Archives de catégorie : Quatrain

Décrit la formule de rime des quatrains.

Une poupée autour du doigt — 1920 (13)

Raymond Radiguet in Oeuvres, ed. 2001

Froid de loup

Une poupée autour du doigt
Trop inhabile à l’escarmouche
Votre aiguille fit la farouche
Pardon si je fus maladroit

A la rencontre d’autres mois
Un décembre fermant la bouche
Candide (c’est ce qui me touche)
Nous de nouveau sommes en froid

La charpie imite la neige
En clignant des yeux pourquoi n’ai-je
Vu qui de nous avait raison

Répétons encore si j’ose
Que l’on meurt en toute saison
Voyez s’évanouir les roses

Q15 – T14 – banv –  octo

Billet de faveur, I …. Hortense s’évanouit, apercevant  au bout de son petit doigt une goutte de sang rose comme la rosée. Elle revient à elle, et à moi, moyennant un sonnet

Si tu veux dénouer la forêt qui t’aère — 1920 (12)

Paul ValéryAlbum de vers anciens

Valvins

Si tu veux dénouer la forêt qui t’aère
Heureuse, tu te fonds aux feuilles, si tu es
Dans la fluide yole à jamais littéraire
Traînant quelques soleils ardemment situés.

Aux blancheurs de son flanc que la Seine caresse
Emue, ou pressentant l’après-midi chanté,
Selon que le grand bois trempe une longue tresse,
Et mélange ta voile au meilleur de l’été.

Mais toujours près de toi que le silence livre
Aux cris multipliés de tout le brut azur ,
L’ombre de quelque page éparse d’aucun livre

Tremble, reflet de voile vagabonde sur
La poudreuse peau de la rivière verte
Parmi le long regard de la Seine entr’ouverte.

Q59 – T23 – on note une préposition comme rime du vers 12


Nous avons pensé des choses pures — 1920 (11)

Paul ValéryAlbum de vers anciens

Le bois amical

Nous avons pensé des choses pures
Côte à côte, le long des chemins,
Nous nous sommes tenus par les mains
Sans dire … parmi les fleurs obscures;

Nous marchions comme des fiancés
Seuls, dans la nuit verte des prairies;
Nous partagions ce fruit de féeries
La lune amicale aux insensés.

Et puis, nous sommes morts sur la mousse,
Très loin, tout seuls parmi l’ombre douce
De ce bois intime et murmurant;

Et là-haut, dans la lumière immense,
Nous nous sommes trouvés en pleurant
O mon cher compagnon de silence!

Q63 – T14 – 9s

L’oiseau sur l’affiche BOTTINES — 1920 (10)

Aragon (sonnets non repris dans Feu de joie)

La vie privée

L’oiseau sur l’affiche BOTTINES
L’amour revient de bon matin
Nous ne trouvons plus l’incertain
Regard des grâces enfantines

Le plancher danse tu destines
Ce bras de souvenir lointain
Aux fleurs du papier Nu satin
Tes yeux resteront mes cantines

Décor décor Madame au ciel
Quand abeille aux cheveux de miel
On recommence la tristesse

Tu défais le nœud des saisons
Alors et c’est l’essentiel
Je perds la raison des raisons

Q15 – T14 – – banv – octo


La fille vers minuit renonce au ton coquet — 1920 (9)

Aragon (sonnets non repris dans Feu de joie)

9
La fille vers minuit

La fille vers minuit renonce au ton coquet
Son regard s’alourdit du plomb d’impurs mystères
Elle chante à mi-voix pour que les locataires
N’accourent furieux secouer le loquet.
Mais le long de l’amant que le drap incommode
Comme un tribut plaintif à d’enfantins émois
(L’air (qui?) fut l’an dernier la rengaine à la mode)
Naît l’ingénuité des chansons d’autrefois
« Pour me payer par mois douze heures de peinture »
 » Mon père travaillait jusqu’au petit matin »
 » Pour le récompenser j’ai suivi la nature »
 » Et pour cinquante francs je me suis fait catin »

et il n’y a pas de raison pour
que cela finisse

Q62 – efef xy – m.irr – disp:12+2

A songer que l’état m’assigne — 1920 (8)

Aragon (sonnets non repris dans Feu de joie)

Satan, ses pompes et ses oeuvres

A songer que l’état m’assigne
Six francs, le prix d’une catin
Et le déjeuner du matin
Le noir registre je le signe:

Docteur, et ce nom qu’un destin
Favorable doit rendre insigne
Non sans quelque gaieté maligne
De mentir à ce bulletin.

Il n’est de titre que j’envie
garder ou l’une ou l’autre vie
comme en-tête pour mes papiers,

sinon celui que me confère
ce doux emploi de ne rien faire:
Médecin des Sapeurs-Pompiers.

Q16 – T15 – octo – sns

Bruit qui ne s’énumère, et sous l’atone nue — 1920 (5)

René Ghil – in Oeuvres Complètes

Mer montante.

Bruit qui ne s’énumère, et sous l’atone nue
le rond soleil qui transparaît
en point ardent d’où s’amasse la révolue
cendre du soir désert, la Mer ne saurait

d’éternel arrêter la respiration tûe
de tous les hommes morts en trophées! arrivait
de dessous l’horizon qui limite ma vue
et le soupir de ma poitrine – et elle avait

immensément le mouvement qui outre-passe
et la grève et les pas et les mots qu’en vain tasse
le poids multiplié de nos vivants trépas:

et elle était – qui vient de soi-même suivie –
de l’étendue que le temps ne tarit pas
et sur ma lèvre un goût de sel, mouillé de vie ….

1916

Q8 – T14 – 2m: octo: v.2:

Au long du mois de Mai, tous les rameaux d’en haut — 1920 (4)

René Ghil – in Oeuvres Complètes


Sonnet … à Hélène, pour ses quinze ans

Au long du mois de Mai, tous les rameaux d’en haut
sont pleins de voix qui tournent-doux, des tourterelles –
elles, qui doux-rappellent dans l’été, tantôt …
Au long du doré mois de Mai tout tournant d’ailes,

ah! – ah! nous avons pris toute la grappe aux grêles
et longues tiges, des lilas! et le tressaut
et le désordre d’or des grands genêts, et, telles
que de longs gestes de tendresse en l’air nouveau,

toutes les lianes nouantes … Et de toute
l’entrave, épandue en te rïant sur ta route,
nous voulons prendre au piège de Mai tes quinze ans!

Nous te prenons au piège où vont de lutte vaine
les papillons, – pour que te durent plus longtemps
et tes quinze ans rosés et nos Baisers, Hélène! ….
1913

Q11 – T14

Ma Triste, les oiseaux de rire — 1920 (3)

René Ghil – in Oeuvres Complètes

Sonnet

Ma Triste, les oiseaux de rire
Même l’été ne volent pas
Au Mutisme de morts de glas
Qui vint aux grands rameaux élire

Tragique d’un passé d’empire
Un seul néant dans les amas
Plus ne songeant au vain soulas
Vers qui la ramille soupire.

Sous les hauts dômes végétants
Tous les sanglots sans ors d’étangs
Veillent privés d’orgueils de houle

Tandis que derrière leur soir
Un souvenir de Train qui roule
Au loin propage l’inespoir.

1886

Q15 – T14 – octo

Tue en l’étonnement de nos yeux mutuels — 1920 (2)

René Ghil – in Oeuvres Complètes


Pour l’enfant ancienne

Tue en l’étonnement de nos yeux mutuels
Qui délivrèrent là l’or de latentes gloires,
Que, veuve dans le Temple aux signes rituels,
L’onde d’éternité réprouve nos mémoires.

Tel instant qui naissant des heurts éventuels,
Tout palmes de doigts longs aux nuits ondulatoires
Vrais en le dôme espoir des vols perpétuels
Nous ouvrit les passés de nos pures histoires

Une moire de vains soupirs pleure sous les
Trop seuls saluts riants par nos vœux exhalés,
Aussi haut qu’un néant de plumes vus les gnoses.

Advenus rêves des vitraux pleins de demains
Doux et nuls à plumer, et d’un midi de roses
Nous venons l’un à l’autre en élevant les mains.
1886

Q8 – T14 – vers 9 : un article comme mot-rime