Archives de catégorie : déca

décasyllabe

Des pas menus et trottinants d’insecte, — 1893 (9)

Albert Aurier Oeuvres posthumes

Portrait

Des pas menus et trottinants d’insecte,
Un grand oeil noir toujours comme en maraude,
Une démarche alerte et circonspecte,
Toute petite, en robe d’émeraude

Elle trottine, elle flane, elle inspecte,
Avec des airs de carabe qui rôde,
Ou bien parfois, s’arrête et se délecte
Au grand soleil ardent qui la taraude.

Le satin vient du Japon, qui brillotte,
Semble une élytre, et, toujours brinqueballe
Comme une antenne, à sa toque embarbée,

Un plumasseau mince qui se trémousse …
Est-elle femme? Est-elle scarabée?
On aimerait l’aimer parmi les mousses.

Q8 – xyd ede – déca – brilloter : (H.N.) briller un peu

COMME Proserpine avant sa destresse, — 1889 (20)

– in  Le Parnasse Breton contemporain

La Nismoise
sonnet deduict selonc le goust des vieulx françois, A Mme A. B,

COMME Proserpine avant sa destresse,
Comme Hebê, la gente aux yeux de velours,
Comme Amphitrite en ses glauques atours,
Comme l’Astartê, tant chière traistresse ;

Comme ung doulx perfum fleurant la tendresse,
Comme ung oyselet au tems des amours,
Comme ung guay soleil dorant les beaux jours,
Comme ung pur zephir, comme une caresse :

Par ainsy vrayment, reluysant dans l’air,
Engeole et seduict vostre soubris cler ;
Dessoubs le visaige on void briller l’ame.

Pour lors, ie me sens tout regoillardi.
Comme ung chat frileulx ronronne à la flamme,
Chaufant ma Bretaigne à vostre Midy.

Q15  T14 – banv –   déca  encore un essai terrifiant de pseudo vieux-français

Un très vieux temple antique s’écroulant — 1889 (6)

Paul Verlaine –  Parallèlement

Allégorie

Un très vieux temple antique s’écroulant
Sur le sommet indécis d’un mont jaune,
Ainsi que roi déchu pleurant son trône,
Se mire, pâle, au tain d’un fleuve lent.

Grâce endormie et regard somnolent,
Une naïade âgée, auprès d’un aulne,
Avec un brin de saule agace un faune
Qui lui sourit, bucolique et galant.

Sujet naïf et fade qui m’attristes,
Dis, quel poète entre tous les artistes,
Quel ouvrier morose t’opéra,

Tapisserie usée et surannée,
Banale comme un décor d’opéra,
Factice, hélas! comme ma destinée?

Q15 – T14 – banv –  déca

Pour y brûler un grain d’ambre ou d’encens — 1882 (15)

Eugène Manuel En voyage

Cassolette
Vieux sonnet

Pour y brûler un grain d’ambre ou d’encens
Gentil sonnet est une cassolette :
Nous y mettrons innocente amourette
Regrets tardifs ou bien désirs naissants.

Tels du soleil les feux ébouissants
Sont réfléchis même en la gouttelette,
Telle, en un bois, la simple violette
Sous les buissons, se trahit aux passants.

Plus fort parfum n’irait à sa mesure !
Quant à railler sa fine ciselure,
C’est blâmer fleurs en un petit terrain,

Dessins légers sur une broderie,
Joyaux mignons pour la galanterie :
Orfèvre suis, et non fondeur d’airain !

Q15  T15  octo  s sur s

Le son du cor s’afflige vers les bois — 1881 (5)

Paul VerlaineSagesse

Le son du cor s’afflige vers les bois
D’une douleur qu’on veut croire orpheline
Qui vient mourir au bas de la colline
Parmi la brise errant en courts abois.

L’âme du loup pleure dans cette voix
Qui monte avec le soleil qui décline
D’une agonie on veut croire câline
Et qui ravit et qui navre à la fois.

Pour faire mieux cette plainte assoupie
La neige tombe à longs traits de charpie
A travers le couchant sanguinolent,

Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne,
Tant il fait doux par ce soir monotone,
Où se dorlote un paysage lent.

Q15 – T15 – déca

Pan, pan, pan! On fait vacarme à ma porte. — 1880 (9)

Narzale Jobert Klimax.

X
Césure après la troisième syllabe
L’autre?

Pan, pan, pan! On fait vacarme à ma porte.
Je surviens. C’est le fils du jardinier,
Un espiègle! En main il tient un panier.
Il me dit: ce sont des fruits que j’apporte.

Je regarde. Au bord se trouve un papier
Du papa: « cher monsieur, je vous exhorte
A goûter deux pommes, nouvelle sorte,
Que, ce soir, je pris sur mon espalier!  »

« Je lis: deux! Mais je n’en trouve plus qu’une,
Dis-je au gars; c’est une demi-fortune.
Qu’as-tu fait de l’autre, aimable fiston?  »

Celui-ci, baissant les yeux et le ton:
« Du délit – mon âme est bien effrayée ..
L’autre… l’autre … en route je l’ai mangée. »

Q15 – T13 – 10s (3+7)

Aimez toujours, disait votre romance, — 1865 (1)

Valéry Vernier Les filles de minuit

Fier est mon coeur

Aimez toujours, disait votre romance,
Aimez toujours, et nous verrons après;
Et malgré vous, votre air d’insouciance
Raillait vos lèvres, et disait: jamais!

Merci pour moi, Louison, l’expérience
M’a révélé les féminins protêts;
Je ne saurais, à si longue échéance,
Vous adorer, malgré tous vos attraits.

Ses yeux sont beaux: à cette ardente flamme
Facilement on se grillerait l’âme,
Si de dédain on ne se cuirassait.

Fier est mon coeur, comme disait Musset:
De l’abaisser en une attente vaine,
En vérité, non, ce n’est pas la peine

Q8 – T13- déca Ce cousin d’Hugo Vernier (l’auteur, entre autres, du Voyage d’Hiver) nous révèle ceci: « il m’est arrivé d’écrire de la prose à la clarté du jour, je n’ai guère composé de vers que la nuit ». On remarque la césure ‘à l’italienne’ au vers 4.

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse, — 1864 (5)

Hippolyte Lucas Heures d’amour

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse,
Avec mystère, alors que fuit le jour,
Tombez aux pieds d’une belle maîtresse,
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

Si le dépit succède à la tendresse,
Si le regret vous domine à son tour
Cherchez ici votre propre tristesse:
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

N’y touchez pas, matrones sans faiblesse!
N’y touchez pas, ô tartufes que blesse
Un sein charmant qui montre son contour!

Le doux plaisir eut ses autels en Grèce;
Il sera dieu toujours pour la jeunesse:
Chantez son culte, ô mes Heures d’amour.

Q8 – T6  déca – y=x (c=a & d=b) Sonnet sur deux rimes seulement. ‘Heures d’amour ‘ aux vers 4,8,14

Quatrième éd., d’après l’auteur; après Le coeur et le monde 1834; et une 2ème ed. en 1844. « cette édition fut mise à l’Index, parce que le mot Heures y était pris dans le sens du Livre de messe. « 

Au fond des bois, sous l’humide feuillée, — 1863 (11)

Alexandre Toupet Vieux péchés

Emma Livry

Au fond des bois, sous l’humide feuillée,
Tout gazouillait de badines chansons,
Des bruits joyeux montaient de la vallée,
Et dans leurs nids chantaient les oisillons.

Un papillon avait pris sa volée !
Sylphe rapide, il faisait sa moisson
D’un beau jardin parcourant chaque allée,
Se promenant de la fleur au buisson.

Comme une abeille, ô mutine sylphide,
Tu voltigeais, sans craindre l’avenir
Qui t’entrainait d’un sourire perfide.

Car sans songer qu’un jour tout doit finir,
Tu vins frôler une funeste flamme
Qui dans l’azur fit s’envoler ton âme

Le 15 novembre 1862, pendant une répétition sur la scène de l’Opéra, la gracieuse artiste chorégraphique, qui allait reprende le rôle de Fenella, dans La muette de Portici, s’étant imprudemment mise sur un praticable, placé près d’une herse de gaz, se vi soudainement entourée d’un réseau de flammes.

Q8  T23  déca  bi

Des dons du ciel ce beau pays comblé, — 1863 (4)

Antonio Zingaro Sonnets et autres rimes

Lucerne

Des dons du ciel ce beau pays comblé,
N’est, après tout, qu’un grand hôtel meublé!
Que Dieu nous garde, ô rêveurs, de Lucerne!
Le lac est bleu, mais la ville est bien terne.

Le Schweizerhof est peu corinthien,
Malgré son porche et sa grecque ordonnance,
Et c’est en vain que l’Hof de La Balance,
Veut se donner un air vénitien.

Les ponts, flanqués de peintures d’auberge,
Ont des Holbein couleur de jus d’asperge;
Mais dans le bourg, où l’on boit du gros vin,

L’Art a pourtant posé son pied divin,
Et Thorwaldsen a taillé dans la roche,
Un fier Lion, sans peur et sans reproche.

Q57 – T13 – déca