Archives de catégorie : Formule de rimes

Sainte Thérèse veut que la Pauvreté soit — 1881 (7)

Paul VerlaineSagesse

Sainte Thérèse veut que la Pauvreté soit
La reine d’ici-bas, et littéralement!
Elle dit peu de mots de ce gouvernement
Et ne s’arrête point aux détails de surcroît;

Mais le Point, à son sens, celui qu’il faut qu’on voie
Et croie, est ceci dont elle la complimente:
Le libre arbitre pèse, arguë et parlemente:
Mais le pauvre de coeur décide et suit sa voie.

Qui l’en empêchera? De voeux il n’en a plus
Que celui d’être un jour au nombre des élus,
Tout-puissant serviteur, tout-puissant souverain,

Prodigue et dédaigneux, sur tous, des choses eues,
Mais accumulateur des seules choses sues,
De quel si fier sujet, et libre, quelle reine!

Q15  T6 abba a*b*b*a* ccd c*c*d* – (si x est une rime masculine, x* désigne la rime féminine qui s’en déduit: -oit / -oie; -ent/ -ente; -us/ -ues; -ain / eine) exemple de ce que Noël Arnaud nomme ‘rimes hétérosexuelles’

La tristesse, la langueur du corps humain — 1881 (6)

Paul VerlaineSagesse

La tristesse, la langueur du corps humain
M’attendrissent, me fléchissent, m’apitoient,
Ah! surtout quand des sommeils noirs le foudroient,
Quand des draps zèbrent la peau, foulent la main!

Et que mièvre dans la fièvre du demain,
Tiède encor du bain de sueur qui décroît,
Comme un oiseau que grelotte sur un toit!
Et les pieds, toujours douloureux du chemin,

Et le sein, marqué d’un double coup de poing,
Et la bouche, une blessure rouge encor,
Et la chair frémissante, frêle décor,

Et les yeux, les pauvres yeux si beaux où point
La douleur de voir encore du fini!
Triste corps! combien faible et combien puni!

Q15 – T30 – 11s – Rimes masculines sur mètre rare

Le son du cor s’afflige vers les bois — 1881 (5)

Paul VerlaineSagesse

Le son du cor s’afflige vers les bois
D’une douleur qu’on veut croire orpheline
Qui vient mourir au bas de la colline
Parmi la brise errant en courts abois.

L’âme du loup pleure dans cette voix
Qui monte avec le soleil qui décline
D’une agonie on veut croire câline
Et qui ravit et qui navre à la fois.

Pour faire mieux cette plainte assoupie
La neige tombe à longs traits de charpie
A travers le couchant sanguinolent,

Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne,
Tant il fait doux par ce soir monotone,
Où se dorlote un paysage lent.

Q15 – T15 – déca

L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable. — 1881 (3)

Paul VerlaineSagesse

L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou.
Que ne t’endormais-tu le coude sur la table?

Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-la. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.

Midi sonne, De grâce éloignez-vous, madame.
Il dort. C’est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.

Midi sonne. J’ai fait arroser dans la chambre.
Va, dors! L’espoir luit comme un caillou dans un creux.
Ah, quand refleuriront les roses de septembre!

Q63 – T14

Les faux beaux jours ont lui tout le jour, ma pauvre âme, — 1881 (2)

Paul VerlaineSagesse

Les faux beaux jours ont lui tout le jour, ma pauvre âme,
Et les voici vibrer aux cuivres du couchant.
Ferme les yeux, pauvre âme, et rentre sur-le-champ:
Une tentation des pires. Fuis l’infâme.

Ils ont lui tout le jour en long grêlons de flamme,
Battant toute vendange aux collines, couchant
Toute moisson de la vallée, et ravageant
Le ciel tout bleu, le ciel chanteur qui te réclame.

O pâlis, et va-t’en, lente et joignant les mains.
Si ces hiers allaient manger nos beaux demains?
Si la vieille folie était encore en route?

Ces souvenirs, va-t-il falloir les retuer?
Un assaut furieux, le suprême, sans doute!
O va prier contre l’orage, va prier.

Q15 – T14 – banv

Du sein des riches fleurs d’Asie — 1881 (1)

Arthur BretonLe Garde-forestier. sonnets –

Le Sonnet

Du sein des riches fleurs d’Asie
Le parfum sort plus pénétrant
Et l’or du Palerne enivrant
S’épure en l’amphore choisie.

Le Sonnet d’émail transparent
Ainsi fait luire, ô poésie,
Ta quintessence d’ambroisie
Dans son beau calice odorant;

Et, lorsqu’on penche cette coupe,
Qu’à vives facettes découpe
La pointe du vers raffiné,

L’idée au travers étincelle,
Et plus poétique ruisselle
Du Vase avec art buriné.

Q16 – T15 – octo – s sur s

Désireuse des champs, ô foule, tu te rues, — 1880 (26)

Jules Christophe in Revue indépendante

Quartier de la Sorbonne
Sonnet estrambote

Désireuse des champs, ô foule, tu te rues,
Les dimanches d’été, vers les chemins de fer ;
Mais, pour goûter le frais, loin de ce bruit d’enfer,
J’aime bien mieux vaguer parmi les vieilles rues.

Comme Montaigne, moi qui, jusqu’en ses verrues
Adore la « grand-ville », à l’ombre de mon fier
Panthéon je m’enfonce, et délecte mon flair
Aux odeurs des ruisseaux. Ainsi que Coxigrues

Le nez au vent je marche, observant quelque effet
De lumière, attentif, charmé, très satisfait.
Nul passant. parfois, seule, une jeune herboriste

En toilette élégante, assise sur le seuil
De sa boutique, rêve. Après, un liquoriste
Aux lourds et chauds parfums. Je contemple d’un œil
Scrutateur les détails du paysages triste,
Et, plein de souvenirs, de chansons et des cris,
Je sens frémir en moi l’âme du grand Paris.

Q15  T14  +dff

J’aime le son du cor le soir au fond des bois, — 1880 (25)

Jacques de Villebrune in L’Artiste

Le cor

J’aime le son du cor le soir au fond des bois,
Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Il a parfois l’accent douloureux du hautbois,
Il fait frémir ta main lorqu’à l’amour tu bois,
Il s’insinue en l’ombre, au cœur qui se recueille
Et se mêle au sanglot des roses qu’on effeuille.

Que de fois j’ai suivi, parmi nos grands châteaux,
Sa voix plaintive errant de coteaux en coteaux,
Et qui semble expirer tendre et mélancolique ;

S’il chante l’hallali sur le déclin des soirs,
Ma faible âme se meurt, et ce chant symbolique
Sonne à mon cœur perdu l’hymne des désespoirs.

Q1  T14  Le premier quatrain est un ‘emprunt’ non avoué à un poème connu de Vigny.

Lecteur, les vers de ce recueil — 1880 (24)

Tristan Gratien in La nouvelle lune

« Notre ami n’ayant pas le courage de commencer son volume, en a d’abord écrit l’épilogue »

Sonnet-épilogue

Lecteur, les vers de ce recueil
On un parfum de pourriture,
De réalisme et de cercueil,
En un mot, sont d’après nature.

Rarement j’ai franchi le seuil
De la Morgue, où le ciel figure,
Et mes vers en portent le deuil,
Lugubrement, je te le jure.

Tu peux les voir d’un mauvais œil
Ou leur faire un charmant cercueil,
Ami lecteur, je n’en ai cure !

S’ils froissent un peu ton orgueil,
Cher mortel, fais-en un linceul
Pour ta noble et superbe ordure.

Q8  T6  octo  y=x (c=a & d=b)

Devant l’ex-Napoléon-un — 1880 (23)

Cabriol in L’Hydropathe

Maurice Petit*

Devant l’ex-Napoléon-un
Il fait, le dimanche matin,
Ronfler, sous une dextre main,
Pour charmer maint, et maint et maint

Nez d’argent, que jadis la treille
Avait bourgeonné, mainte oreille,
Aux oreilles de sourd pareille,
L’orgue ! et pour cela j’appareille

Au plus haut mat de perroquet,
Le pavillon roux, bleu, blanc qu’est
Le pavillon du vrai courage.

A Maurice Petit je bois
Pour vouloir bien rajeunir d’âge
L’Invalide à la têt’ de bois.

* organiste aux Invalides

aaaa  bbbb T14  octo  on remarque la rime ‘un/ matin’