Archives de catégorie : Q63 – abba a’b’b’a’

On dit mes vers semés de hiatus impudents, — 1893 (16)

Jean Volane Fusains

Aux lecteurs

On dit mes vers semés de hiatus impudents,
De vocables communs et de belles chevilles,
Je n’y mets pas souvent des femmes à mantilles
Et de gais rossignols aux trilles éclatants.

Mon rythme n’est divin comme celui d’Homère
Et je n’ai pas d’Hugo la souveraine ampleur,
Je ne veux point poser pour un fin ciseleur,
Pour un Parnassien, édité chez Lemerre.

Je vais, léger d’argent, gai comme Zanetto,
L’éphèbe vagabond des rives de l’Arno ;
Faisant des vers d’amour d’allure monotone.

Ma rime est insouciante et mon rêve peu haut.
Tant pis pour les lauriers ! car ce sera bien beau
Si l’on dit « celui-là n’a pastiché personne »

Q63  T15

D’abord vivre, dit-on, et puis philosopher ; — 1892 (9)

Henri Michel in La syrinx

Sonnets liminaires, I
(La pensée.)

D’abord vivre, dit-on, et puis philosopher ;
Mais comment vivre sans juger ce qu’est la vie ?
Toujours quelque maxime en secret est suivie
Et sa raison native on ne peut l’étouffer.

En vain voudrait-on voir sous sa haute fenêtre,
Comme un rêve, passer la vie à l’horizon ;
Véridique ou menteuse, au cœur de la raison,
Une pressante voix nous impose un Doit Etre.

Même pour s’abstenir il faut avoir choisi,
Et c’est choisir encor que suivre une coutume.
Le glorieux calice au parfum d’amertume
Brille et tremble aux mortelles mains qui l’ont saisi.

Les jours entre mes doigts coulent comme du sable ;
Il est temps de vider la coupe inéluctable.

Q63  T30 = shmall* disp 4+4+4+2

Cette vie est bien monotone: — 1892 (6)

Edouard Dubus Quand les violons sont partis

Théâtre

Cette vie est bien monotone:
Même farce et même décor,
Ne saurait on jouer encor
Un peu de neuf qui nous étonne?

Je sais un théâtre divin,
Pièce et décor, tout y varie,
C’est une fantasmagorie,
Les auteurs sont l’Amour, le Vin.

L’Amour compose les grands rôles
Où l’on pleure, quand vient le tour
Du Vin c’est un feu de mots drôles.

Avec le Vin, avec l’Amour
On peut vagabonder sans trêve
Dans le ciel infini du Rêve.

Q63 – T23 – octo

Vous m’avez pris dans un moment de calme familier — 1891 (34)

Verlaine ed. pléiade (Dédicaces)

A Aman-Jean

Sur un portrait enfin reposé qu’il avait fait de moi

Vous m’avez pris dans un moment de calme familier
Où le masque devient comme enfantin comme à nouveau.
Tel j’étais, moins la barbe et ce front de tête de veau,
Vers l’an quarante-huit, bébé rotond, en Montpellier.

J’allais dans les Peyroux, tranquillement, avec ma bonne,
J’y faisais mille et mille fortins de sable inexpugnables
Et des fossés remplis, mon Dieu des eaux les moins potables
Suivant l’exemple que Gargantua pompier nous donne.

J’y voyais passer des processions, des pénitents
Et proclamer la République en ces candides temps
Où tant d’un tas d’avis n’étaient pas encore inventés.

Mais malgré ce souci de nos jours qu’il agite et trouble
Et d’autres ! au tréfonds de mes moelles encor butés,
Je demeure assuré, __ conforme à votre excellent double.
Hôpital Broussais, décembre 1891

Q63  T14  14s quatrains à rimes masculines

Sous les calmes cyprès du jardin clérical, — 1991 (31)

Paul Valéry in La Conque

Le jeune prêtre

Sous les calmes cyprès du jardin clérical,
Va le jeune homme noir aux yeux lents et magiques.
Lassé de l’exégèse et des mots liturgiques
Il savoure le bleu repos Dominical.

L’air est plein de parfums et de cloches sonnantes ! ..
Mais le Séminariste évoque dans son cœur
Oublieux du latin murmuré dans le Chœur
Un Rêve de bataille et d’armes frissonnantes…

… Et, se dressent ses mains faites pour l’ostensoir
Cherchant un glaive lourd ! Car il lui semble voir
Au couchant ruisseler le sang doré des Anges !

Là haut ! Il veut nageant dans le Ciel clair et vert
Parmi les Séraphins bardés de feux étranges,
Sonnant du cor, choquer le fer contre l’Enfer !

Q63  T14

Toi qui verses, les nuits tendres, sur tes pieds blancs — 1991 (30)

Paul Valéry in La Conque

Vierge incertaine

Toi qui verses, les nuits tendres, sur tes pieds blancs
Des larmes de statue oubliée et brisée,
Telle une douloureuse et mystique rosée,
Par qui se courbent les doux calices tremblants,

J’irai, ce soir, vers l’eau taciturne où bleuissent
De pâles fleurs, dans la triste mare d’azur,
Cueillir pour tes doigts longs l’iris antique et pur
Que les pleurs amoureux de la fontaine emplissent.

Ainsi je t’aimerai dans ton droit vêtement,
Tes yeux morts dans les miens arrêtés longuement,
Avec ma fleur en tes mains vagues d’innocence ;

Nous resterons longtemps muets, d’ombre voilés,
Et je t’adorerai sous ces bois violets
Où de pudiques lys grandissent en silence …

Q63  T15

Le soir de soie issu des seins — 1891 (8)

Pierre LouÿsPoèmes in Oeuvres complêtes

Chrysis, II

Le soir de soie issu des seins
Palpite un peu de pâle peine
Plainte en pleur dans la palme pleine
Du deuil des doigts aux durs desseins.

Et l’âme en mal d’amour immole
Un lot de lys lents en lambeaux
Au bout de bras ballants et beaux
Où la mort des mains est moins molle.

Fol effort de feinte en effet
Nulle nuit de nul dard ne fait
Que la crême en croisse crevée

Et rien n’aura leurré l’erreur
Si le tiers n’éteint ta terreur
Voile vain de valve avivée.

Q63 – T15 – octo – Remarquer la contrainte consonnantique en chaque vers

Forte femme aux tétons lourds de lait — 1891 (7)

Pierre LouÿsLe Trophée des Vulves légendaires

Fricka

Forte femme aux tétons lourds de lait
Que d’un sursaut de rut tu retrousses,
Germaine au con rouge aux tresses rousses,
Puissante à jouir dès qu’il te plaît.

Ventre épais que précède une touffe
Et si difformément labouré;
Bras charnus où foisonne un fourré,
Et dont l’étreinte effrayante étouffe.

Femme au con maternel, tu ne sais
Que baiser et tu dis ‘C’est assez!  »
Tu ne sais pas que l’amour s’attache

A toutes les lèvres, à tous les trous,
Tu veux rester l’Epouse, la Vache
Et n’ouvrir que ta vulve aux poils roux.

Q63 – T14 – 9s

Mais toi, fleur de luxure, O Freia! — 1891 (6)

Pierre LouÿsLe Trophée des Vulves légendaires

Freia

Mais toi, fleur de luxure, O Freia!
Rose dont les poils sont les épines,
C’est ta bouche où vont les belles pines
Que ta langue en chaleur balaya.

Dans tes jambes où brûle la fièvre
Quand tes amants ont la tête en feu,
Pour accueillr leur geste et leur jeu
Ta vulve a des baisers sur les lèvres.

Elle palpite et s’ouvre à lécher,
Rose mousseuse et fleur de pêcher,
Elle s’écarte et jaillit à boire

Le nectar fou des frissons ardents,
Incitateur éjaculatoire
Des belles pines entre tes dents.

Q63 – T14 – 9s

Pour que Freia t’exauce, ô païenne! — 1891 (5)

Pierre LouÿsLe Trophée des Vulves légendaires

Ortrude

Pour que Freia t’exauce, ô païenne!
Tu l’as vaincue en lubricité,
Suçeuse au gland d’un cheval mâté
Tribade avec la chair de ta chienne;

Ta soeur t’a léchée en vomissant,
Tes enfants au berceau t’ont connue,
Ta fille a livré sa fente nue
A ta langue, et tu l’as mise en sang:

Et tes doigts mis dans ta vulve interne,
De ton sexe ont fait une caverne
Enorme pour un rut d’étalon

Et cependant Elsa vit encore,
Et de son ongle écaille à l’aurore
Des croutes de sperme au ventre blond.

Q63 – T14 – 9s