Archives de catégorie : formules principales

O bien-aimé mollusque vert! — 1887 (3)

Tancrède MartelLes poèmes à tous crins

Le sonnet de l’huître

O bien-aimé mollusque vert!
Sais-tu bien que notre existence,
Sans toi, perdrait en importance?
Quel Lucullus t’a découvert!

Toi seul eusses charmé Javert,
Ce modèle de tempérance;
Chrémès, qui posa pour Térence,
Te chérissait, dit-on, l’hiver.

Phoebus s’intéresse à ta race
Depuis que le compère Horace
A fait le tour du lac Lucrin;

Et ta chair est si délectable,
Que ton écaille est un écrin,
O perle fine de la table!

Q15 – T14 – banv – octo

Du ciel tendre où court la nue indécise, — 1886 (26)

Albert Pinard Sonnets, ghazels, …

Louise

Du ciel tendre où court la nue indécise,
Des bois assoupis dans leur profondeur,
De l’eau murmurante et du sein des fleurs,
Nous voulons tirer, quintessence exquise,

Harmonie auguste, une voix qui dise :
« Fleurs qui frémissez aux vents maraudeurs,
Rayons, ruisseaux, charme épars des odeurs,
Formez un concert pour fêter Louise.

Composez sa vie uniment d’étés,
Versez vos fraîcheurs & vos puretés,
Etendez sur elle une ombre propice . »

Mystère des nuits, vérité du jour,
Nous vous invoquons, sûrs de votre hospice :
La nature entend les cœurs sans détour.

Q15  T14  – banv – tara  bi

Absinthe, je t’adore, certes ! 1886 (21)

Raoul Ponchon in Le courrier français

L’absinthe

Absinthe, je t’adore, certes !
Il me semble, quand je te bois,
Humer l’âme des jeunes bois,
Pendant la belles saison verte !

Ton frais parfum me déconcerte,
Et dans ton opale je vois
Des cieux habités autrefois,
Comme par une porte ouverte.

Qu’importe, ô recours des maudits !
Que tu sois un vain paradis,
Si tu contentes mon envie ;

Et si, devant que j’entre au port,
Tu me fais supporter la vie,
En m’habituant à la mort.

Q15  T14  – banv – octo

On peut interroger l’histoire, — 1886 (20)

Evariste Carrance in  Littérature Contemporaine, 36

Le siècle de Victor Hugo
Proclamons-le hautement, proclamons dans la chute et dans la défaite, ce siècle est le plus grand des siècles – V.H.

On peut interroger l’histoire,
Aucun siècle n’a projeté
Plus de grandeur et plus de gloire,
Plus de justice et de clarté!

Il grave au temple de mémoire
La sainte et pure égalité;
Il commence dans la victoire,
Et finit dans la liberté!

Ce siècle à la marque profonde
Inscrit sur la carte du monde
Ses merveilles et ses grandeurs;

A travers ses rudes tempêtes
Il a fait jaillir des poètes,
Comme de nouveaux rédempteurs!

Q8 – T15 – octo

Mais leurs ventres éclats de la nuit des Tonnerres! — 1886 (17)

Le Scapin

René Ghil

Sonnet

Mais leurs ventres éclats de la nuit des Tonnerres!
Désuétude d’un grand heurt de primes cieux
Une aurore perdant le sens des chants hymnaires
Attire en souriant la vanité des Yeux.

Ah! l’éparre profond d’ors extraordinaires
S’est apaisé léger en ondoiements soyeux
Et ton vain charme humain dit que tu dégénères!
Antiquité du sein où s’épure le mieux.

Et par le Voile aux plis trop onduleux ces Femmes
Amoureuses du seul semblant d’épithalames
Vont irradier loin d’un soleil tentateur:

Pour n’avoir pas songé vers de hauts soirs de glaives
Que de leur flanc pouvait naître le Rédempteur
Qui doit sortir des Temps inconnus de nos Rêves.

Q8 – T14

« Décadence – dit-on – mensonge et fiction ». — 1886 (13)

Miguel Fernandez in Le Décadent

Dégénérescence

« Décadence – dit-on – mensonge et fiction ».
Erreur! Oui! tout décade et l’igneur prolifique
S’éteint dans l’énerveur d’un corps épileptique,
Comme un fruit arescent qui n’a plus d’embryon.

Contemnable dégoût de la parturition.
Boréales frigueurs d’un amour antarctique.
Bâtardes siccités d’un flanc anhélélique
Où périt le fœtus en germination.

Les modernes Phrynés ont des cœurs de banquise,
Un regard terne et froid comme un pavé d’église
Qui glace et réfrigère en sa blémeur de mort.

Les hommes allouvis d’une crainte érophobe
Semblent s’être entendus pour dépeupler le globe
Et le faire occomber au Néant dont il sort.

Q15 – T15

Vous cachez vos cheveux, la toison impudique, — 1886 (10)

Germain Nouveau (ed. Pléiade)

Musulmanes
A Camille de Sainte-Croix

Vous cachez vos cheveux, la toison impudique,
Vous cachez vos sourcils, ces moustaches des yeux,
Et vous cachez vos yeux, ces globes soucieux,
Miroirs pleins d’ombre où reste une image sadique;

L’oreille ourlée ainsi qu’un gouffre, la mimique,
Des lèvres, leur blessure écarlate, les creux
De la joue, et la langue au bout rose et joyeux,
Vous les cachez, et vous cachez le nez unique!

Votre voile vous garde ainsi qu’une maison
Et la maison vous garde ainsi qu’une prison;
Je vous comprends: l’Amour aime une immense scène.

Frère, n’est-ce pas là la femme que tu veux:
Complètement pudique, absolument obscène,
Des racines des pieds aux pointes des cheveux.

Sonnets du Liban

Q15 – T14 – banv

Nous avions fait une lieue — 1886 (9)

Germain Nouveau (ed. Pléiade)

Retour

Nous avions fait une lieue
L’œil en quête d’un sonnet;
Où le hasard nous menait
Nous errions dans la banlieue.

La matinée était bleue
Et sur nos têtes sonnait
La rime, oiseau qu’on prenait
D’un grain de sel sur la queue.

Tout à coup le ciel changea:
Il plut. Retournons – déjà! –
Et nous aperçûmes, l’âme

Attristée, au loin, Paris,
Et, grises sur le ciel gris,
Les deux tours de Notre-Dame!

Q15 – T15 – 7s

En vain j’ai cru, dans un sonnet, — 1886 (8)

Monnier de la Motte Du printemps à l’automne

Sonnet. …. C’est un sonnet

En vain j’ai cru, dans un sonnet,
T’offrir mes vœux de bonne année:
Contre un tel effort mutinée,
Ma plume s’y refuse net.

N’étais-je pas un grand benêt
De l’avoir ainsi condamnée,
– Cette pauvrette surmenée –
Au plus dur travail qu’on connaît?

Sans forcer notre esprit rebelle,
Ces souhaits, chose naturelle,
Offrons-les naturellement.

Que ta vie, heureuse et tranquille …
Mais j’achève un sonnet! Comment!
Ce n’était donc pas difficile?

Q15 – T14 – banv – octo – s sur s