Archives de catégorie : Formule de rimes

Puisque la femme est infidèle, — 1869 (7)

Henri Cantel Amours et priapées

Sagesse

Puisque la femme est infidèle,
Que son coeur est une hirondelle
Qui part et brise d’un coup d’aile
Le nid de ses amours,

Sans nous donner des airs moroses,
N’aimons rien, aimons toutes choses,
Butinons lys, verveine et roses
Qui verdissent toujours.

Aux corolles brunes ou blondes
Laissons nos lèvres vagabondes
Courir et s’embraser,

Et nos coeurs, lascives abeilles,
Faire mourir les fleurs vermeilles
Sous le dard du baiser.

aaab a’a’a’b – T15 – 2m (octo; 6s: v.4, v.8, v.11, v.14)

Aline sommeillait un matin, Léona, — 1869 (6)

Henri Cantel Amours et priapées

Aline

Aline sommeillait un matin, Léona,
Voyant la blonde vierge en fleur, et demi-nue,
Dans ses veines sentit une force inconnue
Courir, comme la foudre éclatant sous la nue.

Sa folle passion soudain se déchaîna;
Elle trembla, rougit, pâlit. Ivre et farouche,
Elle enlaça sa proie, et lui ferma la bouche
D’un baiser. Lors l’enfant se dressa sur sa couche!

 » Aline, mon cher coeur et mon rêve adoré,
Va, ne crains rien, c’est moi, ta Léona, je t’aime
Et brûle d’infuser mon amour en toi-même!

Mes lèvres vont cueillir ton fruit tant désiré!  »
La victime, n’osant fuir l’oeil noir qui la couve,
Se taisait sous les dents puissantes de la Louve.

abbb ab’b’b’ – T30

Allons! éveillez-vous, ma mie — 1869 (5)

Henri CantelAmours et priapées

5-7 Le livre de Henri Cantel est mis par la Bibliothèque de France en Enfer. Il paraît bien anodin pourtant.

L’angélus

Allons! éveillez-vous, ma mie!
Ecouter tinter l’angélus!
Rouvrez votre bouche endormie,
Venez prier sur mon phallus!

Venez! c’est la prière humaine
Qu’à Platon Socrate chanta,
Celle qu’en voyant Magdelaine,
Jesus sur la croix regretta.

Du sommeil chassez les mensonges:
Mon corps vous offre d’autres songes,
Où vous mourrez avant la mort.

Vous verrez ce que vaut l’extase
De ce doux Ave qui s’embrase
Sous votre lèvre qui le mord.

Q59 – T15  octo

C’est aux peuples, enfants, qu’appartient l’Epopée; — 1869 (4)

Theodoric Geslain sonnets provinciaux

Le Sonnet

C’est aux peuples, enfants, qu’appartient l’Epopée;
L’Ode chante leurs chefs, l’Idylle leurs pasteurs:
Quand le sceptre a soumis la houlette et l’épée,
Les Homères n’ont plus que des imitateurs.

De sa naïve foi, la Muse émancipée,
De la philosophie affronte les hauteurs:
Le choeur murmure encor l’antique Mélopée,
Mais le Drame s’impose au flôt des spectateurs.

Eschyle, Aristophane ont engendré Shakespeare.
Leur race, avec Corneille, avec Molière expire!
Melpomène et Thalie attendent le réveil ….

Du prosaïsme froid, l’ombre envahit le monde, ….
– Mais le Sonnet jaillit de cette nuit profonde,
Et dans son étincelle, on reçoit le Soleil.

Georges Garnier

Q8 – T15 – s sur s

Joli petit oiseau — 1869 (3)

– Theodoric Geslain (ed.) – Sonnets provinciaux

Un chant d’oiseau

Joli petit oiseau
Perché sur cet ormeau,
Que me dit ton langage
En ce charmant ramage?

« Laboureur, il fait beau;
Allons, vite à l’ouvrage;
Laisse-là ton manteau:
Va, ne crains pas l’orage!

« Et toi, jeune garçon,
En allant à l’école,
Ecoute ma leçon:

« Quitte ta gaîté folle,
Et pour moi sois humain.
C’est l’ordre du destin ».

Michel Poulailler

Q2 – T23 – 6s – bi

Dans un lilas en fleurs, au pied de ma maison — 1869 (2)

– Theodoric Geslain (ed.) – Sonnets provinciaux

2-4 Une anthologie de lutte des sonnettistes anti-parisiens – Le compilateur se présente comme « Membre de la Société des travaux littéraires de Paris. De la Société académique de St Quentin, de la Société d’agriculture, sciences et arts de Poligny; de la Société littéraire d’Apt; membre fondateur du Journal Littéraire: Le Concours des Muses  »

Son but? : La majeure partie des volumes collectifs sont publiés en vue de la décentralisation; mais la décentralisation littéraire, telle que la comprend la province, est-elle possible? C’est là la grande question.


Le nid de chardonneret

Dans un lilas en fleurs, au pied de ma maison,
Il venait de bâtir sa couche circulaire;
Comme des doux oiseaux renaissait la saison,
Il avait accueilli l’amour, – il savait plaire.

Ses oeufs sentaient déjà sa chaleur tutélaire;
L’espoir d’une famille égayait sa prison,
Et, sans peur d’éveiller aucune trahison,
Il donnait au poète un chant gai pour salaire.

Mais du logis de l’homme on réparait le toit! …
Une tuile, au hasard, – lourd débris séculaire, –
S’échappe, roule, tombe au bord du nid étroit ….

Et, ce soir, il est vide, ouvert par la secousse,
Laissant pendre le brin, le duvet et la mousse,
Montrant ses oeufs brisés au sol qui les reçoit.

Louis Goujon

Q10 – cbc ddc

De l’oubli magique venue, — 1869 (1)

Stéphane Mallarmé deuxième version manuscrite du sonnet  ‘De l’orient passé des Temps

Alternative

De l’oubli magique venue,
Nulle étoffe, musique et temps,
Ne vaut la chevelure nue
Que, loin des bijoux, tu détends.

En mon rêve, antique avenue
De tentures, seul, si j’entends
Le Néant, cette chère nue
Enfouira mes yeux contents!

Non. Comme par les rideaux vagues
Se heurtent du vide les vagues,
Pour un fantôme les cheveux

Font luxueusement renaître
La lueur parjure de l’Etre,
– Son horreur et ses désaveux.

Q8 – T15  octo

O sole ! poisson merveilleux ! — 1868 (27)

Eugène Vermeersch Sonnets gastronomiques

La sole

O sole ! poisson merveilleux !
Il faudrait au moins dix chapitres
Pour énumérer tous tes titres
A ce sonnet respectueux.

Les Vatel te comprennant, eux,
T’entourent du velours des huîtres,
Des truffes, des moules bêlitres,
Et des champignons savoureux.

La Nature s’est surpassée
Quand elle ourdit ta chair, tissée
De filets tenus, égrillards

Et qui mieux qu’un savant breuvage
Révèlent au penchant de l’âge
L’Amour dans le sang des vieillards.

Q15  T15  octo

Lorsque montent des bois les brouillards de rosé, — 1868 (26)

Eugène Vermeersch Sonnets gastronomiques

La perdrix

Lorsque montent des bois les brouillards de rosé,
Marchant à petits pas dans les chants endormis,
La perdrix, se drapant dans la soie ardoisée
De sa robe, poursuit les vers et les fourmis.

Plongeant au loin ses yeux ronds et clairs, la rusée
Fait le plus doux espoir des succulents salmis,
Si quelqu’un vous parlait – langue malavisées ! –
De choux, oh ! qu’il ne soit jamais de vos amis !

C’est un sot ! … Fuyez la mode périgourdine
Que la truffe y soit rare et discrère – en sourdine !
Elle doit être là comme un simple éperon.

Gourmets ! servez sa chair aux pieds roses, rôtie,
Une bande de lard voilant sa modestie,
L’estomac arrosé des larmes du citron.

Q8  T15

O truffes ! diamants d’ébène, sœurs et mères — 1868 (25)

Eugène Vermersch Sonnets culinaires

Les truffes

O truffes ! diamants d’ébène, sœurs et mères
De la subtile joie et du savant baiser !
Sans lesquelles il n’est point permis de priser
La table épiscopale & les royales chères !

Quand la pourpre du vin saigne en nos coupes claires,
Et que la lèvre en fleur commence à se griser,
Dans l’argent mat où vous aimez à reposer,
Vous brillez sur la nappe aux lueurs des torchères.

Truffes, salut ! … si dans les tubercules bruns
L’aï mousseux a fait pénétrer ses ivresses,
Un soufle plus chaud tremble aux bouches des maîtresses,

Et pour toi délaissant leurs blancs nids de caresses,
Dans les boudoirs secrets, loin des yeux importuns,
Les amoureux désirs nagent dans tes parfums.

Q15  T30