Archives de catégorie : octo

octosyllabe

Je ne veux pas que tu sois triste — 1945 (6)

Paul Valéry Corona & Coronilla (Ed. De Fallois, 2008)
Sonnets à Jean Voilier

Romance

Je ne veux pas que tu sois triste
Puisque tu sais que je le suis,
Ma lointaine, moi qui ne puis
Ignorer que l’amour existe

Depuis que mes jours et mes nuits
De tes yeux mirent l’améthyste
Et m’agitent cette batiste
Qui voilait ce que je poursuis …

Amèrement ma bouche avide
Baise une place que je vois :
Mes mains se perdent dans le vide

Où se perd l’ombre de ma voix …
Ö fantôme du château mien,
Ne sois pas triste : c’est mon bien.

T16  Q23 – octo

Nous avons vu la liberté — 1944 (6)

Jean Tardieu in Margeries (1986)

Sur les bords de la Seine

Nous avons vu la liberté
Sous des couleurs sans consistance:
Elle prend une autre existence
Au fond de nos cœurs déchirés!

Tout ce qui fut la Connaissance
Dans nos veines est bien resté
Et remonte à la conscience
Comme le cri de la clarté.

Je vois la Seine qui s’allonge
Et déroule autour de nos songes
Ses arbres d’or et ses palais.

Que nos regards trop lourds s’y posent
Pour trouver la lumière éclose
Aux feux d’un immortel reflet.

Q17 – T15 – octo

Ame sainte, la Charité, — 1944 (3)

Jean Cassou (Jean Noir) – 33 sonnets composés au secret

XXI

Tombeau d’Antonio Machado

Ame sainte, la Charité,
guidant les saintes de la nuit,
abonde au lieu déshonoré
que la torche en vain purifie.

Elles vont délivrer les cendres
d’un pays qui n’est plus que sable
et, vol d’oiseaux clairs, les répandre
à travers un ciel respirable.

Là tu retrouveras l’odeur
de tes profonds étés en plomb.
Il ne restera plus jamais

qu’une urne brisée de colère,
à Collioure, au pied des pierres
où pourrirent les prisonniers.

Q59 – xyd eed octo

A vous, Madame, qui voulûtes — 1937 (5)

Albert Mockel dans une  lettre

Sonnet
à Madame Boissière née Thérèse Roumanille

A vous, Madame, qui voulûtes
Ce matin ivre de soleil,
Ouïr sur mes fragiles flûtes
Un écho du chant non pareil,

J’apporte une légère page
Qui tremble encor au vent amer,
Flocon d’écume sur la plage
Déserte des voix de la mer.

Le songe est l’éternel empire
Où par le verbe qu’il expire
Règne Stéphane Mallarmé

Mais à vous les roses de Mai,
A vous dont le si jeune rire
Surprit le poète charmé .

Q59 – T10 – octo

Ils ont cherché longtemps longtemps — 1935 (2)

Charles Dupuis Au hasard de leurs mains ouvertes

Sonnet

Ils ont cherché longtemps longtemps
Au hasard de leurs mains ouvertes
La synthèse des palmes vertes

Et du bonheur dans les printemps

Ils ont cherché, toujours courant
Fuyant parfois comme on déserte
La prison des lèvres offertes

Leur quadrature de vivants

Ils ont cherché de porte en portes
Et puis des chimères sont mortes
Dont leurs âmes traînent les deuils

Et leurs coeurs sont des cimetières
Où sans croix, sans ifs, sans prières
Pourrissent d’étranges cercueils.

Q15  T15  disp 3+1+3+1+3+3 – octo

Un soir Il viendra vous surprendra — 1933 (4)

Roger Gilbert-Lecomte La Vie l’Amour le Vide et la Nuit

Un soir

Un soir Il viendra vous surprendra
Mais apprenant soudain que Il
C’est trois boules multicolores
La peur vous allume la tête

Sous le diadème de boules
Et ma colonne de mercure
Un homme se trouve si seul
Qu’il en demande ciel au ciel

Ne sachant pas encore ou plus
Que par des chemins inconnus
A cette heure monte vers lui

Annoncé par l’oiseau-tempête
Le cheval volcan de tout feu
Né du frottement des trois boules

r.exc – octo

Avec sa grande voix hâlée, — 1933 (1)

Henri-Philippe LivetChants du prisme

Avec sa grande voix hâlée,
Le matin chante dans les vergues;
Le matin rit dans les huniers
Aux mille mouettes en exergue.

Il bondit la joue en plein feu,
S’éclabousse d’azur limpide
Et jette ses deux bras à Dieu
Qui sur l’abîme se décide.

Pour les pleureuses de rosée,
Pour les pleureuses de lumière,
Il bat d’étincelles les cieux,
Bouillonne aux profondeurs perlières.

Et des semis de fleurs d’étoiles
S’effacent au doigt ineffable
Qui passe lucide et songeur

Sur les brumes aux douces nacres,
Des lagunes roses et ocres,
Où, fluide, fuit un vapeur.

3Q: abab a’b’a’b’ a »b »a »b »– T15  octo

Toi qui fends d’une habile rame — 1930 (2)

Vincent MuselliLes sonnets à Philis

L’épigramme

Toi qui fends d’une habile rame
Des flots de miel et de venin ,
Es-tu virile ou féminin,
Charmante ou charmant Epigramme?

De l’orgueil la plus forte trame,
Tu déchires d’un ongle nain,
Et tiens dans un rire bénin
Tous les poignards du mélodrame.

Tout est chez toi doute et conflit:
Si parfois ton ardeur faiblit,
C’est ta chute qui te relève:

L’on voit dans ton étroit discours
Le maître enseigné par l’élève,
La trahison portant secours.

Q15 – T14 – banv –  octo

Si le souci d’aimer me poise — 1929 (3)

Roger AllardPoésies légères

Coquelicot

Si le souci d’aimer me poise
Aux orges du prochain été
J’irai vers les bosquets hantés
Du lieu-dit « Au Goujon de l’Oise ».

L’Île de France aux yeux d’ardoise
En souriant voudra tenter
De ravir à vos cruautés
Le cœur à qui vous cherchez noise.

Mais en vain parmi les crins blonds
De cette reine des moissons
Rougira le pavot sauvage,

Pourrai-je désormais le voir
Refleurir à son avantage
Ailleurs que dans vos cheveux noirs?

Q15 – T14 – banv –  octo

O Sonnet, tes quatorze rimes, — 1929 (1)

Henri de RégnierVestigia Flammae

Frontispice

O Sonnet, tes quatorze rimes,
En leur ordre bien mesuré,
Ont je ne sais quoi de sacré
Pareil aux dépouilles opimes!

Pur joyau, honneur de nos rimes,
Ton or, avec art ajouté,
Enchâsse le reflet nacré
Des mots qu’avec soin nous polîmes.

Comme les conques de la mer
Que travaille le flot amer
Au gouffre bleu que nul ne sonde,

Tu conserves tous les échos,
O Sonnet à la vie profonde,
En tes méandres musicaux!

Q15 – T14 – banv – octo  – s sur s