Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs — 1866 (30)

Le Parnasse contemporain

Angoisse

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l’écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales
Ni la solennité dolente des couchants.

Je ris de l’Art, je ris de l’Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs, et des tours en spirales
Qu’étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même oeil les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu. J’abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L’Amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d’affreux naufrages appareille.

Paul Verlaine

Q15 – T14 – banv

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