Archives de catégorie : Mètre

La neige de sa fleur splendide — 1910 (6)

Paterne Berrichon Poèmes décadents 1883-1895

Vierge slave

La neige de sa fleur splendide
N’est-ce que d’elle pur j’élus,
Mais bien ses regards résolus.
Je fus, un temps sous son égide.

Son front de sagesse candide
Gardant maint pli de livres lus,
Ce sans plus fut à quoi je plus.
Son cœur me demeura frigide.

Elle venait du Nord, d’un nord
Où, livides, les ours de mort
Tachent la blancheur des campagnes.

Ses vœux, steppes de chasteté,
Loin du potager des compagnes,
N’allaient qu’en abstraite bonté.

Q15 – T14 – banv – octo

Musique aux lèvres de l’épouse: — 1909 (4)

Léon Deubel L’arbre et la rose

Eté

Musique aux lèvres de l’épouse:
Les mots tremblent de volupté.
Fin de Juillet! la nymphe Eté
Râle d’amour sur les pelouses.

Oh! dans mes mains, mes mains jalouses,
Mes doigts par ses doigts invités,
Sentir avec suavité
Ses seins ériger leurs arbouses.

Sentir nos chairs évanouies,
Jointes, parmi les inouïes
Clameurs d’un enfer épié,

S’abîmer, quand le ciel dispose
– Coussin frangé d’or à nos pieds –
Un soir enluminé de roses.

Q15 – T14 – octo

Le chemin qui mène aux étoiles — 1908 (8)

Guillaume Apollinaire in La Phalange

Pipe

Le chemin qui mène aux étoiles
Est pur sans ombre et sans clarté
J’ai marché mais nul geste pâle
N’atténuait la voie lactée

Souvent pour nouer leurs sandales
Ou pour cueillir des fleurs athées
Loin des vérités sidérales
Ceux de ma troupe s’arrêtaient

Et des chœurs porphyrogénètes
S’agenouillaient ingénument
C’étaient des saints et des poètes

Egarés dans le firmament
J’étais guidé par la chouette
Et n’ai fait aucun mouvement

Q8  T20  octo

Dès longtemps, sur le luth, j’exerce — 1908 (6)

Emmanuel Signoret Poésies complètes


Invocation

Dès longtemps, sur le luth, j’exerce
Mes doigts, sur tous, les mieux instruits:
Qu’une nouvelle mer me berce
Sur des vaisseaux par moi construits.

Ma hache brillante renverse
Un pin couronné de ses fruits,
Qui coupe le ciel et qui verse
Des torrents d’ombres et de bruits.

Qu’en ses flancs je taille ma barque!
Après Ronsard, après Pétrarque,
Légers sonnets, emportez-moi!

Jusqu’à ce qu’en l’or des trompettes,
Faisant trembler les cieux d’effroi,
Ma bouche souffle des tempêtes!

Q8  T14  octo  s sur s

En l’église, où ne s’allume — 1908 (2)

André Fontainas Le jardin des îles claires – La nef désemparée

Pour Stéphane Mallarmé

HOMMAGE

En l’église, où ne s’allume
Qu’une étoile taciturne,
Le myrrhe fade de l’urne
Et, sous l’angoissante brume,

Surgit du sol qu’elle évite:
Tel, secret et pur, s’élève
Vers le Ciel perdu le rêve
D’un sacrilège lévite.

Joie et désir de mon songe
Epris d’air lointain et d’astres
Mon orgueil fuit maints désastres
Pour des nuits où se prolonge

Le rayon d’extase vers
Le bel azur de vos vers!

Q63  T30 – 7s – disp du précédent : shmall*

De toi seul fils et l’aïeul — 1908 (1)

André Fontainas Le jardin des îles claires – La nef désemparée

A O.G.D.

De toi seul fils et l’aïeul
Naît aux portiques du rêve
Le guerrier de qui le glaive
Soit le simple et clair glaïeul.

En ses doigts tige qu’isole
D’un geste las son dédain
Il t’a prise à quel jardin
De Spolète ou de Fiesole,

Pour, ce héros puéril
Surgi d’un lointain de l’âme,
Abdiquer la fleur de flamme
Aux futurs pourpris d’avril

Où des roses seront fières
D’être des roses-trémières.

Q63  T30 – 7s – shmall* : Disposition semblable à celle de Mallarmé (‘schmall’), mais en quatrains à rimes embrassées

Depuis que le duc son mari — 1905 (6)

Willy Anches et embouchures

La mandoline

Depuis que le duc son mari
Est au loin parti pour la guerre,
Dona Linda ne quitte guère
Le balcon de jasmins fleuri.

Ce soir, en le parc assombri
Mais que parfois la lune éclaire,
Un mandoliniste accélère
Son libidineux pot-pourri.

Dans la pénombre intermittente,
Linda, lascive et palpitante,
Du joueur contemple les mains.

Et, soudain folle, elle s’incline,
Délirant parmi les jasmins :
« Je veux être une mandoline ».

Q15 – T14 – banv – octo

J’admire, en mes beaux projets d’art, — 1905 (3)

Léon Duvauchel Poésies

Le sonnet

J’admire, en mes beaux projets d’art,
Ce moule parfait de l’idée:
Coupe élégamment évidée
Dans laquelle buvait Ronsard.

Parfois, payé par le regard
D’un démon, peut-être Asmodée?
L’âme de désirs excédée
J’y brûlai l’encens et le nard.

Larmes, baisers, douleur ou joie,
Ceux qu’on rebute et ceux qu’on choie
Y versent le sang de leur cœur.

Qu’exige-t-il de qui l’inspire,
Et veut épuiser sa liqueur? ….
A peine le temps d’un sourire.

Q15 – T14 – banv – octo – s sur s