Archives de catégorie : Formule entière

L’oiseau sur l’affiche BOTTINES — 1920 (10)

Aragon (sonnets non repris dans Feu de joie)

La vie privée

L’oiseau sur l’affiche BOTTINES
L’amour revient de bon matin
Nous ne trouvons plus l’incertain
Regard des grâces enfantines

Le plancher danse tu destines
Ce bras de souvenir lointain
Aux fleurs du papier Nu satin
Tes yeux resteront mes cantines

Décor décor Madame au ciel
Quand abeille aux cheveux de miel
On recommence la tristesse

Tu défais le nœud des saisons
Alors et c’est l’essentiel
Je perds la raison des raisons

Q15 – T14 – – banv – octo


L’habitude — 1920 (7)

Aragon Feu de joie
(sonnet caché dans Lever, (Feu de joie))


L’habitude
Le pli pris
L’habit gris
Servitude
Une fois par hasard
Regarde le soleil en face
Fais crouler les murs les devoirs
Que sais-tu si j’envie être libre et sans place
Simple reflet peint sur le verre

Donc j’écris
A l’étude
Faux Latude
Et souris

Que les châles
les yeux morts
les fards pâles

et les corps
n’appartiennent
qu’aux riches
Le tapis déchiré par endroits.

r.exc. – m.irr

Que m’importe qu’un pédagogue — 1920 (6)

Léon de Berluc-PerussisSonnets

A M. Achille Vogue,
qui me demandait un sonnet pour son recueil d’autographes

Que m’importe qu’un pédagogue
Me déclare d’une voix rogue
Que mes vers – sonnet, ode, églogue –
Ne sont qu’une assez pauvre drogue!

Voilà que mon humble pirogue
Aux rives de la gloire vogue,
Puisque, entre les auteurs en vogue,
Mon nom brille en l’album de Vogue.

A mon œuvre nul astrologue
N’eut prédit pareil apologue:
J’entre au temple où le meilleur drogue.

Mais êtes-vous sûr, ô bon dogue,
Que votre indulgent catalogue
La postérité l’homologue?

monorime  octo

Bruit qui ne s’énumère, et sous l’atone nue — 1920 (5)

René Ghil – in Oeuvres Complètes

Mer montante.

Bruit qui ne s’énumère, et sous l’atone nue
le rond soleil qui transparaît
en point ardent d’où s’amasse la révolue
cendre du soir désert, la Mer ne saurait

d’éternel arrêter la respiration tûe
de tous les hommes morts en trophées! arrivait
de dessous l’horizon qui limite ma vue
et le soupir de ma poitrine – et elle avait

immensément le mouvement qui outre-passe
et la grève et les pas et les mots qu’en vain tasse
le poids multiplié de nos vivants trépas:

et elle était – qui vient de soi-même suivie –
de l’étendue que le temps ne tarit pas
et sur ma lèvre un goût de sel, mouillé de vie ….

1916

Q8 – T14 – 2m: octo: v.2:

Tue en l’étonnement de nos yeux mutuels — 1920 (2)

René Ghil – in Oeuvres Complètes


Pour l’enfant ancienne

Tue en l’étonnement de nos yeux mutuels
Qui délivrèrent là l’or de latentes gloires,
Que, veuve dans le Temple aux signes rituels,
L’onde d’éternité réprouve nos mémoires.

Tel instant qui naissant des heurts éventuels,
Tout palmes de doigts longs aux nuits ondulatoires
Vrais en le dôme espoir des vols perpétuels
Nous ouvrit les passés de nos pures histoires

Une moire de vains soupirs pleure sous les
Trop seuls saluts riants par nos vœux exhalés,
Aussi haut qu’un néant de plumes vus les gnoses.

Advenus rêves des vitraux pleins de demains
Doux et nuls à plumer, et d’un midi de roses
Nous venons l’un à l’autre en élevant les mains.
1886

Q8 – T14 – vers 9 : un article comme mot-rime

Sonnet, qui n’étais plus qu’un objet de musée, — 1920 (1)

Gauthier-Ferrières Le miroir brisé – sonnets


Sonnet ….

Sonnet, qui n’étais plus qu’un objet de musée,
Dans l’atelier sans air des froids Parnassiens,
Quitte les ciseleurs pour les musiciens
Et danse enfin sur l’herbe où perle la rosée.

Emplis de vin ta coupe, ouvre au vent ta croisée,
Sois libre, ailé, chantant, tourne, bondis, va, viens!
Et joue aux quatre coins dans tes quatrains anciens
Afin que mon Amie en soit tout amusée.

Rajeunis-toi pour elle et brise tes liens,
O Sonnet, noble fleur des parcs italiens,
Transplantée autrefois dans les jardins de France.

Chante lui sa beauté que tu suis pas à pas
Et quelquefois aussi chante lui ma souffrance,
Pourvu qu’en t’écoutant elle n’en souffre pas.

Q15 – T14 – banv – s sur s

Quatorze pieds! Pourquoi mes vers ont-ils quatorze pieds? — 1919 (7)

Henry Céard Sonnets de guerre

Explication

Quatorze pieds! Pourquoi mes vers ont-ils quatorze pieds?
C’est que lassé, depuis longtemps, par l’antique hexamètre
Ankylosé, fourbu, boiteux, j’ai prétendu lui mettre
Deux béquilles, deux pieds de plus, comme aux estropiés.

Hardiment, j’ai rayé l’alexandrin de mes papiers!
Et l’avenir, hors du néant, me tirera peut-être
Pour d’inusités vers, ouvrés sans modèle, sans maître
Et sur aucun patron connu, coupés ou copiés.

Suivant l’accent, je place et déplace la césure.
J’en mets une, deux trois, quatre, et le sens et la mesure
Au lieu de se trouver gênés demeurent agrandis.

La règle peut changer: tout change. Alors risquons l’épreuve
De transformer des procédés trop pratiqués jadis.
– Si l’essai n’est pas bon du moins la tentative est neuve.

Q15 – T14 – banv – 14s – Illusion: il y a déjà eu des sonnets en vers de quatorze syllabes!

Le soleil bas, à flots bouleversés, déferle; — 1919 (3)

Jules SuperviellePoèmes

Coucher de soleil basque

Le soleil bas, à flots bouleversés, déferle;
Et le ciel épuisé par sa pourpre et ses fleurs
Passe insensiblement du rubis à la perle;
Un grave repentir pénètre les couleurs.

L’azur devient lilas et l’écarlate rose;
Et les meules de foin qui gaspillaient leur sort
Semblent se recueillir. Le chemin se repose
D’avoir été si blanc comme d’un grand effort.

Un fleuve de blé mûr coule entre les collines,
Il n’est plus, maintenant, mille fois hérissé,
Et roule du velours en transparence fines.
Son éclat en pâleurs légères a passé.

C’est l’heure où, chaque jour, dans une étreinte pure,
La Montagne et le Ciel mêlent leurs chevelures.

shmall

Il était, au delà des jeunes frénésies, — 1919 (1)

Francis JammesLa vierge et les sonnets

I

Il était, au delà des jeunes frénésies,
Un coin inaccessible & noir dans la forêt.
Cette forêt était mon cœur, ce coin secret,
La source où s’en venaient boire mes poésies.

Que si je t’ai jamais aimée, enfant choisie,
Si mon rythme a jamais gémi sur tes bras frais,
Je te cachai cette heure où je me retirais
Pour écouter le flot où nageait l’harmonie.

Je t’adresse aujourd’hui cette confession:
Laissant l’échelle d’or et ses illusions,
Quand s’effeuillait dans l’agrandissement des choses,

A travers le pertuis des dômes de ces bois,
Sur l’eau pure, un couchant fait de bouquets de roses,
C’est Dieu que j’appelais, je m’éloignais de toi.

Q15 – T14 – banv

Ce n’est point votre sœur, marquise, et vous, comtesse, — 1918 (5)

A. in Les heures de la guerre

A Louise callipyge

Ce n’est point votre sœur, marquise, et vous, comtesse,
Celle qui dans mes sens fait couler le désir ;
Le robuste idéal de mon charnel désir
C’est une grosse fille avec de grosses fesses.

Elle le corps poilu comme aux rudes faunesses
Et des yeux grands ouverts distillant le plaisir,
Mais dans sa belle chair, le meilleur à saisir
C’est son cul souple et dur, si frais sous les caresses ;

Plus frais qu’en juin la source et qu’aux prés le matin
Quand il vient en levrette avec un jeu mutin
Au ventre s’adapter d’amoureuse manière ;

Et rien alors n’est plus gai pour le chevaucheur
Que de voir, dans son cadre ondoyant de blancheur,
Le joyeux va-et-vient de l’énorme derrière …

Q15  T15