Archives de catégorie : Variétés particulières

Quoi ! vous voulez des vers de moi ! le vilain tour ! — 1881 (14)

Forgemol de Bostquénard Ghazels

Pour un autre album

Quoi ! vous voulez des vers de moi ! le vilain tour !
Vous voulez qu’emplissant le blanc de cette page
J’y fasse défiler, en galant équipage,
La rime au timbre d’or, les mots couleur de jour.

C’était ce qu’autrefois, toute seule en sa tour,
La dame demandait au savoir de son page,
Et les vers bien sonnants alternaient leur tapage
Avec les heurts de fer, bruissant à l’entour.

Mais la dame n’a plus de page au doux murmure.
Les porteurs de cithare et les porteurs d’armure
N’ont plus tant de bonheur, au champ de leurs tournois.

Pourtant, mauvais sonnet, ici, je veux t’écrire ;
Car nous aurons ainsi le prétexte sournois,
Vous, d’en sourire un peu, moi, de vous voir sourire.

Q15  T14 – banv –  s sur s Ce sonnet de Forgemol de Bostquénard se retrouve dans le volume publié en 1911 sous le titre (un alexandrin parfait) « Rimeurs du Luxembourg et du Palais-Bourbon » et contenant un choix de poèmes composés par des hommes politiques, ministres, sénateurs et députés (Forgemol l’était, alors, de Seine et Marne). Cet ouvrage m’a déçu. J’espérais joindre à ma collection quelque sonnet de Président de la République (Paul Deschanel), de président du Conseil ; de Combes, de Jaurès, de Jules Guesde, … en vain.

Du sein des riches fleurs d’Asie — 1881 (1)

Arthur BretonLe Garde-forestier. sonnets –

Le Sonnet

Du sein des riches fleurs d’Asie
Le parfum sort plus pénétrant
Et l’or du Palerne enivrant
S’épure en l’amphore choisie.

Le Sonnet d’émail transparent
Ainsi fait luire, ô poésie,
Ta quintessence d’ambroisie
Dans son beau calice odorant;

Et, lorsqu’on penche cette coupe,
Qu’à vives facettes découpe
La pointe du vers raffiné,

L’idée au travers étincelle,
Et plus poétique ruisselle
Du Vase avec art buriné.

Q16 – T15 – octo – s sur s

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre, — 1879 (24)

Victor Froussard (ancien secrétaire de la préfecture de la Haute-Marne ) Recueil de poésies

Minuit
A propos d’un sonnet de M. de Ségur

Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre,
Tout n’est pas endormi : soyez-en trop certain.
Combien de malheureux, sous leur toit solitaire,
Veillent, en gémissant de leur cruel destin.

Blotti dans son fauteuil, un vieux fauteuil Voltaire,
Près du foyer fumeux où le tison s’éteint,
Oublieux d’aviver la lampe qu’il éclaire,
Même de réchauffer la théière d’étain,

Je sais, je sais quelqu’un qui ne dort pas encore,
Qui n’ira s’endormir qu’à la naissante aurore
Quand va chanter l’oiseau sous les feuillages verts.

Quand gazouille déjà la gentille hirondelle,
Celui-là, c’est, poète, un vieux ami fidèle,
Qui ne peut s’arracher aux charmes de vos vers.

Q8  T15  bi

Des bavards je suis revenu; — 1879 (10)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Profession de foi

Des bavards je suis revenu;
C’est pourquoi de ma république
Je bannis tout poëte épique.
Pour Voltaire, c’est convenu;

Et lui-même, le grand classique,
Homère m’a toujours déplu,
J’en fais l’aveu très ingénu,
Par sa longueur kilométrique.

Parlez-moi de quatorze vers,
Fussent-ils forgés de travers;
Etre sobre est ma loi suprême;

Et m’est avis que mon sonnet
Bien que clochant un tantinet,
Ennuira moins qu’un long poëme.

de Berluc-Perussis

Q16 – T15 – octo – s sur s

Une rousse qui m’aime et s’appelle Honorine, — 1878 (8)

P(aul) Darasse Laeta & moesta

Honorine

Une rousse qui m’aime et s’appelle Honorine,
Excusez son prénom – m’a dit : Tu fais des vers,
Que n’en fais-tu pour moi ? Bien sûr, je t’abomine,
Si je n’ai pas de toi un sonnet, gros pervers !

Eh bien, si je croyais qu’elle tînt sa parole,
Pour m’en débarrasser je refuserais net
Et la prendrais au mot ; mais je sais que la folle
M’adorerait quand même, oui, monsieur, sans sonnet.

Car c’est un vrai caniche, un lierre ; elle est fidèle
Au point que je voudrais, comme un rare modèle,
Qu’on la fît empailler ou mettre en un bocal !

Tiens, mais je m’aperçois qu sans y prendre garde,
Voilà mon sonnet fait ! Parbleu, je le lui garde ;
Elle se fâchera, mais ça m’est bien égal !

Q59  T15  s sur s

Puisque le feu sacré dans mon coeur se réveille, — 1878 (5)

F. Cousin (de la Bassée) Dans la charmille

UN SONNET.

Puisque le feu sacré dans mon coeur se réveille,
Muse, à l’oeuvre, je veux trouver sous mon bonnet…
Trouver, devinez quoi?… quel caprice! un sonnet,
Dussé-je prolonger jusqu’au matin ma veille !

Notre grand maître à tous, Boileau, qui s’y connaît,
Nous dit que deux quatrains de mesure pareille,
Où la rime à deux sons frappe huit fois l’oreille,
Suivis de deux tercets distincts, font le sonnet.

Il faut que ces tercets, ajoute-t-il encore ,
Séparés par le sens, aient un rhythme sonore,
Avec un vers final, piquant, inattendu.

Voilà presqu’un sonnet ; c’en est un, sans nul doute,
Du Parnasse, ma foi, je reconnais la route
Que parcourait jadis l’auteur du Temps perdu (*).

(*) Titre d’un volume de poésies de l’auteur.

Q16  T15  s sur s

Je vous dois quelques mots de préface, ô lecteur, — 1878 (4)

Marius Bonnefoy La Provence

Un mot de préface

Je vous dois quelques mots de préface, ô lecteur,
J’entreprends de chanter notre belle Provence ;
Chanter ? … c’est, je l’avoue, un grand mot que j’avance.
Que du sujet ma voix se trouve à la hauteur,

Croyez-le bien ; ce n’est pas là ce que je pense.
Je ne viens point ici me poser en auteur ;
Mais si pour mon pays je fais battre un seul cœur,
Je ne demanderai pas d’autre récompense.

En peignant ses héros, ses monuments divers,
Ses villes et ses chants tantôt secs, tantôt verts,
J’aurais pu me servir du poëme ou de l’ode ;

J’ai choisi le sonnet, comme étant plus commode,
Familier, circonscrit dans ses quatorze vers ;
Et puis, autre raison, c’est qu’il est à la mode.

Q16  T14  s sur s

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde — 1878 (2)

Charles Soullier Mes sansonnets

Le Siècle du Sonnet ou Les sept ages du monde à partir de l’age d’or jusqu’à nos jours

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde
Qui, jeune encore alors, n’était qu’à son printemps,
Avait pour tout habit sa chevelure blonde:
Mais un soleil si pur ne brilla pas longtemps.

Deux mille ans avaient fuit sur la terre et sur l’onde,
Quand le siècle de fer, grâce au progrès du temps,
Saluant de Papin la science profonde,
Découvrit la vapeur aux longs spireux flottants!

Après, vint au galop le siècle des lumières,
Dont l’astre éblouissant fatiguait les paupières;
Puis le siècle d’argent qui, pour parler plus net,

Fut le siècle du vol , ou siècle de la bourse ,
Que le siècle du sport absorba dans sa course.
Nous avons aujourd’hui le siècle du sonnet .

Q8 – T15 – s sur s – Mr Soullier cite La Harpe (commentant Boileau) : « C’est là pousser trop loin le respect pour le sonnet, où l’on ne trouve d’ailleurs point de différence essentielle entre sa tournure et celle des autres pièces de vers à rimes croisées, telles que le madrigal et l’épigramme dont le principal mérite est de finir aussi par une pensée remarquable. »
Il propose ensuite sa propre définition.
« Les règles d’après les bases qui en ont été posées par les principales autorités littéraires sont:
– 1 – Le sonnet se compose de 14 vers de mesure pareille, principalement de 12 syllabes, mais quelque fois aussi de 10, 8, et même au-dessous de ce chiffre, selon la nature du sujet. Il ne faut que très rarement se départir de ces formes principales.
– 2 – Ces 14 vers doivent être divisés en deux quatrains et deux tercets
– 3 – Il ne doit exister que deux genres de rimes dans les deux quatrains, l’une masculine et l’autre féminine. Les rimes peuvent être consécutives ou diversement croisées selon le choix du poète.
– 4 – Le sixain, composant les 2 tercets, doit avoir trois rimes. Ces rimes doivent être différentes de celles de deux quatrains; et elles seront disposées à volonté, selon les règles particulières des stances de six vers.
– 5 – Il y aura un repos entier au quatrième vers de chaque quatrain et un demi-repos au deuxième vers de chacun d’eux. « 

Oui certe, un beau sonnet vaut seul tout un poème ; — 1877 (7)

Louis Guibert in L’Artiste

Le sonnet

Oui certe, un beau sonnet vaut seul tout un poème ;
Mais c’est fortune exquise et bien rare vraiment
Que de mettre la main sur un tel diamant :
Le sonnettiste heureux est l’artiste suprême.

Ballade ou madrigal, romance, épître même,
Rien d’un cadre aussi fin n’entoure un compliment.
Trouvez-moi, s’il se peut, un écrin plus charmant
Pour présenter son cœur à la femme qu’on aime.

Le coffret tout d’abord plaît et séduit les yeux
Par son étrange éclat, son travail merveilleux ;
Mais plus riche il paraît, plus, quand la belle l’ouvre,

La perle en son nid d’or brille au regard surpris…
Ainsi, dans la splendeur du vers qui la recouvre,
La pensée ingénue acquiert un nouveau prix.

Q15  T14 – banv –  s sur s

Il se trouve cerné sur un champ de bataille — 1877 (4)

Henri Passérieu – in Union littéraire des poètes et littérateurs de Toulouse

Sonnet militaire

Il se trouve cerné sur un champ de bataille
Par cinquante guerriers, noirs démons forcenés:
Sur son visage ardent, une sublime entaille
Rougissait d’un sang pur ses traits illuminés.

Au milieu du bruit sec produit par la ferraille,
Au milieu des grands coups et reçus et donnés
On eut dit un géant perçant une muraille,
Et près de voir enfin ses efforts couronnés.

– Il succombe pourtant; la légère Espérance
Voyant ses yeux voilés par la prochaine mort,
S’enfuit, l’abandonnant en proie à la souffrance.

Alors, se ranimant dans un suprême effort,
Et levant vers le ciel sa figure meurtrie
Il retomba criant: « Vive notre Patrie! »

Q8 – T23 – bi