Archives de catégorie : octo

octosyllabe

Quelle soie aux baumes de temps — 1899 (43)

Mallarmé Poésies

Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s’exténue
Vaut la torse et native nue
Que hors de ton miroir, tu tends!

Les trous de drapeaux méditants
S’exaltent dans notre avenue:
Moi, j’ai ta chevelure nue
Pour enfouir mes yeux contents.

Non! La bouche ne sera sûre
De rien goûter à sa morsure,
S’il ne fait, ton princier amant,

Dans la considérable touffe
Expirer, comme un diamant,
Le cri des Gloires qu’il étouffe.

Q15 – T14 – banv – octo

Une dentelle s’abolit — 1899 (42)

Mallarmé Poésies

III

Une dentelle s’abolit
Dans le doute du jeu suprême
A n’entr’ouvrir comme un blasphème
Qu’absence éternelle de lit.

Cet unanime et blanc conflit
D’un dentelle avec la même
Enfui contre la vitre blême
Flotte plus qu’il n’ensevelit.

Mais cher qui du rêve se dore
Tristement dort une mandore
Au creux néant musicien

Telle que vers quelque fenêtre
Selon nul ventre que le sien,
Filial on aurait pu naître.

Q15 – T14 – banv – octo

Surgi de la croupe et du bond — 1899 (41)

Mallarmé Poésies

II

Surgi de la croupe et du bond
D’une verrerie éphémère
Sans fleurir la veillée amère
Le col ignoré s’interrompt.

Je crois bien que deux bouches n’ont
Bu, ni son amant ni ma mère,
Jamais à la même Chimère,
Moi, sylphe de ce froid plafond!

Le pur vase d’aucun breuvage
Que l’inexhaustible veuvage
Agonise mais ne consent,

Naïf baiser des plus funèbres!
A rien n’expirer annonçant
Une rose dans les ténèbres.

Q15 – T14 – banv – octo

Tout orgueil fume-t-il du soir — 1899 (40)

Mallarmé Poésies

I

Tout orgueil fume-t-il du soir
Torche dans un branle étouffée
Sans que l’immortelle bouffée
Ne puisse à l’abandon surseoir!

La chambre ancienne de l’hoir
De maint riche mais chu trophée
Ne serait pas même chauffée
S’il survenait par le couloir.

Affres du passé nécessaires
Agrippant comme avec des serres
Le sépulcre du désaveu,

Sous un marbre lourd qu’elle isole
Ne s’allume pas d’autre feu
Que la fulgurante console.

Q15 – T14 – banv – octo

Pas les rafales à propos — 1899 (29)

Mallarmé Poésies

Billet

Pas les rafales à propos
De rien comme occuper la rue
Sujette au noir vol de chapeaux;
Mais une danseuse apparue

Tourbillon de mousseline ou
Fureur éparses en écume
Que soulève par son genou
Celle même dont nous vécûmes

Pour tout, hormis lui, rebattu
Spirituelle, ivre, immobile
Foudroyer avec le tutu,
Sans se faire autrement de bile

Sinon rieur que puisse l’air
De sa jupe éventer Whistler.

shmall – octo

Tout à coup et comme par jeu — 1899 (25)

Mallarmé Poésies

Feuillet d’album

Tout à coup et comme par jeu
Mademoiselle qui voulûtes
Ouïr se révéler un peu
Le bois de mes diverses flutes

Il me semble que cet essai
Tenté devant un paysage
A du bon quand je le cessai
Pour vous regarder au visage

Oui ce vain souffle que j’exclus
Jusqu’à la dernière limite
Selon mes quelques doigts perclus
Manque de moyens s’il imite

Votre très naturel et clair
Rire d’enfant qui charme l’air

shmall – octo

Rien, cette écume, vierge vers — 1899 (16)

Mallarmé Poésies

Salut

Rien, cette écume, vierge vers
A ne désigner que la coupe;
Telle loin se noie une troupe
De sirènes mainte à l’envers.

Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l’avant fastueux qui coupe
Le flôt de foudres et d’hivers;

Une ivresse belle m’engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut

Solitude, récif, étoile
A n’importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.

Q15 – T14 – banv –  octo

Pendant que les forts et les sages — 1899 (14)

Henri Becque in La plume

Pendant que les forts et les sages
Comptent, trafiquent, font leur prix,
Acceptent tous les esclavages,
Acceptent tous les compromis :

D’autres trop las pour tant de peine
Et qui demeurent des témoins
Contemplent la mêlée humaine
En riant dans les petits coins.

Parfois des tristesses les prennent,
Ils regrettent et se souviennent
De grands projets évanouis.

Ce sont des faiseurs de volumes,
Ils sont légers comme des plumes,
Ils sont profonds comme des puits.

Q59  T15  octo

Pour oublier la vie et ses — 1899 (8)

Léopold DauphinCouleur du temps

Miousic
à Georges Auriol

Pour oublier la vie et ses
Leurres, les plumes que nous prîmes
Exerçons-les en des essais
Où s’entrelaceront nos rimes.

Ce nous vaudra mieux que d’aller
Au café casser du fort sucre ,
Ou, sur les chemins, pédaler,
A pneu-que-veux-tu, vers le lucre.

Lorsqu’au bout de nos vers le vol
Papillonnant des rimes vierges
Se pose, il n’est plaisir plus fol,
Et nous lui devons de beaux cierges.

Lyrique et funambule ami,
Accordons-nous: ut, sol, la, mi.

shmall – octo

Comme au bonhomme La Fontaine, — 1898 (21)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Pourquoi des sonnets

Comme au bonhomme La Fontaine,
Les longs ouvrages me font peur :
A mon esprit de courte haleine
Convient un facile labeur.

Pourtant je ne crains pas la peine,
Et je ne suis pas sans ardeur ;
Mais de la source d’Hippocrène
Par gouttes ne vient la liqueur.

Non plus qu’à nos anciens trouvères,
Il ne me faut pas de grands verres
Pour trinquer avec Apollon.

Du Sonnet la faible mesure
Suffit pour rendre mon allure
Titubante au sacré vallon.

(A. Boursault)

Q8 T15 octo  s sur s