Archives de catégorie : Mètre

Pour que Freia t’exauce, ô païenne! — 1891 (5)

Pierre LouÿsLe Trophée des Vulves légendaires

Ortrude

Pour que Freia t’exauce, ô païenne!
Tu l’as vaincue en lubricité,
Suçeuse au gland d’un cheval mâté
Tribade avec la chair de ta chienne;

Ta soeur t’a léchée en vomissant,
Tes enfants au berceau t’ont connue,
Ta fille a livré sa fente nue
A ta langue, et tu l’as mise en sang:

Et tes doigts mis dans ta vulve interne,
De ton sexe ont fait une caverne
Enorme pour un rut d’étalon

Et cependant Elsa vit encore,
Et de son ongle écaille à l’aurore
Des croutes de sperme au ventre blond.

Q63 – T14 – 9s

Ils te croyaient pure, Elizabeth! — 1891 (4)

Pierre LouÿsLe Trophée des Vulves légendaires – neuf sonnets sur les héroïnes de Wagner rêvés au pied du Vénusberg en août 1891.

Elizabeth

Ils te croyaient pure, Elizabeth!
Ils t’appellaient sainte, immaculée!
Mais tu riais d’eux, grande enculée,
Quand Tanhauser au lit t’enjambait;

Il n’hésitait, pour vivre sa vie,
Qu’entre le trou noir de ton anus
Et la vulve en chaleur de Vénus,
Mais tu l’étreignais, inassouvie.

Furieuse au hasard des coussins,
Refoulant son ventre avec tes seins
Tu fis pour lui ta bouche ordurière;

Et lui tendais l’horreur de ton cul
Tu le sentis foutre par derrière,
Et tu portais le corps du vaincu.

Q63 – T14 – 9s

Encor vréman, bon Duvignô, — 1891 (1)

Le Chat Noir

Verlaine

A A. Duvigneaux
Trop fougueux adversaire de l’orthographe phonétique

Encor vréman, bon Duvignô,
Vou zôci dou ke lé zagnô
E meïeur ke le pin con manj,
Vou metr’ en ce courou zétranj

Contr(e) ce tâ de brav(e) jan
O fon plus bête ke méchan
Drapan leur linguistic étic
Dans l’ortograf(e) fonétic?

Kel ir(e) donc vous zambala?
Vizavi de cé zoizola
Sufi d’une parole verd(e).

Et pour leur prouvé sans déba
Kil é dé mo ke n’atin pa
Leur sistem(e), dizon-leur: ….

Q55 – T6 -octo

Artiste, toi, jusqu’au fantastique, — 1890 (33)

Verlaine Dédicaces

A Charles de Sivry

Artiste, toi, jusqu’au fantastique,
Poète, moi, jusqu’à la bêtise,
Nous voilà, la barbe à moitié grise,
Moi fou de vers et toi de musique.

Nous voilà, non sans quelques travaux,
Riches, moi de l’eau de l’Hippocrene,
Quand toi des chansons de la Sirène,
Mûrs pour la gloire et ses échafauds.

Bah ! nous aurons eu notre plaisir
Qui n’est pas celui de tout le monde
Et le loisir de notre désir.

Aussi bénissons la paix profonde
Qu’à défaut d’un trésor moins subtil
Nous donnèrent ces ainsi soit-il.

aaaa  b’a’a’b’ T23  9s

Minet te guette, cher petit, — 1890 (24)

– « Black » in L’Aurore

Anagramme-sonnet

Minet te guette, cher petit,
Gare-toi de son vol rapide ;
Crois-moi, ne fais pas l’intrépide
Pour contenter son appétit.

Sur toi son œil s’appesantit ;
Il trompe, son regard stupide …
Vois du gourmand la gueule avide
Qui t’enserre et qui t’engloutit ! –

Lentement je vais à la fosse,
Moi qu’on nommait un sacerdoce
Et qui ne suis qu’un vil métier !

Le peintre vend .. de la céruse ;
Et le poète vend … sa muse …
C’est à qui sera le moins fier !

Q15  T14  octo

Les Andains tour à tour sous la Faux — 1890 (20)

Karl Boès in L’ermitage

Rêve d’été

Les Andains tour à tour sous la Faux
Se couchaient, blonds et mélancoliques
Et l’Aoûteux prenait des airs bibliques
Avec ses tours de bras triomphaux.

Au fil d’un rythme lent jamais faux,
Les Epis tombaient et, symboliques,
Semblaient pleurer de tendres Suppliques –
Tels nos Cœurs sous vos pieds, ô Saphos !

Car le Champ est à vous, Moissonneuses,
Tout à vous, adorables Haineuses ! ..
Par un Couchant d’un fier Coloris,

Creusez rythmiquement la Blessure,
Et puissent nos Cœurs endoloris
Mourir, comme les Blés, en Mesure … ?

Q15  T14 – banv –   9s.

En cette lumière apâlie — 1890 (10)

Julien Mauveaux Les dolents – sonnets décadents

Sonnet exital

En cette lumière apâlie
où s’adoucit l’attrait de l’heure,
s’endort et dort comme en un leurre
mon rêve de mélancolie.

Ame falote d’Ophélie,
pauvre âme mienne qui la pleure,
il faut subir qu’un ciel enfleure
l’ultime rameau d’ancolie.

rien d’immanent que le réel,
le rêve lui-même est formel,
fait d’intangible encor blessant.

Nous mourons du vague adulé,
et dans la coupe de Thulé,
nous buvons notre triste sang!

Q15 – T15 – octo – enfleure : H.N (Disparus du Littré) a l’adjectif ‘enfleuri’ mais pas le verbe

Le prêtre en chasuble énorme d’or jusques aux pieds — 1890 (7)

Paul VerlaineDédicaces

Laurent Tailhade

Le prêtre en chasuble énorme d’or jusques aux pieds
Avec un long pan d’aube en guipures sur les degrés;
Le diacre et le sous-diacre aux dalmatiques chamarrées
D’orerie et de perle à quelque Eldorado pillées;

Le Sang Réel par Qui toutes fautes sont expiées,
Dans un calice clair comme des flammes mordorées;
L’autel tout fuselé sous six cierges démesurés,
Et ces troublants Agnus Dei qu’on dirait pépiés;

Et ces enfants de choeur plus beaux que rien qui soit au monde,
Leurs soutanettes écarlates, leurs surplis jolis,
Et les lourds encensoirs bercés de leurs mains appalies;

Cependant que, poète au front royal sur tout haut front,
Laurent Tailhade, tel jadis Bivar, Sanche et Gomez,
Erect, et beau chrétien, et beau cavalier, suit la messe.

aaa*a* a*a*aa c*dd* cee* – 14s – Le vers 1 n’a que treize syllabes dans l’ed.Pléiade