Archives de catégorie : formules principales

L’ange de l’Apocalypse, — 1872 (32)

Paul Arène et Alphonse DaudetLe Parnassiculet Contemporain

Absinthe
(Apocalypse, 10-11)

L’ange de l’Apocalypse,
Lumineux épouvantail,
Réveille l’humain bétail
Sur la montagne de gypse.

Il développe l’éclipse,
Ainsi qu’un noir éventail,
Et la planète en travail
S’arrête sur son ellipse.

L’herbe pousse au bord abject;
Elle embaume l’air infect;
Le cristal se coule et tinte;

Au fleuve l’Etoile choît,
Verte … et le poëte boit
Le poison qu’il nomme Absinthe.

Q15 – T15 – 7s

Ainsi qu’aux temps lointains où les Agonothètes* — 1872 (31)

Paul Arène et Alphonse DaudetLe Parnassiculet Contemporain

Theressa

Ainsi qu’aux temps lointains où les Agonothètes*
Provoquaient des jeux grecs les transports convulsifs,
Tu trônes, Theressa dans l’Alcazar massif,
Colonelle, au-dessus d’un océan de têtes.

Salpinx** dont les éclats font cabrer les poètes,
Sous ta lèvre s’agite un Lhomond subversif
Et ton corps sidéral a le frisson lascif
Des jaléas murciens ruisselant de paillettes.

Lors que frémit ta voix – ce cor de cristal pur, –
Dans mon coeur le Démon pousse des cris atroces,
Et fait trève au travail sourd de ses dents féroces.

C’est pourquoi je viens, Moi, qu’habite un Diable impur,
Lâchement enivrer mon âme pécheresse
Dans ton vin capiteux, sonore enchanteresse!
* Les Agonothètes présidaient aux jeux
** Trompette grecque

Q15 – T30

lévitiques, — 1872 (24)

Album zutique

Rimbaud

Bouts-Rimés

lévitiques,
un fauve fessier,
matiques,
enou grossier,

apoplectiques,
nassier,
mnastiques
ux membre d’acier.

et peinte en bile,
a sébile
in,

n fruit d’Asie,
saisie,
ve d’airain.

Q8 – T14 – m.irr  – Le début des vers ayant disparu dans le manuscrit, il reste un sonnet réduit à ses ‘sections rimantes’ (comme disait Raymond Queneau) élargies; c’est un exemple (contingent) de ‘sonnet tronqué’, ou ‘trouvé’.

Nous reniflerons dans les pissotières — 1872 (21)

Album zutique

Verlaine

La mort des cochons
Paroles de Baudelaire
Musique de M. le Comte Auguste  Mathias Villers de l’Isle-Adam

Nous reniflerons dans les pissotières
Nous gougnotterons loin des lavabos
Et nous lècheront les eaux ménagères
Au risque d’avoir des procès-verbaux.

Foulant à l’envi les pudeurs dernières
Nous pomperons les vieillards les moins beaux
Et fourrant nos nez au sein des derrières
Nous humeront la candeur des bobos.

Un soir plein de foutre et de cosmétique
Nous irons dans un lupanar antique
Tirer quelques coups longs et soucieux

Et la maquerelle, entr’ouvrant les portes
Viendra balayer, – ange chassieux –
Les spermes éteints et les règles mortes.

Q8 – T14 – tara

Obscur et froncé comme un oeillet violet, — 1872 (14)

Album zutique

Rimbaud et Verlaine

L’idole.

Obscur et froncé comme un oeillet violet,
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d’amour qui suit la rampe douce
Des fesses blanches jusqu’au bord de son ourlet.

Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré sous l’autan cruel qui les repousse
A travers de petits caillots de marne rousse,
Pour s’aller perdre où la pente les appelait.

Mon rêve s’aboucha souvent à sa ventouse;
Mon âme, du coït matériel jalouse,
En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.

C’est l’olive pâmée, et la flûte caline,
Le tube d’où descend la céleste praline,
Chanaan féminin dans les moiteurs enclos.

Q15 – T15

J’aimais autrefois la forme païenne; — 1871 (12)

Parnasse contemporain, II

Théophile Gautier

Sonnet

J’aimais autrefois la forme païenne;
Je m’étais créé, fou d’antiquité,
Un blanc idéal de marbre sculpté
D’hétaïre grecque ou milésienne.

Maintenant j’adore une italienne,
Un type accompli de modernité,
Qui met des gilets, fume et prend du thé,
Et qu’on croit anglaise ou parisienne.

L’amour de mon marbre a fait un pastel,
Les yeux blancs ont pris un ton de turquoise,
La lèvre a rougi comme une framboise,

Et mon rêve grec dans l’or d’un cartel
Ressemble aux portraits de rose et de plâtre
Où la Rosalba met sa fleur bleuâtre.

Q15 – T30 – tara