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Hâtes-toi de parler, ô ma lyre d’ivoire ! — 1835 (10)

J-B Claray de Crest-Volland Sonnet à son Altesse Royale Monseigneur le Duc de Bordeaux

Hâtes-toi de parler, ô ma lyre d’ivoire !
Entonne un chant sublime au pur sang de Berri ;
Nations, mes accords, précurseurs de l’histoire,
Révèlent à vos yeux les destins de Henri.
Jeune, il saura des arts éterniser la gloire,
Formé dans la vertu par un autre Henri.
Et, si l’honneur le guide aux champs de la victoire,
Rappeler les héros de Bouvine et d’Ivri.
De la religion dont le zèle l’enflamme,
Il fera près des lis arborer l’oriflamme.
Nemours, Colbert, Rousseau* renaîtront sous ses lois.
Au temple de mémoire, en traits ineffaçables,
Neuf soeurs, vous graverez ces mots impérissables :
DIEU-DONNÉ FUT L’AMOUR DE L’EMPIRE GAULOIS.

* Jean-Baptiste

Q8 T15  acr.  sns  disp droite

Crest-Volland prend bien soin de signaler en note que son ‘Rousseau’ n’est pas l’horrible ‘Jean-Jacques’ !

Moi mort, ne me pleurez que tant qu’au sein des airs — 1834 (8)

Leon de Wailly in Revue des Deux Mondes, t4

Moi mort, ne me pleurez que tant qu’au sein des airs
La cloche, à la voix sombre, annoncera qu’une âme
Au céleste foyer a rapporté sa flamme
Qu’un cadavre de plus habite avec les vers.
Par pitié pour tous deux ! si vous lisez ces vers,
Oubliez-en l’auteur : on le raille, on le blâme ;
Et combien j’aime mieux l’oubli que je réclame,
Que si penser à moi rendait vos jours amers !O
ui, si vous les lisez, ayez bien soin de taire
Un nom qui doit dormir avec moi dans la terre ;
Que je sois par la mort de votre amour exclus ;
Car j’aurais trop de peur qu’épiant chaque larme
Ce monde si sensé de moi se fît une arme
Pour vous blesser au cœur quand je n’y serai plus.

Q15 T15 trad sh 70 – sns

Voici venir pour moi le déclin de l’Automne, — 1833 (6)

Philarète Chasles (trad. Shakespeare) Caractères et paysages

Le déclin de la vie

Voici venir pour moi le déclin de l’Automne,
Où la feuille jaunit, où l’on voit tous les jours
Le bois perdre un fragment de sa belle couronne:
Temple où le rossignol soupirait ses amours.
Temple en ruine, hélas! – Voici venir cette ombre
Qui couvre l’univers, quand le soleil s’enfuit;
Quand la terre et les cieux attendent la nuit sombre,
Image de la mort, cette éternelle nuit!
Sur le foyer éteint, les cendres de ma vie,
Je rêve tristement. J’aimai, je fus aimé;
Quelques instants encor, ma carrière est remplie:
Ce feu qui m’a nourri m’aura donc consumé!
Tes yeux voyent pâlir le flambeau de ma vie,
Et tu m’aimes toujours, mon ange! Ah! Sois bénie!

Q59 – T19 – sns – sh –

Ces traductions des sonnets 29 (When in disgrace with fortune and men’s eyes) et 73 (The time of year thou mayst in me behold) de Shakespeare sont les premières (et de longtemps les seules) à reproduire la disposition des rimes (abab  cdcd  efef  gg) et la non-séparation des strophes, caractéristiques de cette sous-espèce de la forme-sonnet.

D’un regard sans pitié les hommes me flétrissent; — 1833 (5)

Philarète Chasles (trad. Shakespeare) Caractères et paysages

La consolation
D’un regard sans pitié les hommes me flétrissent;
Seul, rebuté du monde et maudissant mon sort,
Mes inutiles cris dans les airs retentissent:
Le ciel est sourd: je pleure, et désire la mort.
D’autres ont des amis, d’autres ont la richesse;
Ils ont reçu du ciel, le repos, d’heureux jours,
Les honneurs, la beauté, la gloire, la sagesse;
Inestimables biens qui me fuiront toujours.
Dans ces pensers amers, quand tout mon coeur se noie,
Je pense à toi! – Mon âme heureuse en son réveil,
S’élance et fait jaillir l’hymne ardent de sa joie,
Comme part l’alouette au lever du soleil.
Doux souvenir! amour! mon bonheur! ma couronne!
Tu suffis à ma vie, et tu vaux mieux qu’un trône.

ababcdcdefefgg – sns – sh – La formule de rimes est celle des sonnets de shakespeare

D’Hébé, jeune et vive, la fraicheur éclatante — 1832 (7)

– Jeannet Desjardins Mes souvenirs d’Angleterre

XIV – Hébé

D’Hébé, jeune et vive, la fraicheur éclatante
Eclipse les roses mêlées à ses cheveux ;
L’émail éblouissant de sa robe flottante
Est moins resplendissant que l’éclat de ses yeux.
Un jour en versant dans la coupe fumante
Le nectar qu’à longs traits savourent tous les dieux,
Elle glisse, chancelle, et tombe dans les cieux.
Combien les déesses, jalouses de ses charmes,
Goûtèrent de plaisirs à la vue de ses larmes !
La seule qui fut triste est mère de l’amour !
L’immortelle assemblée la bannit sans retour,
Donnant à Ganymède aussitôt son office,
Et son petit faux pas causa ce grand supplice.

Métrique très irrégulière. 13v !

Sommeil, fils du Silence et père du Repos, — 1832 (6)

– Jeannet Desjardins Mes souvenirs d’Angleterre

XVI – Sonnet imité de Drummond

Sommeil, fils du Silence et père du Repos,
La Paix, née de ton sein, se répand sur la terre ;
Les bergers et les rois devant toi sont égaux,
C’est toi qui des humains consoles la misère !
L’être qui respirait dans l’oubli de ses maux
Sent sous ta baguette se fermer sa paupière :
Tu refuses sur moi d’épancher ces pavots
Que tu verses sur tous d’une aile tutélaire.
Daigne étendre ta main qui sécha tous les pleurs,
J’implore ta puissance, accablé de douleurs,
Ah, viens, viens de mon cœur dissiper les alarmes !
Dieu puissant, quels qu’ils soient, dispense tes bienfaits !
Plutôt que de vivre sans connaître tes charmes,
Si tu m’offrais la mort je baiserais tes traits !

Q8  T14  sns  tr

adaptation du sonnet ‘ Sleep, silence’ child, sweet father of soft rest’.

Métrique incertaine : des ‘e muets’ à la césure aux vers 6 et 13

Du haut des cieux, un soir, je vis descendre — 1827 (3)

M.J. in L’hommage aux demoiselles

Imitation de l’italien de Pétrarque
Du haut des cieux, un soir, je vis descendre
Un ange ailé d’un aspect féminin,
Aux blonds cheveux, au regard doux et tendre,
Aux pieds légers, au sourire divin !
Seul, étonné, craignant de me méprendre,
A pas pressés je suivois mon chemin,
Lorsqu’il m’appelle, en me tendant la main.
J’approche … un lacs d’une invisible soie
Fixe mes pieds … et je deviens sa proie.
Depuis ce jour ….combien de maux soufferts !
Mon œil troublé voit partout son image,
J’aime, …. je crains, …. j’espère, …. et perds courage ;
Impatient, fatigué de mes fers,
Je veux quitter la beauté que je sers,
Et ne peux fuir un aussi doux servage.

15 v .-déca   sns  rvf

Lorsque, pensif, j’entends le doux ramage — 1827 (2)

M.M.J. in L’hommage aux demoiselles

Imitation de Pétrarque

Lorsque, pensif, j’entends le doux ramage
De Philomèle exprimant ses douleurs,
Le vent frémir au travers du feuillage,
Et le ruisseau qui baigne ce rivage
En mumurant bondir parmi les fleurs,
Mon esprit suit sa vague rêverie
Et pénétré des feux que je ressens,
Je vois, j’écoute une beauté chérie,
Qui retourna vers les cieux, sa patrie,
Et qui, de loin, répond à mes accents !
Sa voix me dit, dans un tendre langage :
« Pourquoi vouloir, au milieu de ton âge
Te consumer en stériles regrets ?
Si j’ai quitté le bocage si frais,
Si le néant a dévoré mes charmes,
Sur mon destin ne verse pas de larmes ;
Songe plutôt à mes félicités,
La mort me donne une vie immortelle,
Et quand mes yeux, de douleur attristés,
Semblaient voilés par la nuit éternelle,
Ils se rouvraient aux célestes clartés »

21 octosyllabes  rvf  sns

Italie! Italie! Ah! quel destin perfide — 1821 (4)

Madame de Staël Oeuvres (tome XVII)

Traduction du sonnet de Filicaia sur l’Italie

Italie! Italie! Ah! quel destin perfide
Te donna la beauté, source de tes malheurs?
Ton sein est déchiré par le fer homicide,
Tu portes sur ton front l’empreinte des douleurs.
Ah! que n’es-tu moins belle, ou que n’es-tu plus forte?
Inspire plus de crainte, ou donne moins d’amour.
De l’étranger jaloux la perfide cohorte
N’a feint de t’adorer que pour t’oter le jour.
Quoi! verras-tu toujours descendre des montagnes
Ces troupeaux de Gaulois, ces soldats effrénés,
Qui, du Tibre, du Pô, dans nos tristes campagnes,
Boivent l’onde sanglante, et les flots enchaînés?
Verra-t-on tes enfans, ceints d’armes étrangères,
Des autres nations seconder les fureurs;
Et ne marchant jamais sous leurs propres bannières,
Combattre pour servir, ou vaincus, ou vainqueurs?

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Quand Jésus expiroit, à ses plaintes funèbres, — 1821 (3)

Madame de Staël Oeuvres (tome XVII)

Traduction du sonnet de Minzoni sur la mort de Jésus Christ

Quand Jésus expiroit, à ses plaintes funèbres,
Le tombeau s’entr’ouvrit, le mont fut ébranlé.
Un vieux mort l’entendit dans le sein des ténèbres;
Son antique repos tout à coup fut troublé.
C’était Adam. Alors, soulevant sa paupière,
Il tourne lentement son oeil plein de terreur,
Et demande quel est, sur la croix meurtrière,
Cet objet tout sanglant, vaincu par la douleur.
L’infortuné le sut, et son pâle visage,
Ses longs cheveux blanchis et son front sillonné
De sa main repentante éprouvèrent l’outrage.
En pleurant il reporte un regard consterné
Vers sa triste compagne, et sa voix lamentable
Que l’abîme, en grondant, répète au loin encor,
Fit entendre ces mots: Malheureuse coupable,
Ah! pour toi j’ai livré mon Seigneur à la mort.

ababcdcdefefghgh – sns – 16v – tr