– Jules Lemaître Les médaillons
L’eau répète
Le ciel mat.
Calme plat,
Mer muette.
La mouette,
Qui s’ébat
Sur le mât;
Le complète,
Simulant
D’un vol lent
Et perplexe,
Un accent
Circonflexe
En passant.
Q15 – T14 – banv – 3s
– Jules Lemaître Les médaillons
L’eau répète
Le ciel mat.
Calme plat,
Mer muette.
La mouette,
Qui s’ébat
Sur le mât;
Le complète,
Simulant
D’un vol lent
Et perplexe,
Un accent
Circonflexe
En passant.
Q15 – T14 – banv – 3s
– Marius Martin – Sonnets de Provence –
La Bouillabaisse
La pêche est bonne. Le poisson,
Dans le calot garni de mousse,
Frétille et, dans un long frisson,
Se tord, se débat, se trémousse.
Un joyeux viveur sans façon,
Dressant ses manches qu’il retrousse,
Et fredonnant une chanson,
Assaisonne la sauce rousse.
Que le feu brûle, brûle encor,
Et que l’on verse les flots d’or
Sur les tranches de pain bien fines.
Mais, gourmands, n’en abusez pas,
Car, comme la rose ici-bas
La bouillabaisse a ses épines.
Q8 – T15 octo
Georges Perdrix in Le Tintamarre (décembre)
Lyre & Crochet
Tandis que le rêveur, les paupières mi-closes,
Comme pour mieux voir ses rêves éblouissants,
Préludant sur sa lyre, aux sonores accents
Change le doux printemps, chante les fleurs écloses,
Les nids et les berceaux des petits enfants roses ;
Lorsque ses vers, pareils aux zéphirs caressants,
Apportent ces parfums qui réveillent les sens
Et mettent des rayons aux fronts les plus moroses ;
Tandis que le penseur va, sondant l’infini,
Arracher un par un ses secrets au mystère,
Répandre sa lumière aux confins de la terre,
Mons. Zola s’en va, lui, quand l’horizon brunit,
Dans les cloaques noirs des ruelles obscures,
Le crochet à la main, fouiller les tas d’ordures
Q15 – T30
– Jules Jouy in Le Tintamarre (février)
La mort de Daumier
La mort – inévitable écueil
Où vient se briser toute barque
– Sous l’œil farouche de la Parque
Vient d’engloutir un grand cercueil.
Notre caricature en deuil
Pleure son homme de Plutarque.
Dans l’ombre, Basile-Aristarque
Dissimule un joyeux clin d’oeil.
Salut à ton char funéraire,
Maître ! toi que l’on porte en terre
Sans le goupîllon des bedeaux !
Tambours noirs, grondez une charge
Au soldat tombé sur le dos,
A Daumier, Kléber de la charge !
Q15 – T14 – octo
– « Fantasio » in Le Tintamarre (novembre)
Croute
Sonnet impressionniste
Le fond vert, d’un vert cru de salade de maches,
Figure une prairie, où des blocs, convulsés
Par un pinceau trop rouge et trop longtemps brossés,
On la prétention folle d’être des vaches.
A droite, au premier plan, s’étalent quelques taches
Très blanches : des maisons, dont les toits empesés
Exhalent vers un ciel aux tons bleus insensés
Une fumée épaisse en compactes panaches.
A gauche, un paysan sur son âne juché.
Le tout fini, soigné, peigné, limé, léché ;
On sent que l’artiste a voulu faire un chef d’œuvre.
– A distance, on croit voir un salmis de hors-d’œuvre :
Beurre, olives, anchois, œufs durs et caviar,
Dans un plat de faux Delft au décor trop criard.
Q15 – T13
– Victor Froussard (ancien secrétaire de la préfecture de la Haute-Marne ) Recueil de poésies
Minuit
A propos d’un sonnet de M. de Ségur
Non, poète ; à minuit, ici-bas sur la terre,
Tout n’est pas endormi : soyez-en trop certain.
Combien de malheureux, sous leur toit solitaire,
Veillent, en gémissant de leur cruel destin.
Blotti dans son fauteuil, un vieux fauteuil Voltaire,
Près du foyer fumeux où le tison s’éteint,
Oublieux d’aviver la lampe qu’il éclaire,
Même de réchauffer la théière d’étain,
Je sais, je sais quelqu’un qui ne dort pas encore,
Qui n’ira s’endormir qu’à la naissante aurore
Quand va chanter l’oiseau sous les feuillages verts.
Quand gazouille déjà la gentille hirondelle,
Celui-là, c’est, poète, un vieux ami fidèle,
Qui ne peut s’arracher aux charmes de vos vers.
Q8 T15 bi
Alfred Aubert Caprices et boutades
Sonnet d’hiver
Brr ! qu’il fait froid ! chère frileuse,
Pose tes pieds sur le chenêts,
Tes pieds mignons que je connais
Etends-toi bien sur la causeuse .
Que les coussins ploient sous ton corps
Afin que d’une main fiévreuse
Je parcoure, ô mon amoureuse
L’écrin de tes tièdes trésors.
Depuis un mois pour toi, Ninette,
Ainsi qu’un pauvre anachorète
Je tiens bon devant Brididi*.
Le cœur si vite est refroidi !
Ravivons la chaude amourette
Depuis minuit jusqu’à midi.
Q52 T10 – octo
*Danseur professionnel
– Alfred Aubert Caprices et boutades
Trois sonnets à Pierre Dupont
I
Lyon n’a point vu fuir la poésie :
Pour sa noble muse en fidèle amant
Joseph Soulary taille un diamant,
Chef-d’oeuvre de style et de fantaisie.
Louisa Siefert, écrivain charmant,
Nous a dévoilé le cœur de la femme :
Doux rayons perdus, blessure de l’âme,
N’était-ce pas là l’éternel roman ?
Laprade, ébloui des clartés divines,
S’en va, que le jour rayonne ou décline,
Promener son rêve au sommet des monts,
Mais c’est ta chanson surtout qui reflète
L’esprit populaire et que nous aimons
O Pierre Dupont, immortel poète !
Q48 T14 tara
– L’Hydropathe
– Georges Lorin
La cigarette
Les riens sont souvent bien des choses !
Et rien ne vaut ces riens de rien.
Cigarette, tu le vois bien,
Tu m’es plus chère que les roses.
Offerte, à titre de maintien
Par la saisisseuse de poses,
(L’effet est plus grand que les causes)
Désormais te voilà mon bien.
Je parle, je tourne, et t’oublie,
Je sors, dans un papier te plie,
Avec l’espoir de revenir.
En vain, tu veux être allumée,
Et t’évanouir en fumée,
De toi, je fais un souvenir.
Q15 T15 octo
– L’Hydropathe
Cabriol
Sonnet captif
à Sarah Bernhardt
Elle te retient par un fil.
Et, tournoyant tout autour d’elle
Tu vas, tu vas, battant de l’aile,
Admirant trois-quarts et profil.
Elle te guette et sa prunelle
T’envoie un doux rayon d’avril.
Jettera-t-elle un grain de mil
La charmeresse demoiselle ?
Vole, vole, gazouille et chante ta chanson,
Ton vol passant dans l’air comme un léger frisson
Prend sa part d’auréole, et peut-être la flatte.
Ta cage est dans l’azur, plus que la liberté
Ce lien peut sourire à ton humilité,
Pauvre petit sonnet attaché par la patte.
Q16 T15 2m (v.1-8 : octo)