbres,
Vous n’êtes qu’un orgueil menti par les ténèbres
Aux yeux du solitaire ébloui de sa foi.

Oui, je sais qu’au lointain de cette nuit, la terre
Jette d’un grand éclat l’insolite mystère,
Sous les siècles hideux qui l’obscurcissent moins.

L’espace à soi pareil qu’il s’accroisse ou se nie
Roule dans cet ennui des feux vils pour témoins
Que s’est d’un astre en fête allumé le génie.

Q15 – T14 – banv

A des heures et sans que tel souffle l’émeuve — 1899 (26)

Mallarmé Poésies

Remémoration d’amis belges

A des heures et sans que tel souffle l’émeuve
Toute la vétusté presque couleur encens
Comme furtive d’elle et visible je sens
Que se dévêt pli selon pli la pierre veuve

Flotte où semble par soi n’apporter une preuve
Sinon d’épandre pour baume antique le temps
Nous immémoriaux quelques-uns si contents
Sous la soudaineté de notre amitié neuve

O très chers rencontrés en le jamais banal
Bruges multipliant l’aube au défunt  canal
Avec la promenade éparse de maint cygne

Quand solennellement cette cité m’apprit
Lesquels entre ses fils un autre vol désigne
A prompte irradier ainsi qu’aile l’esprit

Q15 – T14 – banv

Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie, — 1899 (22)

Mallarmé Poésies

Tristesse d’été

Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.

De ce blanc flamboiement l’immuable accalmie
T’a fait dire, attristée, sous mes baisers peureux
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l’antique désert et les palmiers heureux! »

Mais ta chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.

Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s’il sait donner au coeur que tu frappas
L’insensibilité de l’azur et des pierres.

Q8 – T14

Yeux, lacs avec ma simple ivresse de renaître — 1899 (18)

Mallarmé Poésies

Le pitre châtié

Yeux, lacs avec ma simple ivresse de renaître
Autre que l’histrion qui du geste évoquais
Comme plume la suie ignoble des quinquets,
J’ai troué dans le mur de toile une fenêtre.

De ma jambe et des bras limpide nageur traître,
A bonds multipliés, reniant le mauvais
Hamlet! c’est comme si dans l’onde j’innovais
Mille sépulcres pour y vierge disparaître.

Hilare or de cymbale à des poings irrité,
Tout à coup le soleil frappe la nudité
Qui pure s’exhala de ma fraîcheur de nacre,

Rance nuit de la peau quand sur moi vous passiez,
Ne sachant pas, ingrat, que c’était tout mon sacre,
Ce fard noyé dans l’eau perfide des glaciers.

Q15 – T14 – banv

Rien, cette écume, vierge vers — 1899 (16)

Mallarmé Poésies

Salut

Rien, cette écume, vierge vers
A ne désigner que la coupe;
Telle loin se noie une troupe
De sirènes mainte à l’envers.

Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l’avant fastueux qui coupe
Le flôt de foudres et d’hivers;

Une ivresse belle m’engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut

Solitude, récif, étoile
A n’importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.

Q15 – T14 – banv –  octo

Pendant que les forts et les sages — 1899 (14)

Henri Becque in La plume

Pendant que les forts et les sages
Comptent, trafiquent, font leur prix,
Acceptent tous les esclavages,
Acceptent tous les compromis :

D’autres trop las pour tant de peine
Et qui demeurent des témoins
Contemplent la mêlée humaine
En riant dans les petits coins.

Parfois des tristesses les prennent,
Ils regrettent et se souviennent
De grands projets évanouis.

Ce sont des faiseurs de volumes,
Ils sont légers comme des plumes,
Ils sont profonds comme des puits.

Q59  T15  octo

C’était un grand vaisseau taillé dans l’or massif: — 1899 (13)

Emile Nelligan

Le vaisseau d’or

C’était un grand vaisseau taillé dans l’or massif:
Ses mats touchaient l’azur, sur des mers inconnues;
La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues,
S’étalait à sa proue, au soleil excessif.

Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.

Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.

Que reste-t-il de lui dans la tempête brève?
Qu’est devenu mon coeur, navire déserté?
Hélas! Il a sombré dans l’abîme du Rêve!

Q63 – T14