Archives de catégorie : Mètre

Pour y brûler un grain d’ambre ou d’encens — 1882 (15)

Eugène Manuel En voyage

Cassolette
Vieux sonnet

Pour y brûler un grain d’ambre ou d’encens
Gentil sonnet est une cassolette :
Nous y mettrons innocente amourette
Regrets tardifs ou bien désirs naissants.

Tels du soleil les feux ébouissants
Sont réfléchis même en la gouttelette,
Telle, en un bois, la simple violette
Sous les buissons, se trahit aux passants.

Plus fort parfum n’irait à sa mesure !
Quant à railler sa fine ciselure,
C’est blâmer fleurs en un petit terrain,

Dessins légers sur une broderie,
Joyaux mignons pour la galanterie :
Orfèvre suis, et non fondeur d’airain !

Q15  T15  octo  s sur s

Léandre amoureux qui recourt — 1882 (12)

Antoine Cros Les belles heures

Sonnet-chanson

Léandre amoureux qui recourt
A Rosine, blanche et fleurie,
Doit-il, pour son amour qui crie,
Choisir le chemin le plus court ?

Voit-on l’Archer-dieu, qui parcourt
L’Azur d’Aurore en Hespérie,
Montant son char d’orfèvrerie,
Choisir le chemin le plus court ?

Pour vous conquérir, fleurs sacrées,
Toisons d’or de loin désirées,
Lyre, sagesse, clair flambeau,

Pour vous cueillir, ô palmes vertes,
Par la Gloire sereine offertes,
Suivons le chemin le plus beau !

Q15  T15  octo  –  v.4=v.8

Des nuits du blond et de la brune — 1882 (2)

Gardéniac?

Poison perdu

Des nuits du blond et de la brune
Pas un souvenir n’est resté
Pas une dentelle d’été,
Pas une cravate commune;

Et sur le balcon où le thé
Se prend aux heures de la lune
Il n’est resté de trace, aucune,
Pas un souvenir n’est resté.

Seule au coin d’un rideau piquée,
Brille une épingle à tête d’or
Comme un gros insecte qui dort.

Pointe d’un fin poison trempée,
Je te prends, sois-moi préparée
Aux heures des désirs de mort.

Q10 – T27 – octo Les rimes des tercets sont non classiques (or/ort et –ée sans appui) – Le mot ‘resté’ est deux fois à la rime

Ce beau sonnet, paru sous pseudonyme, est attribué soit à Rimbaud soit (plus généralement) à Germain Nouveau. Les critiques ont sans doute raison. On peut cependant lui reconnaître, dans le ton, plutôt une parenté avec Charles Cros (‘Et quelle morale? aucune ‘(Liberté)). Cependant l’irrégularité des rimes conduit plutôt à éliminer tous ces noms.

Quand j’entrerai parmi les morts, — 1881 (10)

Paul Marrot Le chemin du rire

Le paradis du poète

Quand j’entrerai parmi les morts,
Je veux, par testament fantasque,
Que l’on fasse un tambour de basque
En tannant la peau de mon corps.

Le tambour conduira la danse,
Il fera d’harmonieux bruits,
Et moi je serai gai; je suis
Un vieil ami de la cadence.

Tous mes destins seront pareils:
Vivant, mon âme était chantante;
Mort, ma peau sera bourdonnante.

Et j’attendrai les grands réveils
Plein des mêmes inquiétudes,
Et sans changer mes habitudes.

Q63 – T30 – octo

Blanchisseuse aux robustes hanches, — 1881 (9)

A. GillLa muse à bibi

Pour la blanchisseuse

Blanchisseuse aux robustes hanches,
Quand avril, sur le ciel léger,
Fait les nuages voltiger,
En délicates avalanches,

J’imagine les choses blanches
Qu’après la lessive, au verger,
Les petites mains font neiger
Sur les cordes et sur les branches,

Et que jaloux de copier
Jusqu’aux détails de son métier,
Fille exquise, le ciel te singe;

Et je songe en riant: parbleu!
Voici qu’aux bords du pays bleu
Les anges font sécher leur linge.

Q15 – T15 – octo

‘Triboulet est un vrai Fol — 1881 (8)

Anatole de MontaiglonSonnets tirés de Rabelais

XLVIII – (Livre III cap. 38)

‘Triboulet est un vrai Fol
– Grimault – A la marrabaise –
– A toudie – A la grandlaise –
-De perspective – A licol –

– D’ut,ré,mi, fa, si, la, sol
– D’architreve – De cymaise
– A chaperon – De fournaise
– De béquarre – de bémol –

– Culinaire – Conclaviste –
– Modal – Marmiteur – Sommiste –
– Bigearre – A double rebras

– Collatéral – A sonnettes
– De mère-goutte – A pompettes;
– Il est fol à cent carats  »

Q15 – T15 – 7s

La tristesse, la langueur du corps humain — 1881 (6)

Paul VerlaineSagesse

La tristesse, la langueur du corps humain
M’attendrissent, me fléchissent, m’apitoient,
Ah! surtout quand des sommeils noirs le foudroient,
Quand des draps zèbrent la peau, foulent la main!

Et que mièvre dans la fièvre du demain,
Tiède encor du bain de sueur qui décroît,
Comme un oiseau que grelotte sur un toit!
Et les pieds, toujours douloureux du chemin,

Et le sein, marqué d’un double coup de poing,
Et la bouche, une blessure rouge encor,
Et la chair frémissante, frêle décor,

Et les yeux, les pauvres yeux si beaux où point
La douleur de voir encore du fini!
Triste corps! combien faible et combien puni!

Q15 – T30 – 11s – Rimes masculines sur mètre rare

Le son du cor s’afflige vers les bois — 1881 (5)

Paul VerlaineSagesse

Le son du cor s’afflige vers les bois
D’une douleur qu’on veut croire orpheline
Qui vient mourir au bas de la colline
Parmi la brise errant en courts abois.

L’âme du loup pleure dans cette voix
Qui monte avec le soleil qui décline
D’une agonie on veut croire câline
Et qui ravit et qui navre à la fois.

Pour faire mieux cette plainte assoupie
La neige tombe à longs traits de charpie
A travers le couchant sanguinolent,

Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne,
Tant il fait doux par ce soir monotone,
Où se dorlote un paysage lent.

Q15 – T15 – déca