Archives de catégorie : carn

Q8 – T15

Est-il donc vrai, Boileau, que ce petit poème, — 1883 (27)

E. Chalamel in le Feu Follet

Sonnet
contre le sonnet

Est-il donc vrai, Boileau, que ce petit poème,
Aux rimes se croisant dans ses quatorze vers,
Soit, lorsqu’il est parfait, de l’art la fin extrême ?
Un chef-d’oeuvre que doit admirer l’univers ? …

Cela doit l’être, car tu nous l’as dit toi-même,
D’ailleurs ceux que tu fis, n’ont jamais eu de pairs,
Comment pus-tu résoudre un semblable problème ? …
Moi j’y brûle mon sang, j’en blémis, je m’y perds ! …

Qu’il en est cependant qui de la renommée
Boivent le doux nectar, trônent dans l’empyrée,
Et, veux-tu des sonnets ? … En voilà des empans ! …

Cela sort de partout ; cela vole par troupes :
Ainsi les charlatans avalent des étoupes
Et jettent aux badauds des années de rubans.

Q8  T15  s sur s

Le potager près des granges formait enclos, — 1883 (7)

Emile VerhaerenLes flamandes

Le potager

Le potager près des granges formait enclos,
A l’entrée où mouraient des raves lymphatiques,
Entre des oignons d’or et des trognons falots,
Les choux rouges crevaient en tons apoplectiques.

Les choux fleurs en bouquets sortaient de leurs maillots,
Les houblons ascendaient en tiges fantastiques;
Les beaux coquelicots saignaient par gros caillots,
Dans un coin, où séchaient des fanes scorbutiques.

Plus loin, près d’un massif de sureaux purulents,
Les groseillers faisaient quenouille entre les plants,
Et les fraisiers dardaient leurs feuilles et leurs rouilles.

Tout au long des chemins de limaçons couverts,
Les salsifis dressaient par jets leurs poignards verts,
Et là-bas, se bombaient, ventre en l’air, les citrouilles.

Q8 – T15

Coiffeur ! tu me trompais, quand, par tes artifices, — 1882 (8)

Dr G.C. (Camuset ?) in G.J. Witkowski : Anecdotes médicales

Calvitie

Coiffeur ! tu me trompais, quand, par tes artifices,
Tu disais raffermir mes cheveux défaillants,
Ceux qu’avaient épargnés tes fers aux mors brûlants,
Tu les assassinais d’eaux régénératrices. !

Tu m’as causé, coiffeur, de si grands préjudices,
Que je te voudrais voir, ayant perdu le sens,
Sur toi-même épuiser tes drogues corruptrices
Et tourner contre toi des engins mafaisants.

Ainsi, quand l’ouragan s’abat sur la futaie,
D’un souffle destructeur il arrache et balaie
La verte frondaison qui jonche le chemin.

Au bocage pareil, mon front est sans mystère,
Il ne me reste plus un cheveu sur la terre,
Et je gémis, songeant au crâne de Robin*

* Professeur d’histologie à la Faculté de Paris

Q14  T15

Primo Religion : – La vieille grimacière — 1882 (6)

Eugène Pottier in Œuvres complètes (ed.1966)

La Sainte Trinité

Primo Religion : – La vieille grimacière
Qui vous la fait, jobarde, au dogme, au sacrement,
Qui tient l’homme à genoux en l’appelant : Poussière
Et vous vend du miracle en sachant qu’elle ment.

Propriété : – Mais moi, mobilière ou foncière
Je proviens du travail ! – oui, c’est ton boniment :
Mais le travail s’en plaint, honnête financière,
Tu l’as dévalisé par ton prélèvement.

Ordre enfin ! – un César, un général qui sacre,
Qui maintient au-dedans la paix par le massacre
Et le guerre au-dehors sans risquer un cheveu.

Très Sainte Trinité, c’est toi qui nous rançonne :
Prêtre, usurier, soudard : sur terre en trois personnes,
Le mensonge, le vol et le meurtre sont Dieu.

Q8  T15

Les femmes en pays vaincus aiment la guerre. — 1881 (19)

Paul Déroulède in  Le Tintamarre (février)

« Au banquet offert par madame Adam …M. Paul Déroulède a lu un charmant sonnet de M. Marc Monnier, recteur de l’Université de Genève, et un autre sonnet … de lui-même. Celui-ci, nous sommes heureux de pouvoir en publier le texte

Les femmes en pays vaincus aiment la guerre.
Vous souvient-il par qui ces mots furent écrits,
Madame, et dans quel lieu, inspiré par Homère
Une Grexcque de France ose jeter ces cris ?

C’est une Grecque, hélas ! comme l’on n’en vit guère
Brave comme Pallas, belle comme Cypris,
Et même elle aurait eu quelque muse pour mère
Que, qui la connaît bien, n’en serait pas surpris.

Sa grâce et par beauté vous charment quoi qu’on fasse ;
Mais d’aller lui déplaire, en la nommant en face,
La crainte que j’en ai l’interdit à ma voix,

J’aurais trop de remords à troubler son sourire.
Elle me permettra seulement de lui dire :
C’est cette Grecque-là, madame, à qui je bois

« dans quel lieu, inspiré, comme hiatus, n’est pas mal réussi, et comme faute d’orthographe, donc !
«  que, qui la connaît bien » !
«  vous charment , quoi qu’on fasse »
« Assez, n’est-ce pas ?

Q8 – T15 –

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ; — 1881 (16)

Cécile Coquerel (C.Ga y) Matin et soir

Réponse à Arvers

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ;
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas ?
Une femme, crois-moi, sait toujours le comprendre
Ce langage muet qui se parle tout bas.

Si Dieu l’avait créée à la fois douce et tendre,
Elle a dû se livrer de douloureux combats,
Et tenir à deux mains son coeur pour le défendre
Contre un amour si vrai qu’il ne se trahit pas.

A l’austère devoir pieusement fidèle,
Sa vertu la plus haute était peut-être celle
De paraître insensible et distraite à ta voix.

Penses-tu seul avoir un secret dans ton âme ?
Il est sur cette terre, ami, plus d’une femme
Qui garde un front serein tout en traînant sa croix.

Q 8  T15 – arv

Cette réponse a été ensuite gravée par les soin de mademoiselle Casalonga qui l’a mis en musique

La pêche est bonne. Le poisson, — 1880 (1)

Marius MartinSonnets de Provence

La Bouillabaisse

La pêche est bonne. Le poisson,
Dans le calot garni de mousse,
Frétille et, dans un long frisson,
Se tord, se débat, se trémousse.

Un joyeux viveur sans façon,
Dressant ses manches qu’il retrousse,
Et fredonnant une chanson,
Assaisonne la sauce rousse.

Que le feu brûle, brûle encor,
Et que l’on verse les flots d’or
Sur les tranches de pain bien fines.

Mais, gourmands, n’en abusez pas,
Car, comme la rose ici-bas
La bouillabaisse a ses épines.

Q8 – T15  octo

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre, — 1879 (24)

Victor Froussard (ancien secrétaire de la préfecture de la Haute-Marne ) Recueil de poésies

Minuit
A propos d’un sonnet de M. de Ségur

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre,
Tout n’est pas endormi : soyez-en trop certain.
Combien de malheureux, sous leur toit solitaire,
Veillent, en gémissant de leur cruel destin.

Blotti dans son fauteuil, un vieux fauteuil Voltaire,
Près du foyer fumeux où le tison s’éteint,
Oublieux d’aviver la lampe qu’il éclaire,
Même de réchauffer la théière d’étain,

Je sais, je sais quelqu’un qui ne dort pas encore,
Qui n’ira s’endormir qu’à la naissante aurore
Quand va chanter l’oiseau sous les feuillages verts.

Quand gazouille déjà la gentille hirondelle,
Celui-là, c’est, poète, un vieux ami fidèle,
Qui ne peut s’arracher aux charmes de vos vers.

Q8  T15  bi

A Pistoie, en m’éveillant — 1879 (9)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Italiam! Italiam!

A Pistoie, en m’éveillant
Un prurit soudain m’offusque;
Certain insecte grouillant
Vint-il pas se poser jusque

Où mon cou est plus saillant.
Je le saisis d’un air brusque!
Mais je dis en souriant:
« Hé! C’est la punaise étrusque!!

Petit insecte rageur,
Je ne suis qu’un voyageur,
Cherche ailleurs, cherche ta voie! »

Je dis, et posai sans bruit
Dessus la table de nuit
La punaise de Pistoie!

Charles Monselet

Q8 – T15 -7s