L’homme, plus malheureux que le porc ou le veau, — 1890 (31)

Alfred Ruffin Poèmes variés et nouveaux chants

Philanthropophagie

L’homme, plus malheureux que le porc ou le veau,
Le poulet qu’on engraisse ou le lièvre qui broute,
Se voit, dès qu’il est mort, scellé sous une voûte
Où tout son corps pourrit jusqu’au dernier lambeau.

Combien j’aimerais mieux, dépouillé de ma peau,
Bien coupé, devenir un civet qui ragoûte,
Ou plutôt en pâté dormir dans une croûte,
Qui des cercueils serait, à mon gré, le plus beau !

Ainsi, du corbillard narguant les tristes planches,
Aux horreurs du tombeau j’échapperais par tranches,
Arrosé de bon vin et de fine liqueur,

Et, d’un repas joyeux appréciant l’aubaine,
Les amis qui, vivant, me portaient dans leur coeur,
S’en iraient me portant, charmés, dans leur bedaine.

Q15  T14

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