Archives de catégorie : Genre des rimes

Je ne veux pas savoir le nombre d’hématies — 1884 (15)

– coll. Le Parnasse Hippocratique

– G.Camuset

Chlorose – Sonnet médical

Je ne veux pas savoir le nombre d’hématies
Que la chlorose avare a laissé dans ton sang;
Je ne veux pas compter sur ton front languissant
Les pétales restés à tes roses transies.
Pauvre enfant! le nerf vague aux mille fantaisies
Donne seul à ton coeur son rythme bondissant;
Seul il rougit parfois ton visage innocent
De l’éclat sans chaleur des pudeurs cramoisies.
Pour la dompter, veux-tu connaître un moyen sûr?
N’épuises plus en vain les sources martiales,
Mais laisse-toi conduire aux choses nuptiales.
Au soleil de l’amour ouvre tes yeux d’azur,
Suis la loi; deviens femme, et qu’en ton sein expire
Dans les blancheurs du lait, la pâleur de la cire.

Q15 – T30 – sns

La chambre, as-tu gardé leurs spectres ridicules, — 1884 (14)

Paul VerlaineJadis et Naguère

Le Poète et la Muse

La chambre, as-tu gardé leurs spectres ridicules,
O pleine de jour sale et de bruits d’araignées?
La chambre, as-tu gardé leurs formes désignées
Par ces crasses aux murs et par quelles virgules?

Ah fi! Pourtant, chambre en garni qui te recules
En ce sec jeu d’optique aux mines renfrognées
Du souvenir de trop de choses destinées
Comme ils ont donc regret aux nuits, aux nuits d’Hercules?

Qu’on l’entende comme on voudra, ce n’est pas ça:
Vous ne comprenez rien aux choses, bonnes gens.
Je vous dis que ce n’est pas ce que l’on pensa.

Seule, ô chambre qui fuis en cônes affligeants
Seule, tu sais! mais sans doute combien de nuits
De noce auront dévirginé leurs nuits depuis!

Q15 – T23 – Quatrains en rimes féminines, tercets en rimes masculines

Les choses qui chantent dans la tête — 1884 (13)

Paul VerlaineJadis et Naguère

Vendanges
A Georges Rall

Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Ecoutez! c’est notre sang qui chante…
O musique lointaine et discrète!

Ecoutez! c’est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s’est enfuie
D’une voix jusqu’alors inouïe
Et qui va se taire tout à l’heure.

Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c’est l’apothéose!

Chantez, pleurez! Chassez la mémoire
Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres.

Q63 – T23 – 9s – Rimes toutes féminines

Ce soir je m’étais penché sur ton sommeil. — 1884 (12)

Paul VerlaineJadis et Naguère

Vers pour être calomnié
A Charles Vignier

Ce soir je m’étais penché sur ton sommeil.
Tout ton corps dormait chaste sur l’humble lit,
Et j’ai vu, comme un qui s’applique et qui lit,
Ah! j’ai vu que tout est vain sous le soleil!

Qu’on vive, ô quelle délicate merveille,
Tant notre appareil est une fleur qui plie!
O pensée aboutissant à la folie!
Va, pauvre, dors, moi, l’effroi pour toi m’éveille.

Ah! misère de t’aimer, mon frêle amour
Qui va respirant comme on respire un jour!
O regard fermé que la mort fera tel!

O bouche qui ris en songe sur la bouche,
En attendant l’autre rire plus farouche!
Vite, éveille-toi! Dis, l’âme est immortelle?

abba a*b*b*a* ccd c*c*d*– 11s – Comme en 1881, 7, Verlaine rime une finale masculine avec une féminine.

Ah! vraiment c’est triste, ah! vraiment ça finit trop mal. — 1884 (10)

Paul VerlaineJadis et Naguère

Sonnet boiteux
A Ernest Delahaye

Ah! vraiment c’est triste, ah! vraiment ça finit trop mal.
Il n’est pas permis d’être à ce point infortuné.
Ah! vraiment c’est trop la mort du naïf animal
Qui voit tout son sang couler sous son regard fané.

Londres fume et crie. O quelle ville de la Bible!
Le gaz flambe et nage et les enseignes sont vermeilles.
Et les maisons dans leur ratatinement terrible
Epouvantent comme un sénat de petites vieilles.

Tout l’affreux passé saute, piaule, miaule et glapit
Dans le brouillard rose et jaune et sale des sohos
Avec des indeeds et des all rights et des haôs.

Non vraiment c’est trop un martyre sans espérance,
Non vraiment cela finit trop mal, vraiment c’est triste:
O le feu du ciel sur cette ville de la Bible!

Q59 – cdd efa’– 13s – Ça boite sévérement en effet. Mais quel talent ! Le mot-rime du vers 14 est le même que celui du vers 5. Les tercets ne sont que partiellement rimés. Le premier quatrain est à rimes masculines, le second à rimes féminines. Sans oublier le mètre ‘boiteux’: 13 syllabes.

L’Alameida bruit, le Zacatin flamboie, — 1884 (8)

Alfred Busquet Poésies, I

Grenade

L’Alameida bruit, le Zacatin flamboie,
Les marchands accroupis étalent leurs bijoux,
Le ciel est plein d’ivresse et la ville est en joie,
On boît de la musique avec des limons doux.

Comme des papillons de nuit, sans qu’on les voie,
Les rouges éventails agitent les froufrous,
Les yeux suivent les yeux, et les robes de soie
Vous frôlent doucement, en dépit des bijoux.

Dans les rougeurs du soir, la Nevada s’accuse,
Blancheur étourdissante, immaculé sommet
Où la neige d’hiver s’amoncelle et s’infuse,

Et la lune émergeant des ravins ténébreux,
Au front de l’Alhambra comme une aigrette, met
Le croissant, souvenir d’un âge plus heureux!

Q8 – T24 – Formule ‘italienne’ cdc ede dans les tercets, autrefois utilisée abondamment par Baïf

Que ne ferait-on pas, Madame, pour vous plaire? — 1884 (7)

Joseph RoyDents de lait

Quatrain demandé

Que ne ferait-on pas, Madame, pour vous plaire?
Puisque vous l’exigez, au jour de l’an prochain,
J’enfourcherai pour vous Pégase, c’est certain.
Que je le dompte alors ou qu’il me jette à terre,

N’importe, j’essaierai de rimer un Quatrain,
Pour tenir ma promesse et pour vous satisfaire.
Accoupler quatre vers, mon Dieu! la chose est claire
Et ne demande pas un effort surhumain.

Phoebus est de mauvaise humeur, à cette époque,
Où pour ses grands-parents chaque moutard l’invoque.
Ne l’importunons pas: soyons concis et net.

Voyons un peu, comptons nos vers: un, deux, trois quatre,
Cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Ah! je devrais me battre:
Je pars pour le Quatrain, et j’arrive au Sonnet.

Q10 – T15 – s sur s

Zeus, qui te façonna dans un roseau flexible, — 1884 (4)

– Le Docteur (Georges) CamusetLes Sonnets du Docteur

Maigreur
A Mlle S.B. de la Comédie Française.

Zeus, qui te façonna dans un roseau flexible,
Le cueillit sur les bords où disparut Syrinx;
Puis il s’arrêta court, ayant fait ton larynx,
Luth vivant, qu’il dota d’une gaîne impossible.

Il économisa la matière tangible,
Et les chastes panneaux signés Perugin pinx.
Et la scène où l’on voit agoniser le Sphinx
N’exhibèrent jamais corps plus irréductible.

Arrêtant la jumelle au cran qui fait voir gros,
Mon oeil inquisiteur évoque le mirage
D’un embonpoint fictif étranger à tes os,

Et cherche à pallier l’erreur de son ouvrage.
Mais que de charme encor dans cet étui tout sec!
Pourquoi n’avoir pas mis un peu de chair avec?

Q15 – T23

Bien avant que Fourier rêvât le Phalanstère,— 1884 (2)

– Le Docteur (Georges) CamusetLes Sonnets du Docteur

Le ver solitaire

Bien avant que Fourier rêvât le Phalanstère,
Bien avant Saint-Simon et le Père Enfantin,
Dans les retraits ombreux du petit intestin
Le Scolium déjà pratiquait leur chimère.

Un cestoïde obscur, un simple entozoaire,
Avait constitué l’Etat républicain.
Martyr voué d’avance au remède africain,
Salut, fils du Scolex, pâle et doux Solitaire!

Tes anneaux, dont chacun forme un ménage uni,
Sur un boyau commun prospèrent à l’envi
L’un à l’autre attachés, pas plus sujets que maîtres.

Oui, c’est un beau spectacle, et l’on doit respecter
Le sentiment profond qui me pousse à chanter
En vers de douze pieds le ver de douze mètres.

Q15 – T15 – cestoïde (Héloise Neefs : Les disparus du Littré) terme didactique. Qui a la forme d’un ruban, d’une ceinture. // vers cestoïdes, ordre d’animaux de la classe des helminthes, caractérisés par un corps mou. Le taenia est un vers cestoïde – (TLF° scolex : Partie antérieure des vers cestoïdes ou tête de ténia, pourvue de ventouses et parfois de crochets

Mélie a fini d’être sage — 1884 (1)

– Le Docteur (Georges) CamusetLes Sonnets du Docteur

Ecchymoses

Mélie a fini d’être sage
Et s’en mord les doigts maintenant.
Des taches d’un bleu chagrinant
Marbrent sa nuque et son corsage.

Ses compagnes d’apprentissage
Hochent la tête en la menant
Près d’un herboriste éminent,
Oracle attitré du passage.

Et la nigaude d’exposer
Un vallon noir, des sommets roses,
Où l’autre peut herboriser

Trouve un parterre d’ecchymoses,
Livides fleurs d’alcôve écloses
Sous la ventouse du baiser.

Q15 – T21 – octo