Coll.sonnets et eaux-fortes
– Henri Cazalis
Le sphinx
Il est au bord du Nil un sphinx de granit rose,
Qui depuis sept mille ans immobile en sa pose,
Contemple à l’horizon les races se lever
Pour naître et pour mourir, et ne rien achever.
Il garde, ayant tout vu, son sourire morose;
Il sait que dans la mort s’écroule toute chose,
Et que rien du néant ne se pourra sauver:
Et devant Dieu, la nuit, il se met à rêver.
Des étoiles d’argent s’épanche une lumière
Impassible. Le sphinx avec ses yeux de pierre
Regarde fixement ces astres sans émoi.
Et dans ce grand silence alors on l’entend dire:
« Astres, qui comme moi gardez votre sourire,
Etes-vous donc aussi de pierre, comme moi? »
Q1 – T15