Archives de catégorie : T14 – ccd ede

Cléante qui n’avait au monde que ses os — 1854 (11)

Ferdinand de Gramont Chants du passé

LXXXIII

Cléante qui n’avait au monde que ses os
Se fait riche à présent, et son ventre prospère
Mais quoi, cet homme heureux s’est-il vu naître un père?
Recueille-t-il le fruit de ses propres travaux?

Est-ce quelque inventeur de procédés nouveaux?
Nullement. Il a pris la recette vulgaire,
Et d’un coffre sans fond étayant sa misère,
Laisse venir à soi la fortune des sots.

Mais ses succès encor ne sont que des vétilles;
Il sera l’héritier de soixante familles.
Et s’ouvrent devant lui, salons et dignités.

Il peut choisir sa femme et choisir le collège
Qui l’enverra trôner au rang des députés.
D’être offert en exemple il a le privilège.

Heureux de s’unir au cortège,

Déjà même le chef d’une illustre maison
Sur ce bourbier d’écus veut plaquer son blason.

Comme il le juge en sa raison,
Un hymen si brillant vaut bien un peu d’intrigue.
La fille le respire, et la mère le brigue.

Pour y parvenir on se ligue
Et je ne réponds pas qu’avant quinze ou vingt ans,
Un vieux nom qu’ont porté tant de fiers combattants

Sonore et grandi si longtemps,
Grâce à cette union ne tombe en apanage
Aux enfants du héros d’escompte et de courtage.

Q15 – T14 + eff fgg ghh hii – octo: v.15, v.18, v.21, v.24 mr de Gramont imite le canzoniere de Pétrarque, insère dans son livre des sonnets en italien, mélange rondeaux et sextines (qu’il retrouve après Vasquin Phillieul et Pontus de Tyard ; tout en commettant, comme Pontus, l’erreur formelle de faire se rimer les mots-clefs, ce qui dénature le sens de la forme). Il emprunte ici à la tradition italienne le ‘sonetto caudato’: après les quatorze vers s’ajoutent des strophes de trois vers, composées d’un vers court (ici un octosyllabe) de deux longs (ici des alexandrins). Le premier vers de la strophe ajoutée rime avec le dernier vers du corps du sonnet, les deux suivants riment entre eux et introduisent une rime nouvelle. On peut enchaîner ainsi plusieurs strophes additionnelles (on obtient des sonnets qui peuvent avoir jusqu’à une centaine de vers (ainsi Marino au dix-septième siècle et le milanais Carlo Porta, au dix-neuvième). La pièce LXXXIX de son livre est aussi un sonnet caudato (avec une seule strophe ajoutée).

On voit en l’air une maison — 1852 (3)

M. l’Abbé Le Dru in Félix Mouttet: le livre des jeux d’esprit

Enigme 35

On voit en l’air une maison
Qui peut passer pour labyrinthe,
Où ceux qui cheminent sans crainte
Sont arrêtés en trahison.

C’est une fatale prison,
Un lieu de gêne et de contrainte,
Où leur pauvre vie est éteinte
Par un monstre plein de poison.

Sa malice est ingénieuse,
Et de Vulcain la main faucheuse
Dresse des pièges moins subtils;

Son art de bâtir est extrême,
Et sa matière et ses outils
Se rencontrent tous en lui-même.

Q15 – T14  octo Solution: l’araignée

Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères, — 1851 (1)

Baudelaire in Le Messager de l’Assemblée

La mort des amants

Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l’envie leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux;

Et plus tard un Ange, entr’ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

Q8 – T14 – tara

La nature est un livre où notre âme attendrie — 1850 (9)

Louis Dureau Poésies

Sonnet

La nature est un livre où notre âme attendrie
Peut lire sans effort de divines leçons :
Le ruisseau coule et dit : hommes, flots, nous passons :
L’oiseau nous dit : priez, quand sa voix chante et prie.

Quels doux enseignements dans une fleur flétrie,
Dans la rosée, et dans l’aurore et ses rayons ! …
Sur la pervenche bleue, au matin nous voyons
La goutte d’eau briller comme une pierrerie.

Dans leur frêle union, la rosée et la fleur
Confondent leur éclat, leur grâce et leur couleur ;
Mais quand l’une se meurt sur sa tige brisée,

L’autre en vapeur de feu monte au foyer du jour :
Abandonnant ainsi sa dépouille épuisée,
Mon ame montera vers Dieu, soleil d’amour.

Q15  T14 – banv

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E.M.P. Laas d’Agen Dictionnaire portatif … – le sonnet se compose rigoureusement de deux strophes de quatre, et de deux strophes de trois vers ; le tout en rimes croisées, la première féminine. Du reste, le poète peut choisir la mesure qui lui convient, pourvu qu’il la conserve jusqu’à la fin.

Le sonnet peut être en vers de douze, de dix, de huit ou de sept syllabes, mais les sujets nobles et sérieux n’admettent que le vers de douze, ou alexandrin.

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O chêne hospitalier ! dont le front séculaire — 1850 (8)

Juste-Urbanie Auvert Les primevères et les soucis

Le chêne

O chêne hospitalier ! dont le front séculaire
S’élance vers les cieux, et dont l’ombrage épais
Couronne ce vallon de fraîcheur et de paix,
Que j’aime à rechercher ton abri tutélaire !

Le voyageur y goute un repos salutaire
Qui n’a de ta bonté ressenti les effets ?
Et moi me souvenant toujours de tes bienfaits,
Je reviendrai m’asseoir sous ton toit solitaire.

Oui, je me plais à voir reverdir, au printemps,
Tes rameaux protecteurs, respectés des autans,
Oh ! que de ton beau tronc n’approche la cognée !

Que ne t’assaillent pas les rigueurs du destin !
Et que ta cime soit de la foudre épargnée !
Que le soir de tes ans ressemble à leur matin !

Q15  T14 – banv

Brûler, transir, oser, perdre courage, — 1850 (7)

– Général d’Alvimar Œuvres poétiques

Définition de l’amour. sonnet

Brûler, transir, oser, perdre courage,
Etre à la fois gai, triste, doux, fâcheux ;
Hautain, soumis, agréable, sauvage,
Extrême en tout, confiant, soupçonneux :

De la raison abhorrer le langage,
Traîner sa chaîne en gémissant honteux ;
Prendre à longs trait un poison pour breuvage,
Chérir son mal en le trouvant affreux ;

Vouloir jouir d’un bonheur impossible,
Croire le ciel dans un enfer horrible,
L’y rechercher en vain avec fureur ;

Ne voir qu’en beau l’objet qui tyrannise,
Craindre d’ouvrir les yeux sur son erreur :
Tel est l’amour, qui l’a connu le dise.

Q8  T14  déca

Si quelqu’un venait dire avec un front sévère: — 1850 (1)

Alphonse Le FlaguaisOeuvres poétiques complètes

Chateaubriand

Si quelqu’un venait dire avec un front sévère:
– Tout homme dans le siècle ou s’égare ou faiblit.
Toute vertu s’éteint, tout nom brillant pâlit;
Il n’est pas un mortel digne qu’on le révère!

D’audacieux acteurs la scène se remplit:
Un peu de renommée est leur triste chimère.
Chacun veut respirer un encens éphémère,
Et pour un faux honneur tout homme s’avilit!

– Je répondrais:  » Voyez ce sage qui s’isole:
Lui dont le monde entier adorait la parole,
Dans son manteau sans tache il s’est enveloppé.

Oh! Qu’il est noble, grand, loin du chaos immense,
Oeuvre d’ambitieux, qui ne l’ont pas trompé,
Et qu’il est éloquent jusque dans son silence ».

Q16 – T14

Comme je revenais hier de la fontaine, — 1849 (5)

Antonio Spinelli Sur les grèves

La sœur cadette

Comme je revenais hier de la fontaine,
A l’heure où les oiseaux finissent leur chanson,
Dans les bois, où fleurit en la belle saison
La fleur que j’aime tant, la douce marjolaine ;

J’aperçus Marguerite avec un beau garçon.
Je m’arrêtai soudain, retenant mon haleine ;
Puis sur l’herbe posant ma cruche toute pleine
Je me cachai tremblant à l’ombre d’un buisson.

Longtemps, oh bien longtemps, au milieu du silence,
J’écoutai ces deux voix qui parlaient d’espérance,
Et je compris enfin le mot de leur bonheur.

Le jeune homme disait en son ivresse extrême,
Oh Marguerite …. – eh bien ! que disait-il, ma sœur ?
La fleur avait raison, il lui disait : Je t’aime.

Q16  T14

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes, — 1847 (6)

Gabriel Monavon Jeunes fleurs

Un baiser

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes,
J’osai ravir au sein de la beauté,
Riant larçin, trésor de volupté,
Dont les périls ont redoublé les charmes.

A tes élans, pour opposer des armes,
La crainte en vain s’unit à la fierté,
Tu sus t’ouvrir un passage enchanté,
Et la pudeur t’a pardonné ses larmes.

O doux baiser ! tendre espoir d’un amant,
Sois le prélude et le gage charmant
Des biens promis à ma flamme discrète.

Sur ce beau sein que tu pris en vainqueur,
Laisse à jamais ton empreinte secrète,
Et sois le sceau des mystères du cœur.

Q15  T14  déca – banv

Oh ! mes jeunes amours, qu’êtes-vous devenues, — 1847 (4)

Charles Brainne Premières armes

A Madame A.M.

Oh ! mes jeunes amours, qu’êtes-vous devenues,
Vous que j’aurais voulu garder comme un trésor ;
L’instant où je croyais toucher du front les nues,
Et m’élever au ciel par un magique essor.

Accents mélodieux, extases inconnues
Qu’un ange soupirait sur une harpe d’or,
Harmonieux essaim de beautés toutes nues
Qui devant moi passiez et repassiez encor.

Ah ! revenez à moi, revenez, doux mensonges,
Qui voltigiez la nuit sur les ailes des songes,
Revenez endormir mes yeux mouillés de pleurs.

Rendez-moi, par pitié de ma longue souffrance,
Un peu de joie, au prix d’un siècle de douleurs,
Pour tous mes souvenirs une seule espérance.

Q8  T14