Archives de catégorie : formules secondes

formules dérivées des formules principales par renversement des tercets

A quoi, mon cher amour, servirait l’exercice, — 1944 (10)

Robert Mélot du Dy Rimes des rhétoriqueurs

Chaîne d’amour

A quoi, mon cher amour, servirait l’exercice,
Si ce n’est à former de beaux corps amoureux?
Regarde ces danseurs, ivres de leurs délices:
Lis ce sonnet dansant que j’invente pour eux.

Heureux, l’amant bien fait, qu’en secret il jouisse
Ou hisse l’étendard de son cœur valeureux;
Heureux que la beauté deux fois les éblouisse,
Oui! ces corps deux fois beaux sont doublement heureux.

Regarde encor: voici qu’on accouple avec rimes,
Crimes délicieux du langage, les mots,
Modulant la musique amoureuse des mimes:

Imminent, le baiser sur les lèvres éclos
(L’eau m’en vient à la bouche) unira leurs tendresses …
Dresse-toi, mon sonnet, libre de maladresses!

Q8 – T23   s sur s

Exercice de ‘rime annexée’ (ACh): la fin de vers est reprise au début du vers suivant: exercice / Si cepour eux / heureux

Le chat lutte avec une abeille — 1944 (7)

Henri Thomas Signe de vie

Sonnet du chat

Le chat lutte avec une abeille
autour de sa fourrure,
je vois l’azur et ses merveilles,
un arbre, une mâture,

la mer apporte à mon oreille
le bruit des aventures
que nous vivrons si tu t’éveilles,
témérité future.

Je me consacre aux vertes îles,
favorables au sage
qui sait trouver un dieu tranquille

entre palme et rivage.
Le chat s’en va, brillant et beau,
pour guetter les oiseaux.

Q8 – T23 -2m : octo; 6s: v.2, v.4, v.6, v.8, v10, v.12, v.14

Je suis comme le riche, à qui sa clef suffit — 1943 (3)

Fernand Baldensperger, trad. Les sonnets de Shakespeare, traduits en vers français ..

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Je suis comme le riche, à qui sa clef suffit
Pour jouir des trésors d’un cher coffre d’avare:
Il ne veut pas les voir à tout coup, jour et nuit,
De peur que ne s’émousse une volupté rare.

Les fêtes sont aussi des raretés qu’on mit
De place en place dans un Almanach bizarre
Comme pierres de choix en montures de prix,
Ou joyaux isolés dont un collier se pare.

Le Temps est le coffret qui vous tient enfermé,
L’armoire où sagement se peut céler la robe,
Pour qu’au moment voulu l’éclat qui se dérobe
Puisse avoir l’imprévu de l’inaccoutumé.

Béni soyez, Valeur qui m’offrez double chance,
Etre vôtre – un triomphe; attendre – l’espérance!

Q8 – T30 – disp: 4+4+4+2 -tr

Il rêvait tout enfant d’une boite de fil — 1938 (3)

Francis Jammes – Poèmes inédits et isolés in Oeuvres

Dandysme

Il rêvait tout enfant d’une boite de fil
Qu’il avait entrevue un jour chez la comtesse:
Un indien avec un soleil sur la fesse
Gauche et que regardait un serpent de profil.

Superbement campé, un tout nu sans coutil,
Ce sauvage tirait de l’arc avec adresse
Si bien qu’il envoyait – tout juste à son adresse –
La flèche dans l’œil droit du grand python subtil.

Et cet enfant rêveur qui se curait les ongles,
Dandy futur, était scandalisé de voir
L’anthropophage nu montrant son cul aux jungles:

Mon père, pensait-il, se mêt en habit noir.
Quand il fut plus âgé, ce Dandy sur l’échine
De cet indien mit un peu d’encre de Chine.

1891?

Q15 – T23

Dans le xyste où rêvait sa jeunesse immortelle, — 1922 (7)

Marguerite Yourcenar in Les dieux ne  sont pas morts

L’Apparition

Dans le xyste où rêvait sa jeunesse immortelle,
L’éphèbe Antinoos aux jardins de Tibur
Vit, parmi les débris détachés de sa stèle,
Les ronces l’envahir sous l’impassible azur.

À l’heure où les ramiers, d’un lourd battement d’aile,
Font trembler l’ombre claire aux blancheurs du vieux mur,
Seul, le tiède baiser de la clarté fidèle
Consolait la Statue au geste calme et pur.

Les siècles ont détruit cette image mystique
Et terni la candeur du marbre éblouissant.
Qu’importe… Je revois le bel Adolescent :

Il monte avec lenteur les degrés du portique,
Et, posant ses pieds nus sur le sable vermeil,
Revit pour un instant et s’étire au soleil…

Q8 – T30

Ferrée à rouge te voilà devant l’enclume — 1921 (2)

Roger VitracLe faune noir – in Des-lyre (ed.1964)


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Ferrée à rouge te voilà devant l’enclume
Bouche au collier de larmes Forgeron
Que l’ombre de ton bras lève la femme plume
Et que ton bras lui plante une harpe en plein front

Et qu’elle chante avec l’écharpe de bitume
Hyperbole des cils, gril où nous rôtirons
Sous l’arbre ensanglanté dont elle se parfume
Et nos poumons légers sont là pour le clairon

Ah nature insensible à l’étincelle mâle
Fille du vin Elle est jolie au bord de l’eau
A ses dents tu peux voir si son squelette est pâle

Mais si tu veux passer par les coups de marteau
D’un poing fêlé comme le cœur de l’étrangère
Frappe Le Forgeron est bien en chair ma chère

Q8 – T23

Clair de lune à la mer: les rayons jettent — 1921 (1)

Jehan d’Arvieu Le monde sous l’étoile

Alleluia

Clair de lune à la mer: les rayons jettent
Des rubans argentés sur l’onde noire,
Des reflets satinés aux jeux de moire,
Des brillants, des émaux et des paillettes.

Caressés de clartés les flots répètent
Aux splendeurs de la nuit un chant de gloire
Murmurant dans un rêve d’oratoire
Sous le vol messager de leurs mouettes.

Clair de lune à l’Eden; la paix dernière.
A l’astre virginal, comme ondes calmes,
Chanteront dans un bruit furtif de palmes,

Les élus tout nimbés de sa lumière,
Cependant que chargés de leurs louanges
Monteront de la mer les vols des anges.

Q15 – T30 – déca – rimes féminines

Le globe de grains verts, pur symbole à ton faîte, — 1914 (3)

Saint-Pol-RouxIdéoréalités

Tombeau de Stéphane Mallarmé

Le globe de grains verts, pur symbole à ton faîte,
On le vit, front de gloire, amerrir en soleil
Dont les épis sonnants allumèrent la fête
A l’instant où les dieux te mirent en sommeil.

Sage la mort éternisait notre prophète
Au Verbe obscur d’offrir un éclat non pareil,
Et le vainqueur jaillit d’une injuste défaite
Entre les plumes d’or du céleste appareil.

Maître, ta voix d’exil nous retourne première.
Or, neuve des valeurs que lègue le trépas,
La beauté se refond au moule de tes pas,

Tandis que nous pleurons la grappe de lumière,
Accessibles raisins de l’Azur inconnu
Que viola ce faune idéalement nu.

Q8 – T30

A vous seule qui ne fûtes l’étrange poupée — 1913 (12)

André Breton in ed. Pléiade

A vous seule

A vous seule qui ne fûtes l’étrange poupée
Sœur ai-je dit je pressens que sous vos mains petites,
En précieux chignon ne fuserait la poupée
Tout ce qu’orne l’audace verte des clématites.

Un seau de femme où gèle en bleuissant l’eau pompée
Porte à voir au milieu de salores des stalactites
Un bout de corne pointe ustensile d’épopée
Au front des pauvres moutards de banlieue à otites.

On rapporte la fumée aux losanges de natte
Ainsi le rêve du forain mou je l’enviai
Que ce fut mordre à belles dents la baie incarnate

Ange vous selon mes paradoxes de janvier
Retintes ce long talus qui bée au vent moqueur
Et me pardonnâtes l’équipée à contre-coeur.

Q8 – T23 – 13s

– Lettre à Paul Valéry du 9 janvier 1916:  » Et voici même un  sonnet trop irrégulier. Que ne puis-je me retenir de vous faire part , avec la puérilité que vous condamnez, d’essais toujours malheureux ».
Réponse de P.V.:  » Nous avons lu ces derniers vers que vous m’avez envoyés. Ils font penser que vous êtes dans un état que les physiciens nommeraient critique. Leur brisement, leur art situé entre les types définis, le hasard introduit, voulu, rétracté à chaque instant, assurent que vous touchez un certain point intellectuel de fusion ou d’ébullition, bien connu de moi, quand le Rimbaud, le Mallarmé, inconciliables, se tâtent dans un poète. Début capital, perceptible si clairement dans ce sonnet où le solitaire, le volontaire, le seul soi, mais la rime exacte, la forme fixe, la recherche des contrastes coexistent ».

Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône, — 1911 (10)

Léon Vérane Terre de songe

Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône,
Les perroquets rouges et verts se sont juchés
Et troublent d’un frôlis d’ailes le soir d’automne
Au long des boulingrins de corolles jonchés.

Et le nain, sous son chaperon de velours jaune
Où comme un bleu panache un iris est fiché,
Jongle avec des citrons, des cédrats et des pommes
Aux cris rauques des grands oiseaux effarouchés.

Mais la lune surgie au ciel de lazulite,
Ecorne sa rondeur aux ifs pointus du bois,
Et le nain qui jonglait, soudain devenu triste,

Songe qu’il a manqué pour la première fois
Un citron, un cédrat ou une pomme blanche,
Puisqu’un fruit est resté dans la fourche des branches

Q8  T23  quelques assonances