Archives de catégorie : Genre des rimes

Au bord d’une mare, – à l’ombre d’un vaste saule, – — 1880 (11)

Narzale Jobert Klimax.

XII quater
Césure après la 5ème syllabe
Le Batrachophage

Au bord d’une mare, – à l’ombre d’un vaste saule, –
Un bon paysan pêchait raines et cyprins,
Des raines surtout; coupant court à leurs refrains,
Il les égorgeait et les crouait sans contrôle.

Je trouvai la chose insolite, un tantinet drôle.
Voilà, certes, un mets peu connus des Savarins!
Pensai-je, et Chevet, ce maître-queux à tous crins,
N’en doit pas charger les estomacs de la Gaule.

Je m’approche plus de mon brave villageois.
Curieux, je l’observe, et soudain je l’aperçois
Tout prêt à commettre une erreur. Je le réfrène,

Et lui dis: « holà! fi! mais ce sont des crapauds
Que tu vas manger; laisse-les donc en repos! … »
 » Ah! tant pis pour eux!  » fait l’homme la bouche pleine

Q15 – T15 – 12s (5+7)

Du Don au Volga, fleuve à l’eau généreuse, — 1880 (10)

Narzale Jobert Klimax.

XI bis
Césure après la cinquième syllabe
Les Kalmouks

Du Don au Volga, fleuve à l’eau généreuse,
Les Kalmouks, ces fils du noir « Fléau de Dieu! »
Par les steppes vont, toujours changeant de lieu,
Sur leurs courts chevaux à croupe vigoureuse.

Ce qui leur plait, c’est la course aventureuse,
C’est la liberté, l’air et l’horizon bleu,
Pour leur vie active et contente de peu
Ils ont le kouniss – la liqueur savoureuse –

Et la pêche au bord des lacs et de la mer,
Le lait des juments et leur sanglante chair
Fait veule sous la selle de leurs montures.

Qu’ils errent, ou bien qu’ils reposent au khan,
Constamment ils ont le poignard aux ceintures …
Ils passent pareils au néfaste ouragan.

Q15 – T14 – banv –  11s (5+6)

Pan, pan, pan! On fait vacarme à ma porte. — 1880 (9)

Narzale Jobert Klimax.

X
Césure après la troisième syllabe
L’autre?

Pan, pan, pan! On fait vacarme à ma porte.
Je surviens. C’est le fils du jardinier,
Un espiègle! En main il tient un panier.
Il me dit: ce sont des fruits que j’apporte.

Je regarde. Au bord se trouve un papier
Du papa: « cher monsieur, je vous exhorte
A goûter deux pommes, nouvelle sorte,
Que, ce soir, je pris sur mon espalier!  »

« Je lis: deux! Mais je n’en trouve plus qu’une,
Dis-je au gars; c’est une demi-fortune.
Qu’as-tu fait de l’autre, aimable fiston?  »

Celui-ci, baissant les yeux et le ton:
« Du délit – mon âme est bien effrayée ..
L’autre… l’autre … en route je l’ai mangée. »

Q15 – T13 – 10s (3+7)

Partez, jeunes amis des conquêtes; — 1880 (7)

Narzale Jobert Klimax.

IX
césure après la 2ème syllabe
A nos soldats

Partez, jeunes amis des conquêtes;
Vos coeurs, des grandes gloires épris
Sauront, un jour, mériter le prix
Que Mars réserve aux vaillantes têtes.

Sachez, nobles enfants, que vous êtes
L’espoir de vos ancêtres choisis;
Pour l’heure ils sont dans les noirs abris;
Jadis, ils firent face aux tempêtes.

Debout à tout signal du danger,
Toujours, ils châtiaient l’étranger.
C’étaient les neveux de Mérovée.

Leurs sang, qu’il palpite dans vos bras!
Voyez, la patrie est abreuvée
D’affronts. Dites-lui: Tu renaîtras …

Q15 – T14 – 9s

Dune — 1880 (5)

Narzale Jobert Klimax. Sonnets gradués ou essai de rythmes

« Enthousiaste de ce petit poëme qu’ont immortalisé Pétrarque et Ronsard, de notre cher sonnet – microcosme souvent comparable aux plus grands soleils, étoile aujourd’hui radieuse après une longue éclipse – », Narzale Jobert, explique la préface, a essayé de nombreux mètres, aux césures variables.

I
Départ pour l’exil

Dune
Luit …
Lune
Fuit.

Suit
Une
Nuit
Brune.

Quel
Gel!
Trêve

Au
Beau
Rêve.

Q11 – T15 – mono

Dans la salle aux murs gris de l’auberge interlope — 1880 (3)

Fernand Crésy (= Icres)Les fauves

Dans la salle aux murs gris de l’auberge interlope
Qui porte pour enseigne une branche de pin,
Nous la vîmes levant en l’air son escarpin
En posant ses genoux sur le banc qui s’éclope.

Sous la serge dont son épaule s’enveloppe,
Dans son verre graisseux elle trempait du pain,
Riant à tout buveur, maquignon ou rapin,
Qui pelotait ses seins en lui disant: « Salope! ».

Vous en souvenez-vous, Rosette? – et je surpris
Sur votre lèvre un fier plissement de mépris
Devant cet être abject qui n’a même plus d’âme.

Ce personnage était bien digne du décor …
Et moi, qui vous aimais, pouvais-je croire encor
Que vous seriez un jour plus ignoble, Madame? …

Q15 – T15

Le fond vert, d’un vert cru de salade de maches, — 1879 (25)

« Fantasio » in Le Tintamarre (novembre)

Croute
Sonnet impressionniste

Le fond vert, d’un vert cru de salade de maches,
Figure une prairie, où des blocs, convulsés
Par un pinceau trop rouge et trop longtemps brossés,
On la prétention folle d’être des vaches.

A droite, au premier plan, s’étalent quelques taches
Très blanches : des maisons, dont les toits empesés
Exhalent vers un ciel aux tons bleus insensés
Une fumée épaisse en compactes panaches.

A gauche, un paysan sur son âne juché.
Le tout fini, soigné, peigné, limé, léché ;
On sent que l’artiste a voulu faire un chef d’œuvre.

– A distance, on croit voir un salmis de hors-d’œuvre :
Beurre, olives, anchois, œufs durs et caviar,
Dans un plat de faux Delft au décor trop criard.

Q15 – T13

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre, — 1879 (24)

Victor Froussard (ancien secrétaire de la préfecture de la Haute-Marne ) Recueil de poésies

Minuit
A propos d’un sonnet de M. de Ségur

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre,
Tout n’est pas endormi : soyez-en trop certain.
Combien de malheureux, sous leur toit solitaire,
Veillent, en gémissant de leur cruel destin.

Blotti dans son fauteuil, un vieux fauteuil Voltaire,
Près du foyer fumeux où le tison s’éteint,
Oublieux d’aviver la lampe qu’il éclaire,
Même de réchauffer la théière d’étain,

Je sais, je sais quelqu’un qui ne dort pas encore,
Qui n’ira s’endormir qu’à la naissante aurore
Quand va chanter l’oiseau sous les feuillages verts.

Quand gazouille déjà la gentille hirondelle,
Celui-là, c’est, poète, un vieux ami fidèle,
Qui ne peut s’arracher aux charmes de vos vers.

Q8  T15  bi