Archives de catégorie : alal-2

Q8 (abab abab) -T23 (cdc dee)

L’océan d’argent couvre tout — 1888 (12)

Charles CrosLe Collier de griffes

Banalité

L’océan d’argent couvre tout
Avec sa marée incrustante.
Nous aurons rêvé jusqu’au bout
Le legs d’un oncle ou d’une tante.

Rien ne vient. Notre cerveau bout
Dans l’Idéal, feu qui nous tente,
Et nous mourons. Restent debout
Ceux qui font le cours de la rente.

Etouffé sous les lourds métaux
Qui brûlèrent toute espérance,
Mon coeur fait un bruit de marteaux.

L’or, l’argent, rois d’indifférence
Fondus, puis froids, ont recouvert
Les muguets et le gazon vert.

Q8 – T23 – octo

Tout ce que vous voudrez pour vous donner la preuve — 1887 (13)

Pétrus Borel in Revue de Paris et de Saint-Petersbourg

Tout ce que vous voudrez pour vous donner la preuve
De l’amour fort et fier que je vous dois vouer ;
Pas de noviciat, pas d’âpre et dure épreuve
Que mon cœur valeureux puisse désavouer.

Oui, je veux accomplir une œuvre grande et neuve !
Oui, pour vous mériter je m’en vais dénouer
Dans mon âme tragique et que le fiel abreuve
Quelque admirable drame où vous voudrez jouer.

Shakspeare applaudira ; mon bon maître Corneille
Me sourira au fond de son sacré tombeau !
Mais quand l’humble ouvrier aura fini sa veille,

Eteint sa forge en feu, quitté son escabeau,
Croisant ses bras lassés, de son œuvre exemplaire,
Implacable, il viendra réclamer le salaire !

Q8  T23  sonnet de 1842

Il se trouve cerné sur un champ de bataille — 1877 (4)

Henri Passérieu – in Union littéraire des poètes et littérateurs de Toulouse

Sonnet militaire

Il se trouve cerné sur un champ de bataille
Par cinquante guerriers, noirs démons forcenés:
Sur son visage ardent, une sublime entaille
Rougissait d’un sang pur ses traits illuminés.

Au milieu du bruit sec produit par la ferraille,
Au milieu des grands coups et reçus et donnés
On eut dit un géant perçant une muraille,
Et près de voir enfin ses efforts couronnés.

– Il succombe pourtant; la légère Espérance
Voyant ses yeux voilés par la prochaine mort,
S’enfuit, l’abandonnant en proie à la souffrance.

Alors, se ranimant dans un suprême effort,
Et levant vers le ciel sa figure meurtrie
Il retomba criant: « Vive notre Patrie! »

Q8 – T23 – bi

Qui nous tient? de quel rire et de quelle ironie — 1870 (5)

Paul Delair Les nuits et les réveils

Questions

Qui nous tient? de quel rire et de quelle ironie
Sommes-nous les bouffons sans le savoir? Qui donc
Fit l’homme, et pour loger l’espérance infinie
Courba la voûte étroite et basse de son front?

Qui fait couler le fiel pour la vertu bannie?
Qui coupe, indifférent, la branche avec le tronc?
Qui rit au crime, et met sur sa tête impunie
La marque au nom de qui ses enfants règneront?

Qui suscite la peste et luit sur les batailles?
Qui ne baîllonne pas les gueules de la mer?
Qui maudit la semence et frustre les entrailles?

Et comme un sablier, dans le néant amer,
Qui nous vide? Et quand tout sera nu sur la terre,
Qui donc, pour s’amuser, pèsera la poussière?

Q8 – T23

Au fond des bois, sous l’humide feuillée, — 1863 (11)

Alexandre Toupet Vieux péchés

Emma Livry

Au fond des bois, sous l’humide feuillée,
Tout gazouillait de badines chansons,
Des bruits joyeux montaient de la vallée,
Et dans leurs nids chantaient les oisillons.

Un papillon avait pris sa volée !
Sylphe rapide, il faisait sa moisson
D’un beau jardin parcourant chaque allée,
Se promenant de la fleur au buisson.

Comme une abeille, ô mutine sylphide,
Tu voltigeais, sans craindre l’avenir
Qui t’entrainait d’un sourire perfide.

Car sans songer qu’un jour tout doit finir,
Tu vins frôler une funeste flamme
Qui dans l’azur fit s’envoler ton âme

Le 15 novembre 1862, pendant une répétition sur la scène de l’Opéra, la gracieuse artiste chorégraphique, qui allait reprende le rôle de Fenella, dans La muette de Portici, s’étant imprudemment mise sur un praticable, placé près d’une herse de gaz, se vi soudainement entourée d’un réseau de flammes.

Q8  T23  déca  bi