Archives de catégorie : banv

Du Don au Volga, fleuve à l’eau généreuse, — 1880 (10)

Narzale Jobert Klimax.

XI bis
Césure après la cinquième syllabe
Les Kalmouks

Du Don au Volga, fleuve à l’eau généreuse,
Les Kalmouks, ces fils du noir « Fléau de Dieu! »
Par les steppes vont, toujours changeant de lieu,
Sur leurs courts chevaux à croupe vigoureuse.

Ce qui leur plait, c’est la course aventureuse,
C’est la liberté, l’air et l’horizon bleu,
Pour leur vie active et contente de peu
Ils ont le kouniss – la liqueur savoureuse –

Et la pêche au bord des lacs et de la mer,
Le lait des juments et leur sanglante chair
Fait veule sous la selle de leurs montures.

Qu’ils errent, ou bien qu’ils reposent au khan,
Constamment ils ont le poignard aux ceintures …
Ils passent pareils au néfaste ouragan.

Q15 – T14 – banv –  11s (5+6)

Partez, jeunes amis des conquêtes; — 1880 (7)

Narzale Jobert Klimax.

IX
césure après la 2ème syllabe
A nos soldats

Partez, jeunes amis des conquêtes;
Vos coeurs, des grandes gloires épris
Sauront, un jour, mériter le prix
Que Mars réserve aux vaillantes têtes.

Sachez, nobles enfants, que vous êtes
L’espoir de vos ancêtres choisis;
Pour l’heure ils sont dans les noirs abris;
Jadis, ils firent face aux tempêtes.

Debout à tout signal du danger,
Toujours, ils châtiaient l’étranger.
C’étaient les neveux de Mérovée.

Leurs sang, qu’il palpite dans vos bras!
Voyez, la patrie est abreuvée
D’affronts. Dites-lui: Tu renaîtras …

Q15 – T14 – 9s

La mort – inévitable écueil — 1879 (26)

Jules Jouy in Le Tintamarre (février)

La mort de Daumier

La mort – inévitable écueil
Où vient se briser toute barque
– Sous l’œil farouche de la Parque
Vient d’engloutir un grand cercueil.

Notre caricature en deuil
Pleure son homme de Plutarque.
Dans l’ombre, Basile-Aristarque
Dissimule un joyeux clin d’oeil.

Salut à ton char funéraire,
Maître ! toi que l’on porte en terre
Sans le goupîllon des bedeaux !

Tambours noirs, grondez une charge
Au soldat tombé sur le dos,
A Daumier, Kléber de la charge !

Q15 – T14 – octo

Ka-ka-doi, mandarin militaire, et Ku-ku — 1879 (17)

Emile Goudeau in L’Hydropathe

Sonnet japoniste

Ka-ka-doi, mandarin militaire, et Ku-ku
Auteur d’un million et quelques hémistiches
Causent en javanais sur le bord des potiches,
Monosyllabiquant d’un air très-convaincu.

Vers l’an cent mille et trois ces magots ont vêcu
A Nangasaki Ki vend des cheveux postiches –
C’étaient d’honnêtes gens qui portaient des fétiches
Sérieux, mais hélas ! chacun d’eux fut cocu.

Comment leur supposer des âmes frénétiques ?
Et quel sujet poussa ces poussahs lymphatiques,
A se mettre en colère un soir, je ne sais pas !

Mais un duel s’ensuit ! – ô rages insensées !
Car ils se sont ouvert le ventre avec fracas –
Voilà pourquoi mes deux potiches sont cassées.

Q15  T14 – Banv

L’aérostat est une bulle — 1879 (16)

Félicien Champsaur in L’Hydropathe

Voyage dans les airs

L’aérostat est une bulle
Et, lent, monte vers le soleil.
La brise d’avril, en éveil,
Au-dessous, dans la nue, ondule.

Il va, le ballon minuscule,
Monte dans le matin vermeil,
Rose, bleu, violet, pareil
A l’aile d’une libellule.

Le filet est tracé de fils
De la vierge, ténus, subtils.
Une étoile encore étincelle.

Il va, soutenant avec art
Un myosotis pour nacelle,
Et puis, dedans, Sarah Bernhardt.

Q15  T14 – banv –  octo Allusion au voyage en ballon de l’actrice, dont le récit avait été publié à l’occasion nouvel an par l’éditeur de Flaubert, Charpentier, à la place d’un des Trois Contes (St Julien l’hospitalier) initialement prévu. Flaubert s’en plaint dans une lettre à Tourgueniev.

Quitte le restaurant discret, où vous soupâtes, — 1879 (14)

Jules Jouy in l’Hydropathe

Sonnet-programme

Quitte le restaurant discret, où vous soupâtes,
Niniche et toi, bourgeois vide et prétentieux,
Profitant du lorgnon que le vin sur tes yeux
Pose, viens avec moi t’asseoir aux Hydropathes.

Pourtant, avant d’entrer, un mot: que tu t’épates
Ou non, garde-toi bien de mots sentencieux
Devant ce défilé de profils curieux:
L’endroit est sans façons, on n’y fait point d’épate.

Certes, ne t’attends pas à trouver un goût d’eau
Au parlement criard que préside Goudeau,
Laisse à ton nez poilu monter l’encens des pipes;

Et – moins sot que Louis, aux canons bien égaux
Foudroyant les Teniers et leurs drôles de types –
Du cercle ‘Hydropathesque’ admire les magots.

Q15  T14 – banv

Oui certe, un beau sonnet vaut seul tout un poème ; — 1877 (7)

Louis Guibert in L’Artiste

Le sonnet

Oui certe, un beau sonnet vaut seul tout un poème ;
Mais c’est fortune exquise et bien rare vraiment
Que de mettre la main sur un tel diamant :
Le sonnettiste heureux est l’artiste suprême.

Ballade ou madrigal, romance, épître même,
Rien d’un cadre aussi fin n’entoure un compliment.
Trouvez-moi, s’il se peut, un écrin plus charmant
Pour présenter son cœur à la femme qu’on aime.

Le coffret tout d’abord plaît et séduit les yeux
Par son étrange éclat, son travail merveilleux ;
Mais plus riche il paraît, plus, quand la belle l’ouvre,

La perle en son nid d’or brille au regard surpris…
Ainsi, dans la splendeur du vers qui la recouvre,
La pensée ingénue acquiert un nouveau prix.

Q15  T14 – banv –  s sur s

 » Sur les bois oubliés quand passe l’hiver sombre — 1877 (1)

Mallarmé in Oeuvres complêtes – Poésies (ed.Barbier-Millan)

Sonnet 2 novembre 1877

 » Sur les bois oubliés quand passe l’hiver sombre
Tu te plains, ô captif solitaire du seuil,
Que ce sépulcre à deux qui fera notre orgueil
Hélas! du manque seul des lourds bouquets s’encombre.

Sans écouter Minuit qui jeta son vain nombre,
Une veille t’exalte à ne pas fermer l’oeil
Avant que dans les bras de l’ancien fauteuil
Le suprême tison n’ait éclairé mon Ombre.

Qui veut souvent avoir la Visite ne doit
Par trop de fleurs charger la pierre que mon doigt
Soulève avec l’ennui d’une force défunte.

Ame au si clair foyer tremblante de m’asseoir,
Pour survivre il suffit qu’à tes lèvres j’emprunte
Le souffle de mon nom murmuré tout un soir. »

Q15 – T14 – banv