Archives de catégorie : Formule de rimes

Le temple du dieu Mars, séduit par sa beauté; — 1804 (2)

Abbé Pierre David

Sur le temple du dieu Mars

Le temple du dieu Mars, séduit par sa beauté;
L’or, le jaspe et l’azur, ornent son péristyle.
La façade éblouit, dans sa totalité;
C’est l’ouvrage des dieux, ou d’une fée habile.

Au dehors, il a l’air d’un palais enchanté;
Mais je tremble en entrant dans ce barbare asile;
Le désespoir, la rage et la férocité,
Tous les fléaux ensemble y font leur domicile.

Son parvis est jonché, de blessés, de mourants,
Qui vous percent le coeur par des cris déchirans;
La mère y pleure un fils, le fils y cherche un père.

Plus loin le crime* heureux, assis au premier rang,
Ravage les Etats, les comble de misère,
Ne sourit qu’à la mort, et ne vit que de sang.

* Le Corse.

Q8 – T14

Qu’à l’aspect de ces tours tout pâlisse d’effroi; — 1802 (3)

Abbé Pierre David Première épitre à M. L’abbé Sicard ….

Deuxième sonnet, sur la prison du Temple, où le trop bon Louis XVI a été détenu

Qu’à l’aspect de ces tours tout pâlisse d’effroi;
Elles ont vu crouler la puissance suprême;
C’est ici que la rage a dépouillé le Roi,
De ses titres pompeux et de son diadème.

D’obscurs agitateurs, sans équité, sans foi,
Pour réduire le vol et le meurtre en système,
Osèrent s’emparer du sceptre de la loi,
Et juger, condamner le Monarque lui-même.

Que le Ciel irrité, lance tous ses carreaux!
Que l’enfer, contre nous, déchaîne ses bourreaux!
Verseraient-ils jamais tant de maux sur la France.

Ce lâche assassinat, source de nos malheurs,
Fit naître la terreur et régner la licence,
Qui nous ont tous courbés sous le joug des voleurs.

Q8 – T14

Les parfums de l’aurore ont devancé le jour; — 1802 (2)

Abbé Pierre David Première épitre à M. L’abbé Sicard ….

« L’AUTEUR, étant au secret le plus rigoureux, dans la tour du Temple, n’ayant ni plumes, ni encres ni papier, écrivait dans sa tête des sonnets.  » (Il est donc un P.L.A.N.T. (Plagiaire par anticipation) de Jean Cassou et de ses ’33 sonnets composés au secret » (1944)).

2 Premier sonnet, sur le lever du Soleil, pour un prisonnier

Les parfums de l’aurore ont devancé le jour;
Ses perles, ses rubis, se répètent dans l’onde;
La topaze du Ciel se dérobe à sa Cour,
Et ses rayons naissans vont éclairer le monde.

Hélas! j’eusse cent fois célébré son retour,
Depuis qu’on m’a plongé dans cette nuit profonde!
Mais enterré, vivant dans une obscure tour,
Je ne puis observer sa chevelure blonde.

Son disque étincelant, rempli de majesté,
Etale à l’univers un luxe de clarté,
Et va donner la vie à la nature entière.

De quoi sert, au captif, cette vive splendeur?
Avare pour lui seul, ce grand corps de lumière,
Ne lui laisse entrevoir que l’excès du malheur.

Q8 – T14

L’espérance est pour l’homme un filtre merveilleux; — 1802 (1)

Don Juan Laurencin Fables et poésies diverses

Sonnet

L’espérance est pour l’homme un filtre merveilleux;
Otez à son esprit l’élan de l’espérance,
Et l’homme doit haïr sa pénible existence;
Par l’espérance il peut quelquefois être heureux.

Trompé le plus souvent dans l’objet de ses voeux,
Le bonheur lui sourit dans la moindre apparence,
Le sort aggrave-t-il aujourd’hui sa souffrance?
Il s’en consolera; demain il ira mieux.

Triste condition! L’homme de sa misère,
N’a pour soulagement qu’une pure chimère.
Rendons grâces au ciel cependant de l’avoir.

Ne m’abandonne point aimable enchanteresse,
J’aime à vivre avec toi dans une douce ivresse,
Il ne reste plus rien, quand on n’a plus d’espoir.

Q15 – T15

Exemple d’une disposition de rimes qui a été très présente dans les premiers sonnets en langue française au 16ème siècle. Elle est due à Marot. C’est celle de la plupart des sonnets des Amours de Ronsard. Le sonnet français du 19ème siècle en a hérité. Le poème est en alexandrins. La suite des rimes se décrit ainsi: abba abba ccd eed

Fille auguste du ciel, ô paix tant désirée ! — 1801 (2)

Viviand-Bellerive Les Pyramides d’Egypte, ode au premier Consul

Invocation à la Paix

Fille auguste du ciel, ô paix tant désirée !
Abaisse enfin sur nous tes consolans regards,
Abandonne l’Olympe où tu t’es retirée :
L’humanité t’appelle au sein de nos rempars !

Fais envier ton règne à l’Europe égarée,
Succéder le repos aux jeux sanglans de Mars,
Et que chez les Français ton olive sacrée
Ranime l’industrie et réchauffe les arts !

D’une mère et d’un fils, viens essuyer les larmes,
Arrête la fureur des peuples et des rois,
Qu’aux pieds de ton autel ils déposent leurs armes !

Pour soutenir le trône, ou défendre leurs droits,
Si les cruels humains furent sourds à ta voix,
Ils en sont trop punis par douze hivers d’alarmes !

Q8  T21

Suspends, héros illustre, au temple de la gloire, — 1801 (1)

(Michel de) Cubières, jeune

Imitation du sonnet italien

Suspends, héros illustre, au temple de la gloire,
L’acier étincelant qui fonda ta victoire,
Et que ton jeune front, qu’ombragent les lauriers,
Serve éternellement de phare à nos guerriers.

Il est temps que le monstre échappé du Tartare,
Qui forgea contre toi plus d’un projet barbare,
Sur les rives du Stix, enchaîné désormais,
Te laisse ouvrir enfin le Temple de la Paix.

Elle attend le repos, notre chère Patrie,
Elle veut le devoir à ta main aguerrie,
Hélas! qui ne l’entend soupirer après lui?

Mars n’a que trop régné, c’est Astrée aujourd’hui
Qui, par toi de Thémis reprenant la balance,
Aux peuples opprimés rendra l’indépendance.

Q27 – T13

Ce sonnet est la traduction (désignée comme ‘imitation’) d’un sonnet d’un certain Povoleri, intitulé La Pace . Al cittadino Bonaparte. Cubières n’a pas respecté la disposition de rimes de l’original (abab abab cde cde). La mise en page est celle, habituelle depuis le milieu du 17ème siècle: quatre strophes de 4, 4, 3 et 3 vers respectivement, séparées par des lignes de blanc. Les premiers vers des deux quatrains, et le premier vers du sixain (deux tercets) sont marqués par un léger décrochement vers la droite dans la ligne. Cette marque de début d’unité strophique (qui était la règle au 16ème siècle) disparaîtra très vite, au profit d’un alignement strict des quatorze vers (quand il y en a quatorze). Le poème de Cubières est entièrement en rimes plates (aabb a’a’b’b’ ccd dee).