Vous me demandez dans un beau distique — 1842 (7)

Théodore de Banville Les Cariatides

A M. de Sainte-Marie

Vous me demandez dans un beau distique
Comment je comprends le divin sonnet.
Hélas! aujourd’hui, qui de nous connaît,
Ce lis entr’ouvert, cette fleur mystique?

C’est plus qu’un doux chant, c’est une musique,
C’est un rayon rose, un parfum qui naît,
Un autel à qui Petrarque donnait
L’ambre italien et le marbre attique;

C’est le reflet d’or dans la goutte d’eau,
Le trait que jadis l’enfant Cupido
Tirait du carquois jeté sur ses ailes;

C’est le fard léger des belles de cour,
Le chant de Mozart aux saveurs si belles,
Que, redit trois fois, il semble trop court.

Q15 – T14 – banv –  tara – s sur s
On remarque, avec une certaine surprise que les vers 12 et 14 riment mal (pour la conception classique)
Théodore de Banville semble bien être le premier à réutiliser le ‘taratantara’, cette version antique du décasyllabe, coupé 5/5.
(a.ch) préfère cet autre sonnet en taratantarasdu même auteur:

SOUS BOIS

A travers le bois fauve et radieux,
Récitant des vers sans qu’on les en prie,
Vont, couverts de pourpre et d’orfévrerie,
Les comédiens, rois et demi-dieux.

Hérode brandit son glaive odieux,
Dans les oripeaux de la broderie,
Cléopâtre brille en jupe fleurie
Comme resplendit un paon couvert d’yeux.

Puis, tout flamboyants sous les chrysolithes,
Les bruns Adonis et les Hippolytes
Montrent leurs arcs d’or et leurs peaux de loups.

Pierrot s’est chargé de la dame-jeanne.
Puis après eux tous, d’un air triste et doux,
Viennent en rêvant le Poëte et l’Ane[1].

Ce n’est pas au Songe d’une nuit d’été vécu par des personnages de la comédie italienne, ni à Watteau, qu’il convient de se référer, comme le fait Edouard Maynial dans son Anthologie des poètes du XIXe siècle (Hachette, 1935, p. 295), mais au Roman comique de Scarron.
C’est une scène du XVIIe siècle qui est décrite dans une forme de l’époque, le sonnet. L’a-t-elle été selon un vers contemporain : celui de Régnier-Desmarais, tel que Banville pouvait en trouver des exemples dans le Richelet ou chez Quicherat ? L’origine de ce vers serait la solution à un problème de technique (renouvellement par réhabilitation d’une forme ancienne marginale et oubliée), et ne résulterait pas seulement de l’influence de la romance de Musset…


[1]Théodore de Banville : Les Cariatides; Alphonse Lemerre, 1877, pp. 277-278.

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