Archives de catégorie : Formule de rimes

Phoebus! en t’adorant, sur la plage de Troie, — 1868 (4)

Coll.Rimes et idées

Messire-Jean

Le nouveau Laocoon
Horresco referens – Virgile

Phoebus! en t’adorant, sur la plage de Troie,
Ton grand prêtre et ses fils, par deux monstres surpris,
Périssent, étouffés sous l’anneau qui les broie …
– Voilà comme Apollon rase ses favoris! –

Ainsi, rongé des vers auxquels je suis en proie,
Je souffre! – et cependant, malgré moi, je bénis
La voix qui m’encourage, et le dieu qui m’octroie
Quatorze alexandrins …. que je n’ai pas finis.

– Que vous avais-je fait, ô poète farouche,
Pour que mon triste arrêt sortît de votre bouche?
Suis-je propre à chanter les chants qui vous sont dus?

– Non. N’excitez donc plus ma verve amphigourique:
Mais calmez, dans mon sang, le venin diabolique
Du serpent à sonnets qui nous a tous mordus!

Q8 – T15 – s sur s

– « Encor! Toujours ce moule? Et ces formes pareilles? — 1868 (3)

Coll.Rimes et idées

François.Fertiault

A un dépréciateur

– « Encor! Toujours ce moule? Et ces formes pareilles?
Toujours pour vos tableaux ce calque qu’on connaît?
Quoi! sans pitié, toujours nous jeter aux oreilles
Ces affreux bouts-rimés qu’on appelle un Sonnet!

– « Bouts-rimés? le Sonnet? l’une de nos merveilles?
Toujours pour ce phénix votre dédain renaît! …
A lui seul, sobre, et ferme, il vaut toutes les veilles:
Des poétiques sceaux nul ne frappe aussi net;

Nul ne condense mieux sous sa nerveuse empreinte,
Nul n’a plus d’horizon sous sa ligne restreinte.
Nul n’est plus souple, riche en ses diversités.

Je sais, moi, tel fervent de cette oeuvre ample et brève
Qui, précis comme un chiffre ou vague comme un rêve,
Dans ses quatorze vers met des immensités.

Q8 – T15 – s sur s François Fertiault, en préface, défend le sonnet par une citation: « Le Sonnet  comprend tout ce que l’Ode a de beau et de délicat, et tout ce que l’Epigramme a de subtil et de concis – Philotée Delacroix « 

De l’orient passé des Temps — 1868 (2)

Stéphane Mallarmé – in Lettre à William Bonaparte- Wyse

De l’orient passé des Temps
Nulle étoffe jadis venue
Ne vaut la chevelure nue
Que loin des bijoux tu détends.

Moi, qui vis parmi les tentures
Pour ne pas voir le Néant seul,
Aimeraient ce divin linceul,
Mes yeux, las de ces sépultures.

Mais tandis que les rideaux vagues
Cachent des ténèbres les vagues
Mortes, hélas! ces beaux cheveux

Lumineux en l’esprit font naître
D’atroces étincelles d’Etre,
Mon horreur et mes désaveux.

Q63 – T15 – octo Un autre premier état: abba  a’b’b’a’   ccd  ede

La Nuit approbatrice allume les onyx — 1868 (1)

Stéphane Mallarmé manuscrit, envoyé à Cazalis en mai

Sonnet
allégorique de lui-même

La Nuit approbatrice allume les onyx
De ses ongles au pur Crime, lampadophore,
Du Soir aboli par le vespéral Phoenix
De qui la cendre n’a de cinéraire amphore

Sur des consoles, en le noir Salon: nul ptyx,
Insolite vaisseau d’inanité sonore,
Car le Maître est allé puiser de l’eau du Styx
Avec tous ses objets dont le Rêve s’honore.

Et selon la croisée au Nord vacante, un or
Néfaste incite pour son beau cadre une rixe
Faite d’un dieu que croit emporter une nixe

En l’obscurcissement de la glace, décor
De l’absence, sinon que sur la glace encor
De scintillations le septuor se fixe.

Q8 – T27 forme: abab  abab   cdd  ccd d=a*, b=c*

Un état du fameux ‘sonnet en x »: « comme il se pourrait… que, rythmé par le hamac, et inspiré par le laurier, je fisse un sonnet, et que je n’ai que trois rimes en ix, concertez-vous pour m’envoyer le sens réel du mot ptyx, ou m’assurer qu’il n’existe dans aucun langue, ce que je préfèrerais de beaucoup afin de me donner le charme de le créer par la magie de la rime. »

Quand humble et suppliant, brisé par la torture, — 1867 (8)

Robert Luzarche in La Gazette rimée

A Galilée

Quand humble et suppliant, brisé par la torture,
Menacé du bûcher et du feu de l’enfer,
A leur noir tribunal tu vins dire : j’abjure !
En te relevant, sombre, avec un rire amer,

Peut-être as-tu pu voir, ô glorieux parjure !
Tes juges étonnés et blême sous l’éclair
De ton mâle regard qui, défiant l’injure,
Errait vers l’avenir, horizon vaste et clair.

Prévoyais-tu grand mort dont la foule s’amuse,
Qu’en l’an mil huit cent soixante-sept, la muse
D’un autre inquisiteur prêtrophobe et chauvin,

Sans vergogne ferait comparaître ton ombre
Par devant des bourgeois et des claqueurs sans nombre
Et lui ferait parler la langue de Havin ?

Q8  T15

D’aspect simple, n’ayant rien de prime-sautier — 1867 (6)

Charles Monselet Les potages Feyeux

Semoule d’Italie

D’aspect simple, n’ayant rien de prime-sautier
La bourgeoise Semoule appelle la faience,
La soupière massive arrondissant sa panse,
Où reluit l’art naïf du Rouen ou du Moustier.

Céréale modeste, ange de bienfaisance,
Elle répand ses dons parmi le monde entier.
L’oncle qui s’en nourrit, trompant mainte espérance,
Refait son estomac et nargue l’héritier.

Robuste au grand-parent et légère à l’adulte,
Dans toutes les maisons elle est l’objet d’un culte.
En fait-on des gâteaux, il faut voir les babys

Devant ce Panthéon spongieux, ébaubis,
Battre gaiement des mains devant leur mère heureuse!
Acte de Florian! Intérieur de Greuze!

Q17 – T13

Loin des terres labourées, — 1867 (5)

Charles Monselet Les potages Feyeux

Farine de châtaignes

Loin des terres labourées,
Quand de hardis villageois
Exécutent des bourrées
Dont tremble tout l’Angoumois;

Comme la châtaigneraie
Forme un tapis de velours
Sous la danse qui s’essaie
En groupes joyeux et lourds!

Eh bien! sous la même écorce,
Cette grâce et cette force
Se retrouvent dans un mets;

C’est toi, que nul ne dédaigne,
Toi farine de châtaigne,
Mes délices désormais!

Q59 – T15 – octo

Je ne vois pas tes yeux, mais je vois ton sourire. — 1867 (4)

in Charles Monselet Le Triple almanach gourmand pour 1867-8

L’huitre

Je ne vois pas tes yeux, mais je vois ton sourire.
Tout ton être respire un grand air de bonté
A te sentir si fraîche en ta calme beauté,
Chavette ému tressaille et Monselet soupire.

Ta rondeur savoureuse aux poëtes inspire
Des rêves d’embonpoint et de satiété –
L’abbé hâte pour toi son benedicite.
On peut te manger crue, ou bien te faire frire.

La plupart des gourmets te gobent simplement;
Pour d’autres il vaut mieux te mâcher doucement,
Beaucoup à t’épicer ressentent de la joie.

Toute embaumée encor d’algue & de goémons ,
Paris te sollicite, et Cancale t’envoie
O toi qui fais aimer, ô toi que nous aimons.

Albert Mérat

Q15 – T14 – banv

Charmants buveurs trinquant sous un orme, comblés — 1867 (3)

– in Charles Monselet Le Triple almanach gourmand pour 1867-8

Effets du vin de Romanée

Une estampe naïve et trop enluminée
Représente deux beaux de l’Empire attablés,
Sablant – comme ils disaient, – du vin de Romanée.
L’air fait dans le lointain onduler l’or des blés.

Charmants buveurs trinquant sous un orme, comblés
De tous les biens, humant et dégustant l’année
Des vins de Romanée – artistement sablés;
Habit bleu – la couleur du ciel de la journée,

Culotte beurre frais, cheveux à la Titus,
Teint clair comme le temps, dents blanches, tout engendre
La gaieté, que je classe au nombre des vertus.

Quand ce vin coule à flots, je pense les entendre,
Ces deux amis buvant, en plein air – je les vois
Réfléchis dans le vin, – et, ma foi, je les bois.

Fernand Desnoyers

Q11 – T23