Archives de catégorie : octo

octosyllabe

O crapaud, que ta nuit est belle — 1904 (1)

Léon Deubel Vers de jeunesse

O crapaud, que ta nuit est belle
Par ton art sobre et trémébond,
Et comme tu manquerais à elle
Rêveur, proscrit et vagabond!

Lazzaron des Naples lunaires,
Christ des infiniment petits,
Morne Caïn des accroupis
Chassé des marges de lumière,

Affirme ta douceur têtue
D’être angoissé qui s’évertue
Derrière un Nirvanah profond;

Moi, je m’endors à ton bruit sec,
L’âme grise, la pipe au bec,
Et le pâtis jusqu’au menton.

Q59 – T15 – octo

D’aucuns, très loin de Charenton, — 1902 (16)

Vincent Hyspa in Léon de Bercy : Montmartre et ses chansons

Sonnet Express

D’aucuns, très loin de Charenton,
Piquent d’innocents hannetons ;
D’autres ne piquent, on le sait,
Que vers, fards, renards ou veau frais.

Moi, j’ai piqué dans mon plafond
Une araignée aux doigts si longs
Que voici la pensée express
Qu’ils chatouillent pour vous exprès :

La ligne droite, dites-vous,
Est le plus court chemin d’un point
A un autre – Eh bien ! ce n’est point !

Le plus court chemin, entre nous,
Malgré sa ligne de travers,
C’est encor le Chemin de Fer.

Q1  T30  octo

Sous votre petit blanc bonnet, — 1902 (11)

F.A CazalsLe jardin des ronces

Sonnet à l’infirmière

Sous votre petit blanc bonnet,
Blanc bonnet, bonnet blanc qu’on jette
Par-dessus – sautez et tournez –
Tous les moulins de la Galette !

Vous trottez et vous trottinez,
Telle, en d’autres temps, Marinette,
Souriant à quel Gros-René
Sous votre bonnet de soubrette ?

Vous prenez un air virginal
Pour, avec un geste adorable,
Présenter, quoi donc ? l’urinal ! …

Cependant qu’un vieil incurable,
Mis en goût par son lavement,
Vous mange des yeux goulûment !

Q8  T14  octo

Que reste-t-il de la Suzette, — 1901 (6)

Charles-Adolphe Cantacuzène Sonnets en petit deuil

Suzette

Que reste-t-il de la Suzette,
Que reste-t-il de la Suzon?
Quand j’y pense, mon cher poète,
J’ai des frissons dans la raison!

Eteignons les flambeaux de fête,
Car douloureux est leur rayon
Depuis que la Suzon est cette
Noble poussière en du linon!

Mais moins m’affligerait la perte
De cette Suzannette, certe,
Si j’étais très sûr que là-bas

Où gît sa forme gracieuse,
Elle connaît, l’âme rieuse,
Le grand bonheur de n’être pas!

Q8 – T15 – octo

Et puis en somme, et malgré tout, — 1900 (12)

Camille Mauclair Le sang parle


Epilogue,     III

Et puis en somme, et malgré tout,
Que j’aie été mauvais ou fou,
Voici des vers et des pensées
Qui vous seront fruits et rosées.

Voici bien des choses blanches,
Toute lueur qui fut en moi,
Toute la source qui s’épanche,
Et mon cœur aride en fait foi.

Franchissez-vous, goûtez l’arôme,
Que votre cœur vous soit très doux!
Entendez la source qui pleure …

J’étais le verre, et voici le baume,
Le flacon est brisé, parfumez-vous,
Mon glas ne sonne pas votre heure …

Oubliez-moi, mais aimez-vous.

Q56- T36 + d –   y=x (d=a) – 15v  octo

Je ne sais pas ce que je dis, — 1900 (11)

Camille Mauclair Le sang parle

Epilogue, I

Je ne sais pas ce que je dis,
Car c’est un autre qui le dit:
Moi, vous me connaissez, mais lui seul vous connaît
Et vous mourez lorsqu’il renaît.

Je ne sais pas, mais il sait tout,
Puisqu’il est Dieu, j’ai l’air d’un fou
N’écoutez pas, puisqu’il entend,
Méprisez-moi, il me pardonne.

Tout ce que j’ai, je vous le donne,
C’est lui qui me l’avait donné:
Voici mes fleurs qui sont des fleurs,

Voici mes pleurs qui sont ses larmes,
Voici mon cœur qui vient de lui,
Prenez-moi pour l’amour de Lui.

aabb ccxd dyz uee – octo sauf vers 3

Au seul souci de voyager — 1899 (48)

Mallarmé Poésies

additions de l’éd. Deman

Au seul souci de voyager
Outre une Inde splendide et trouble
— Ce salut soit le messager
Du temps, cap que ta poupe double

Comme sur quelque vergue bas
Plongeante avec la caravelle
Ecumait toujours en ébats
Un oiseau d’annonce nouvelle

Qui criait monotonement
Sans que la barre ne varie
Un inutile gisement
Nuit, désespoir et pierrerie

Par son chant reflété jusqu’au
Sourire du pâle Vasco.

shmall – octo

Toute Aurore même gourde — 1899 (47)

Mallarmé Poésies

additions de l’éd. Deman

Hommage

Toute Aurore même gourde
A crisper un point obscur
Contre des clairons d’azur
Embouchés par cette sourde

A le pâtre avec la gourde
Jointe au bâton frappant dur
Le long de son pas futur
Tant que la source ample sourde

Par avance ainsi tu vis
O solitaire Puvis
De Chavannes jamais seul

De conduire le temps boire
A la nymphe sans linceul
Que lui découvre ta Gloire

Q15 – T14 – banv –  octo

A la nue accablante tu — 1899 (45)

Mallarmé Poésies

A la nue accablante tu
Basse de basalte et de laves
A même les échos esclaves
Par une trompe sans vertu

Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume, mais y baves)
Suprême une entre les épaves
Abolit le mat dévêtu

Ou cela que furibond faute
De quelque perdition haute
Tout l’abîme vain éployé

Dans le si blanc cheveu qui traîne
Avarement aura noyé
Le flanc enfant d’une sirène

Q15 – T14 – banv – octo

M’introduire dans ton histoire — 1899 (44)

Mallarmé Poésies

M’introduire dans ton histoire
C’est en héros effarouché
S’il a du talon nu touché
Quelque gazon de territoire

A des glaciers attentatoire
Je ne sais le naïf péché
Que tu n’auras pas empêché
De rire très haut sa victoire

Dis si je ne suis pas joyeux
Tonnerre et rubis aux moyeux
De voir en l’air que ce feu troue

Avec des royaumes épars
Comme mourir pourpre la roue
Du seul vespéral de mes chars

Q15 – T14 – banv – octo