Archives de catégorie : Formule de rimes

A la poste d’hier tu télégraphieras — 1926 (4)

Robert DesnosC’est les bottes de 7 lieues cette phrase ‘Je me vois’


Les gorges froides
A Simone

A la poste d’hier tu télégraphieras
que nous sommes bien morts avec les hirondelles
Facteur triste facteur un cercueil sous ton bras
va-t-en porter ma lettre aux fleurs à tire d’elle.

La boussole est en os mon cœur tu t’y fieras.
Quelque tibia marque le pôle et les marelles
pour amputés ont un sinistre aspect d’opéras.
Que pour mon épitaphe un dieu taille ses grêles!

C’est ce soir que je meurs, ma chère Tombe-Issoire,
ton regard le plus beau ne fut qu’un accessoire
de la machinerie étrange du bonjour.

Adieu! je vous aimai sans scrupule et sans ruse,
ma Folie-Méricourt, ma silencieuse intruse.
Boussole à flèche torse annonce le retour.

Q8 – T15

L’homme s’enfuit, le cheval tombe, — 1926 (3)

Paul Eluard Capitale de la douleur


Le jeu de construction
A Raymond Roussel

L’homme s’enfuit, le cheval tombe,
La porte ne peut pas s’ouvrir,
L’oiseau se tait, creusez sa tombe,
Le silence le fait mourir.

Un papillon sur une branche
Attend patiemment l’hiver,
Son cœur est lourd, la branche penche,
La branche se plie comme un ver.

Pourquoi pleurer la fleur séchée
Et pourquoi pleurer les lilas?
Pourquoi pleurer la rose d’ambre?

Pourquoi pleurer la pensée tendre?
Pourquoi chercher la fleur cachée
Si l’on n’a pas de récompense?
– Mais pour ça, ça et ça.

Q59 – tercets non rimés – 15v

Les grands troupeaux ailés gardaient vos portes colossales, — 1926 (1)

Emile CottinetBallades contre et sonnets pour

Les ruines (Assyrie, Perse, Egypte)

Les grands troupeaux ailés gardaient vos portes colossales,
Vos palais où trônaient Sarçon, Sardanapale, Assur,
Où les soldats tombaient comme des épis de blé mûr,
Ninive, Baghdad, ô cités vaines et vassales!

Des archers défilaient, vêtus d’émail bleu, sur les purs
De Suze et de Persépolis, les jumelles royales,
Et l’Egypte dressait, dans le sable aux profondeurs pâles,
Son sphinx immarescible aux yeux noyés d’ombre et d’azur.

Passé, désert de cendre où des mirages formidables
Appellent notre rêve, ô Passé, pour tes yeux de fables,
Chemin mystérieux jalonné de tombeaux sans fin,

Tes colosses de pierre ou de métal, forces obscures,
Gisent anéantis parmi tes attributs divins.
Kronos a passé là – Dieu sourd qui détruit et qui dure.

Q16 – T14 – 14s

Sous quelle lampe penchée — 1925 (4)

Pierre Camo Cadences

Psyché

Sous quelle lampe penchée
Penses-tu, vaine Psyché,
Reveiller l’amour caché
Dont mon âme est détachée ?

Si le beau charme épuisé
Parfume encor ma pensée,
C’est comme la fleur blessée
D’un printemps désabusé !

Cette chère inquiétude
Qui fait ta sollicitude
Ne te découvrira rien

D’une secrète blessure
Où ta flamme ne peut bien
Raviver que ta brûlure !

Q63  T14  7syll  on remarque, dans les quatrains, que b est la ‘rime hétérosexuelle’ de a, et b’ de a’.


L’ombre noyait les bois. C’était un soir antique. — 1925 (3)

Albert Samain Poèmes inachevés

Améthyste

L’ombre noyait les bois. C’était un soir antique.

Les dieux puissants vaincus par le Dieu pathétique
Après mille ans d’Olympe avaient quitté la terre,
Et la syrinx pleurait dans Tempé solitaire.
Sur la mer en émoi, vers l’orient mystique

Une aube se levait. Pleins de souffles étranges
Les chênes renuaient des branches prophétiques,
Et les grands lys élus versaient leurs blancs cantiques
Aux lacs sanctifiés visités par les Anges.

Le ciel était plus doux qu’un col de tourterelle ….
Rêveuse en longs cheveux, nymphe lacune frêle
Tressait de pâles fleurs autour d’une amulette.

Et près d’elle, dans le crépuscule idyllique,
Un petit Faune triste, aux yeux de violette,
Disait sur un roseau son cœur mélancolique …

Et c’était le dernier amour du soir antique …

Q49  T14  –  y=x :e=a – 16v (a-   -a)

La Hollandaise avait à cause de ses îles 1925 (2)

Marcel Thiry Plongeantes proues

La Hollandaise avait à cause de ses îles
Un arôme mental de cannelle et de thé;
Par des Indes sa voix nous paraissait hantée
Et versait à nos cœurs l’espoir des beaux exils.

Des femmes font penser à des barques; mais elle,
Avec sa marche égale et sa tranquillité,
Evoquait, sur un moite océan, la montée
Calme d’un paquebot profilé sur le ciel.

Les jeunes gens surtout sentaient à son passage
Comme un appel de ce maritime infini,
Et son corps les tentait comme une colonie;

Cependant elle allait, sans fièvre et les yeux sages,
Parmi ce rêve et ces désirs d’elle insaisis,
Et traînait sans savoir son sillage d’Asie.

Q49 – T29  – On remarque que toutes les rimes sont ‘hétérosexuelles’: îles/ exils, thé/ hantée, etc. ( à l’exception du couple singulier/ pluriel de passage / sages); et toutes ‘soutenues’ (consonne dite ‘d’appui’).

Hortense a soulevé sa jupe à crinoline — 1925 (1)

Alexandre de Virineau (= Fernand Fleuret)Douze sonnets lascifs … –

Léda incomprise

Hortense a soulevé sa jupe à crinoline
Et fait glisser en bas son pantalon léger,
Car elle voit au loin vers elle converger
Tous les grands cygnes blancs dont le bec dodeline.

Sur le bord du bassin, provocante et câline,
Elle s’offre au grand mâle, et pour l’encourager ,
Lui sourit, puis tressaille en voyant s’allonger
Le beau col souple et blanc, vivante javeline.

Sous l’étrange désir dont l’ardeur l’obséda,
Elle s’ouvre en pensée à l’amant de Léda
Et croit enfin sentir le dard dans sa nature;

Mais le grand cygne blanc lève un œil étonné
Vers la fente impubère à l’étroite ouverture
Et s’éloigne déjà sans avoir deviné.

Q15 – T14 – banv