Archives de catégorie : formules secondes

formules dérivées des formules principales par renversement des tercets

Parmi des flots d’azur, dimanche, un soleil d’or — 1856 (1)

Brocard de Meuvy fils Coupe d’amour

Le sommeil interrompu

Parmi des flots d’azur, dimanche, un soleil d’or
Rayonnait à midi; la maison fut déserte!
J’aime assez peu sortir quand tout le monde sort;
Je restai dans ma chambre et ne fit pas grand’perte,

Comme vous le verrez, si me lisez encor:
Mon store était baissé, ma croisée entr’ouverte,
L’air doux; je m’endormis, et mon plus cher trésor
Ma belle en robe bleue, au petit pas alerte,

Sur la pointe du pied, alors, entra chez moi;
Et soudain les baisers de ma brune enflammée
Eveillèrent nombreux ma paupière fermée.

Quel céleste réveil! Quel amoureux émoi!
Ma lèvre en feu s’unit à sa bouche vermeille,
Bianca fut une ruche, et je fus son abeille!

Q8 – T30

Pétrarque, au doux sonnet je fus longtemps rebelle; — 1855 (10)

Auguste Brizeux Histoire in oeuvres vol II 1884 –


Formes et pensées, II

Pétrarque, au doux sonnet je fus longtemps rebelle;
Mais toi, divin Toscan, chaste et voluptueux,
Tu choisis, évitant tout rythme impétueux,
Pour ta belle pensée une forme humble et belle.

Ton poème aujourd’hui par des charmes m’appelle:
Vase étroit mais bien clos, coffret, plaisir des yeux,
D’où s’exhale un parfum subtil, mystérieux,
Que Laure respirait, le soir, dans la chapelle.

Aux souplesses de l’art la grâce se plaisait,
Maître, tu souriras si ma muse rurale
Et libre a fait ployer la forme magistrale;

Puis, sur le tour léger de l’Etrusque, naissait,
Docile à varier la forme antique et sainte,
L’urne pour les parfums, ou le miel, ou l’absinthe.

Q15 – T30 – s sur s

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé, — 1854 (5)

Gérard de Nerval Les Chimères

El Desdichado

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie:
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phoebus? … Lusignan ou Biron?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la Syrène …

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron:
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Q8 – T30

J’aime encor le sonnet, ce médaillon sans prix — 1854 (1)

Ernest PrarondLes impressions & pensées d’Albert

Le Sonnet

J’aime encor le sonnet, ce médaillon sans prix
Où nous pouvons, sitôt qu’un caprice nous tente,
Réduire adroitement dans la pierre éclatante
Les sujets les plus hauts dont nous soyons épris.

Dans un ovale étroit d’indestructible onyx
L’image est découpée éternelle et riante,
Si bien que Delia, la belle survivante,
Sert encor de parure aux belles de Paris.

Et j’aime le sonnet dans sa forme elliptique
Malgré le dur effort des labeurs irritants,
Et vers lui je me tourne encor de temps en temps;

Je l’aime; car plus d’un comme un camée antique
Parmi ceux qu’autrefois j’ai taillé par milliers
Me garde des traits chers et du monde oubliés.

Q15 – T30 – s sur s

Pendant les guerres de l’Empire, — 1852 (1)

Théophile GautierEmaux et camées

Préface

Pendant les guerres de l’Empire,
Goethe, au bruit du canon brutal,
Fit le Divan occidental ,
Fraîche oasis où l’art respire.

Pour Nisami quittant Shakespeare,
Il se parfuma de çantal,
Et sur un mètre oriental
Nota le chant qu’Hudud soupire.

Comme Goethe sur son divan
A Weimar s’isolait des choses
Et d’Hafiz effeuillait les roses,

Sans prendre garde à l’ouragan
Qui fouettait mes vitres fermées,
Moi, j’ai fait Emaux et Camées.

Q15 – T30 – octo

Notre vie est semblable aux monts de Pyrénées ; — 1850 (5)

Armand de Flaux Nuits d’été

Sonnet

Notre vie est semblable aux monts de Pyrénées ;
Aux pieds naissent des fleurs dans toutes les saisons,
Et du haut des glaciers les neiges entraînées,
Coulent plus mollement sur des lits de gazons.

Des forêts de sapins sur leurs flancs inclinées,
A jamais, du soleil leur cachent les rayons,
Et, dans l’azur des cieux, leurs têtes couronnées
Sont éternellement couvertes de glaçons.

Ces gazons et ces fleurs n’est-ce pas la jeunesse ?
Ces forêts, d’un aspect plus grave et plus obscur
Dont l’oeil est attristé, n’est-ce pas l’âge mûr ?

Ces sommets dévastés, n’est-ce pas la vieillesse ?
Puis cette immensité des pics au firmament
N’est-ce pas de la mort le vide et le néant ?

Q8  T30

Au beau cauchois, la plus humble chaumière, — 1846 (11)

Victor Fleury, secrétaire de la mairie d’Ingouville Lointains

Sonnet

Au beau cauchois, la plus humble chaumière,
Sur son toit vert de mousse a des Iris d’azur,
Et sa vigne, accrochée à des clous sur les murs,
Pour jeter l’ombre au seuil inondé de lumière ;

Quelques poules, un coq, dont la voix la première
Salue à l’orient le jour encore obscur ;
Une mare dormante, ou bien un ruisseau pur,
Ou vient souvent puiser une fraîche fermière.

Et, devant la masure, un jardin, où les fleurs
– Doux emblêmes laissés comme choses fertiles, –
Ne poussent qu’au hasard parmi les biens utiles.

Une haie, en été, la défend des chaleurs,
Et les sureaux touffus, et la blanche aubépine
Y neigent, vers le soir, au vent de la colline.

Q15  T30

Homme! libre penseur – te crois-tu seul pensant — 1845 (5)

Gérard de Nerval in  L’Artiste

Vers dorés
Eh quoi! tout est sensible!
Pythagore

Homme! libre penseur – te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose:
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’Univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant …
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose;
Un mystère d’amour dans le métal repose:
Tout est sensible; – et tout sur ton être est puissant!

Crains dans le mur aveugle un regard qui t’épie:
A la matière même un verbe est attaché …
Ne la fais point servir à quelque usage impie.

Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché;
Et, comme un oeil naissant couvert par ses paupières
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres.

Q15 – T23

« Immobile Destin, muette sentinelle, — 1844 (12)

Nerval Le Christ aux oliviers

III

« Immobile Destin, muette sentinelle,
Froide Nécessité! … Hasard qui, t’avançant
Parmi les mondes morts sous la neige éternelle,
Refroidis, par degrés, l’univers pâlissant,

« Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,
De tes soleils éteints, l’un l’autre se froissant …
Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle,
Entre un monde qui meurt et l’autre renaissant? …

 » O mon père! est-ce toi que je sens en moi-même?
As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort?
Aurais-tu succombé sous un dernier effort

« De cet ange des nuits que frappa l’anathème? …
Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir,
Hélas! et, si je meurs, c’est que tout va mourir!  »

Q8 – T30

Vous partez, chers amis; la brise ride l’onde, — 1842 (20)

Théophile Gautier Oeuvres poétiques (ed.1880)

A des amis qui partaient, sonnet

Vous partez, chers amis; la brise ride l’onde,
Un beau reflet ambré dore le front du jour;
Comme un sein virginal sous un baiser d’amour,
La voile sous le vent palpite et se fait ronde.

Une écume d’argent brode la vague blonde,
La rive fuit. Voici Mante et sa double tour,
Puis cent autres clochers qui filent tour à tour
Puis Rouen la gothique et l’Océan qui gronde.

Au dos du vieux lion, terreur des matelots,
Vous allez confier votre barque fragile,
Et flatter de la main sa crinière de flots.

Horace fit une ode au vaisseau de Virgile:
Moi, j’implore pour vous, dans ces quatorze vers,
Les faveurs de Thétis, la déesse aux yeux verts.

Q15  T23