– A. de Bessancourt in Le temps présent
Combat naval
Mer
Croule,
Foule
L’air !
Chair
Roule
Sous le
Fer !
L’onde
Ronde
Boût.
Ombre …
Tout
Sombre !
Q15 T14 – banv – mono (clinamen au vers 7)
– A. de Bessancourt in Le temps présent
Combat naval
Mer
Croule,
Foule
L’air !
Chair
Roule
Sous le
Fer !
L’onde
Ronde
Boût.
Ombre …
Tout
Sombre !
Q15 T14 – banv – mono (clinamen au vers 7)
– ? – Cristaux et colloïdes – Anthologie des pharmaciens poètes –
Le suppositoire
Sanglé dans son dolman d’étain,
Qui lui donne allure guerrière,
Le suppositoire, malin,
Attaque toujours par derrière.
Odorant comme un Muscadin,
On le croirait d’essence fière;
Mais, son idéal est mesquin,
Il ne prise que la matière!
Pourtant, sa fin lui fait honneur!
C’est lorsque, héroïque pointeur
Que n’émeut point la canonnade;
Pour donner son calmant effet,
Tête baissée, il disparaît,
Au fracas d’une pétarade!
Marcel Mavit
Q8 – T15 – octo
– Saint-Pol-Roux – Idéoréalités –
Tombeau de Stéphane Mallarmé
Le globe de grains verts, pur symbole à ton faîte,
On le vit, front de gloire, amerrir en soleil
Dont les épis sonnants allumèrent la fête
A l’instant où les dieux te mirent en sommeil.
Sage la mort éternisait notre prophète
Au Verbe obscur d’offrir un éclat non pareil,
Et le vainqueur jaillit d’une injuste défaite
Entre les plumes d’or du céleste appareil.
Maître, ta voix d’exil nous retourne première.
Or, neuve des valeurs que lègue le trépas,
La beauté se refond au moule de tes pas,
Tandis que nous pleurons la grappe de lumière,
Accessibles raisins de l’Azur inconnu
Que viola ce faune idéalement nu.
Q8 – T30
– Jean de La Ville de Mirmont – in Oeuvres complètes ed. 1992 –
Si je contemple le plafond
Avec tant de mélancolie,
Gentlemen, avouerai-je, au fond
Le motif de ma rêverie?
Lorsque j’ai bu trois carafons
De gin, de rhum et d’eau de vie,
Goddam! Tous ces alcools me font
Songer à la mère-patrie …
J’en partis à vingt ans à peine
Pour acheter du bois d’ébène
Sur la côte des Somalis.
Négrier plus qu’aux trois-quarts ivre
(En vérité je vous le dis),
J’ai gardé tout mon savoir-vivre.
Q8 – T14 – octo
– Jean de La Ville de Mirmont – in Oeuvres complètes ed. 1992 –
Les frères aînés
Oh! combien que j’eusse aimé
Avec toute ma jeunesse
Combien de frères aînés
Sont morts avant que je naisse!
Encore tout affamés
D’une éternelle tendresse
Combien se sont résignés
A ce bonheur qu’on nous laisse.
De notre sort mécontents,
Nous sommes, de tous les temps,
Vague troupeau sans étable.
Mes frères insoucieux
Saurons-nous tourner les yeux
Vers le seul bien véritable?
Q8 – T15 – 7s
– André Breton in ed. Pléiade
A vous seule
A vous seule qui ne fûtes l’étrange poupée
Sœur ai-je dit je pressens que sous vos mains petites,
En précieux chignon ne fuserait la poupée
Tout ce qu’orne l’audace verte des clématites.
Un seau de femme où gèle en bleuissant l’eau pompée
Porte à voir au milieu de salores des stalactites
Un bout de corne pointe ustensile d’épopée
Au front des pauvres moutards de banlieue à otites.
On rapporte la fumée aux losanges de natte
Ainsi le rêve du forain mou je l’enviai
Que ce fut mordre à belles dents la baie incarnate
Ange vous selon mes paradoxes de janvier
Retintes ce long talus qui bée au vent moqueur
Et me pardonnâtes l’équipée à contre-coeur.
Q8 – T23 – 13s
– Lettre à Paul Valéry du 9 janvier 1916: » Et voici même un sonnet trop irrégulier. Que ne puis-je me retenir de vous faire part , avec la puérilité que vous condamnez, d’essais toujours malheureux ».
Réponse de P.V.: » Nous avons lu ces derniers vers que vous m’avez envoyés. Ils font penser que vous êtes dans un état que les physiciens nommeraient critique. Leur brisement, leur art situé entre les types définis, le hasard introduit, voulu, rétracté à chaque instant, assurent que vous touchez un certain point intellectuel de fusion ou d’ébullition, bien connu de moi, quand le Rimbaud, le Mallarmé, inconciliables, se tâtent dans un poète. Début capital, perceptible si clairement dans ce sonnet où le solitaire, le volontaire, le seul soi, mais la rime exacte, la forme fixe, la recherche des contrastes coexistent ».
– Antonin Artaud in Oeuvres complètes, I
Le navire mystique
Il se sera perdu le navire archaïque
Aux mers où baigneront mes rêves éperdus;
Et ses immenses mats se seront confondus
Dans les brouillards d’un ciel de bible et de cantique.
Un air jouera, mais non d’antique bucolique,
Mystérieusement parmi les arbres nus;
Et le navire saint n’aura jamais vendu
La très rare denrée aux pays exotiques.
Il ne sait pas les feux des heures de la terre.
Il ne connaît que Dieu et sans fin solitaire
Il sépare les flots glorieux de l’infini.
Le bout de son beaupré plonge dans le mystère.
Aux points de ses mâts tremble toutes les nuits
L’argent mystique et pur de l’étoile polaire.
Q15 – T14 – banv – paru dans La criée n°15, 1922 – transcrit de mémoire en 1944
– Charles Derennes, Charles Perrot, Pierre Benoit, ed. La grande anthologie
– Stéphane Mallarmé
Tel qu’en l’obscur discours de Locke
Agonisait sa sombre ardeur
Où sourdre avec tant de candeur
La gigantesque et molle cloque
Si pendillait la pendeloque
Cette languide et noire odeur
Qui hors du cœur du maraudeur
S’exalte et tend et flotte loque
Mais chez qui par amour se pend
Lourdement pend un grand serpent
En la courbure hypothétique
Tel qu’en l’unanime foison
Selon nul autre amer poison
L’aigre malade ne se pique
Q15 – T15 – octo
– Charles Derennes, Charles Perrot, Pierre Benoit, ed. La grande anthologie
Henri-Mathurin de Regnier
Maestro sacrum
Maître dans le creuset où rougeoyait la fonte,
N’ayant point de métal qui m’appartînt à moi,
J’ai jeté, plein d’orgueil et d’extase et d’émoi,
Bayesid, Bragadin, Cysique et Métaponte.
Dès mes plus jeunes ans ayant aimé ta ponte,
Aigle qui ne pondait que tous les trente mois,
Des vers pareils aux tiens je fis dix à la fois;
Je l’énonce à regret et l’avoue à ma honte.
Mais j’ai, chez l’antiquaire, et chez le brocanteur,
Racheté le turban, le Centaure, le Teur,
Hercule, Rome, Naple, et la Draghme et le Cygne,
Et dans mes vers hâtifs songe qu’il est réel
Que, pour signifier ma modestie insigne,
Je fais les singuliers rimer aux pluriels.
Q15 – T14
– Paul Reboux et Charles Müller A la manière de
Sonnets
II
Orgueil du grand sitôt en extase cabré,
D’ombre et torse forêt en qui la même absconse
Fut. Etoile vitreuse où le nombre s’annonce,
Ascension clamée au trouble de l’entré,
Accord du geste avec le destin conjuré,
Vertical attestée en sa double réponse,
Pourpre en immensité banale et, si je fonce,
Pars, cri silencieux, et règne, soupiré!
Alors quand révolu triple s’itérative
L’astre, flux que soudain cueille une main craintive
Où l’infini du peu déploie un vol impur.
Et l’arc ainsi bandé par la détresse aiguë
Fera, foudre d’acier, incendie et ciguë,
Luire des larmes d’or aux blancheurs du futur.
Stéphane Mallarmé
Q15 – T15 on remarquera que la dispositions des rimes n’est pas mallarméenne
Glose
Un groupe d’érudits prépare une traduction française des oeuvres de Stéphane Mallarmé. Cette entreprise, en raison des recherches qu’elle nécessite, n’aboutira pas, sans doute, avant de longues années. Nous ne pouvons aujourd’hui donner au lecteur que la traduction du premier de ces deux sonnets:
Quand le vaticinant I Quand le poète prophète
erratique I qui ne sait où il va
Au larynx dédaléen, I et dont la parole s’égare,
divague, I divague
en sa manie I en sa folie
tant dédiée I si coutumière
et avant tout I et qui, avant d’exister,
radiée de I se retranche même de ce
l’absent I qui n’existe pas,
pour animer I lorsqu’il va souffler
le syrinx de l’insaisissable, I dans une flûte sans son,
O n’être que I il rêve de n’être que
du sphinx I un sphinx
le mystère I dont l’énigme
aboli I n’ait pas de sens
par qui l’âme est congédiée I et de supprimer de l’âme
I tout ce qui n’est pas
du clair-obscur I complètement obscur,
O chevaucher I il rêve, chevauchant
le lynx, aveugle I un lynx aveugle
et de ses yeux exorbités I aux yeux arrachés,
vers la victoire I d’aller vers la gloire
irradiée I rayonnante!
Enigme I Etant une énigme
telle la Pythie I semblable à la Pythie
hypogéenne I qui vit sous la terre,
Ambage I Etant plein de détours
non pas un I multiples
d’où dévie l’inconnu, I d’où ne sort rien,
j’ai approfondi l’azur I j’ai reculé les limites
de l’impénétrable. I du galimatias.
Et, cygne ténébral I Et, poète ténébreux
Sitôt hiéroglyphique I dès que j’écris,
qu’ombre I que rend nul
en son vide I au sein de la nullité
un déléatur I un signe de suppression
obstructif, I paralysant,
J’offusque, I Je réponds
triomphal, I triomphalement
le néant qui m’assigne. I au défi du néant.
Les cryptographes ne se sont pas jusqu’ici mis d’accord sur le sens du deuxième sonnet. Certains proposent une version, mais nous respectons trop nos lecteurs pour la leur mettre sous les yeux.