Archives de catégorie : 1-fem

sonnets à première rime féminine (Malherbe)

Lorsque dans ma route isolée — 1848 (5)

Eugène Debons Chants d’amour

Lorsque dans ma route isolée
Ton regard vient, plein de douceur,
Me montrer la voûte étoilée
Où s’élance mon cœur ;

Tel, se glissant, dans la vallée,
Un joyeux rayon de chaleur
Rend à la fleur étiolée
La vie et le bonheur.

Quand ton sourire, après l’orage,
Dissipe le sombre nuage
Qui me voilait les cieux ;

O blanche étoile de mon âme !
Qu’il m’est doux, guidé par ta flamme,
De baiser tes beaux yeux !

Q8  T15  2m

Vous qui lisez mes vers, et, d’une oreille sage, — 1848 (2)

Camille Esménard du MazetPoésies de Pétrarque

1

Vous qui lisez mes vers, et, d’une oreille sage,
Ecoutez les soupirs dont j’ai nourri mon coeur,
Rappelez-vous qu’alors j’étais dans le jeune âge,
Que je suis revenu de ma trop douce erreur.

Du trouble à la raison, des pleurs à l’espérance,
Si d’un style inégal je passe tour à tour,
Sûr d’être pardonné, j’invoque l’indulgence
De ceux qui parmi vous aurons connu l’amour.

Je sais bien qu’aujourd’hui que le regret m’accable,
Pourquoi du monde entier je fus long-temps la fable:
Oui, je le sais, de moi je n’ai plus qu’à rougir.

Je reconnais encore, après tant de folie,
Que tout ce qui nous plaît et charme notre vie
Est un songe trompeur qu’un instant voit finir.

Q59 – T15 –  (Pétrarque, rvf 1)

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes, — 1847 (6)

Gabriel Monavon Jeunes fleurs

Un baiser

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes,
J’osai ravir au sein de la beauté,
Riant larçin, trésor de volupté,
Dont les périls ont redoublé les charmes.

A tes élans, pour opposer des armes,
La crainte en vain s’unit à la fierté,
Tu sus t’ouvrir un passage enchanté,
Et la pudeur t’a pardonné ses larmes.

O doux baiser ! tendre espoir d’un amant,
Sois le prélude et le gage charmant
Des biens promis à ma flamme discrète.

Sur ce beau sein que tu pris en vainqueur,
Laisse à jamais ton empreinte secrète,
Et sois le sceau des mystères du cœur.

Q15  T14  déca – banv

Dans ces élans de ma tendresse — 1847 (5)

dr. Alexandre Delainne Hommage lyrique aux sciences naturelles

A toi

Dans ces élans de ma tendresse
Lorsque mon cœur bat près de toi,
D’où vient mon indicible ivresse ?
Oh ! si tu le sais, dis-le moi !

Mon âme qui n’est plus maîtresse
De ses transports, de son émoi,
Vers la tienne vole, s’empresse
Et veut s’y confondre … pourquoi ?

C’est que du ciel l’ordre inflexible
Par ses lois, de l’être sensible
Veut aussi charmer le séjour.

Et l’attraction si féconde,
Ce sublime pivot du monde,
Entre nous deux s’appelle … amour !

Q8  T15  octo

Oh ! mes jeunes amours, qu’êtes-vous devenues, — 1847 (4)

Charles Brainne Premières armes

A Madame A.M.

Oh ! mes jeunes amours, qu’êtes-vous devenues,
Vous que j’aurais voulu garder comme un trésor ;
L’instant où je croyais toucher du front les nues,
Et m’élever au ciel par un magique essor.

Accents mélodieux, extases inconnues
Qu’un ange soupirait sur une harpe d’or,
Harmonieux essaim de beautés toutes nues
Qui devant moi passiez et repassiez encor.

Ah ! revenez à moi, revenez, doux mensonges,
Qui voltigiez la nuit sur les ailes des songes,
Revenez endormir mes yeux mouillés de pleurs.

Rendez-moi, par pitié de ma longue souffrance,
Un peu de joie, au prix d’un siècle de douleurs,
Pour tous mes souvenirs une seule espérance.

Q8  T14

Quel caprice vivant qu’Alice! — 1847 (3)

Charles Hugo in Album d’Alice Ozy

Quel caprice vivant qu’Alice!
Par caprice elle eut pour amant
Un prince. On ne sait pas comment
Elle le quitta. – Par caprice!

L’éclat n’a rien qui l’éblouisse.
Elle préfère à tout moment
L’humble fleur au fin diamant,
Du beau rayon le pur calice.

Aujourd’hui sans savoir pourquoi,
Par caprice elle m’aime, moi! –
Par caprice, elle m’est fidèle.

Je ne connais dans ses amours
Qu’un caprice qu’elle a toujours:
C’est le caprice d’être belle.

Q15 – T15 – octo  Un des poèmes écrits par un des fils de Victor Hugo, rival (malheureux) de son père pour les faveurs de la belle Alice Ozy .

Amazone aux reins forts, solide centauresse, — 1847 (2)

Théodore de Banville Le sang de la coupe

Amazone nue

Amazone aux reins forts, solide centauresse,
Tu tiens par les cheveux, sans mors et sans lien,
Ton cheval de Titan, monstre thessalien;
Ta cuisse avec fureur le dompte et le caresse.

On voit voler au vent sa crinière et sa tresse.
Le superbe coursier t’obéit comme un chien,
Et rien n’arrêterait dans son calme païen
Ton corps, bâti de rocs comme une forteresse.

Franchissant d’un seul bond les antres effrayés,
Vous frappez du sabot, dans les bois non frayés,
Les pâtres chevelus et les troupeaux qui bêlent.

Toi, Nymphe, sans tunique, et ton cheval sans mors,
Vos flancs restent collés et vos croupes se mêlent,
Solide centauresse, amazone aux reins forts!

Q15 – T14 – banv

Ni dans les cieux étoiles voyageuses, — 1847 (1)

Emma Méhul Cent cinquante sonnets … traduits… de Pétrarque

Ni dans les cieux étoiles voyageuses,
Ni dans les champs beaux et fiers étrangers,
Ni dans les bois faons joyeux et légers,
Ni sur les mers voiles blanches nombreuses;

Ni d’un bien cher des nouvelles heureuses,
Ni de l’amour les discours mensongers
Ni dans les près ou sous les orangers
Douces chansons de femmes vertueuses;

Ni rien jamais ne touchera mon coeur,
Tant a su bien sous sa pierre avec elle
L’ensevelir, ma clarté, mon miroir.

Pour moi la vie est un poids de douleur:
Je veux mourir afin de revoir celle
Qu’il eût valu beaucoup mieux ne pas voir.

Q15 – T36 – déca – rvf  Traduction du sonnet 312 ( ‘Né per sereno ciel ir vaghe stelle« ) de Pétrarque qui respecte (chose rarissime) la disposition des rimes de l’original (ce qui implique aux vers 11-12 une violation de la règle d’alternance)

Au beau cauchois, la plus humble chaumière, — 1846 (11)

Victor Fleury, secrétaire de la mairie d’Ingouville Lointains

Sonnet

Au beau cauchois, la plus humble chaumière,
Sur son toit vert de mousse a des Iris d’azur,
Et sa vigne, accrochée à des clous sur les murs,
Pour jeter l’ombre au seuil inondé de lumière ;

Quelques poules, un coq, dont la voix la première
Salue à l’orient le jour encore obscur ;
Une mare dormante, ou bien un ruisseau pur,
Ou vient souvent puiser une fraîche fermière.

Et, devant la masure, un jardin, où les fleurs
– Doux emblêmes laissés comme choses fertiles, –
Ne poussent qu’au hasard parmi les biens utiles.

Une haie, en été, la défend des chaleurs,
Et les sureaux touffus, et la blanche aubépine
Y neigent, vers le soir, au vent de la colline.

Q15  T30

Avignon, tu charmais les jours de mon enfance, — 1846 (10)

Philippe d’Arbaud-Jouques Idylles antiques et sonnets

XII

Avignon, tu charmais les jours de mon enfance,
Quand d’une aïeule, heureux, je revoyais le seuil,
Et le Rhône flattait des bruits de son écueil,
Par sa mère conduit, l’enfant de la Durance.

Aujourd’hui, dans tes murs, étranger je m’avance,
Car ses remparts ont vu mon aïeule au cercueil,
Hélas ! depuis ce jour ton différent accueil
Glace en moi du passé la douce souvenance.

Bel âge, où, de la vie hôtes encor nouveaux,
Entre-voyant ses biens, nous ignorons ses maux !
Partout d’un jour serein je croyais voir l’aurore.

N’avez-vous plus, beaux lieux auxquels j’ai tant songé ,
Ce charme ? …. quel séjour me l’offrirait encore ?
L’illusion n’est plus, et le monde est changé.

Q15  T14 – banv