Archives de catégorie : Tercets

Ici que, déroulant une éternelle chaîne, — 1934 (4)

Vincent Muselli Sonnets moraux

Naissance

Ici que, déroulant une éternelle chaîne,
L’Univers, aujourd’hui, se retrouve enfanté,
Qui d’imiter leur œuvre eut la témérité,
Suscite des grands dieux le secours et la haine.

Aussi bien, ce n’est point, sous leur œil vigilant,
La sainte angoisse ou l’angélique maladie,
Ce n’est point seulement une branche alourdie,
Ni d’un lait généreux un beau sein se gonflant!

C’est de sang et de nuit la mixture créée,
C’est la torture ouvrant une cruelle entrée
Sur ce vivre qui n’est qu’un incessant finir.

Seule, à ce long chevet, l’espérance infirmière
Berce un ventre rempli d’orage et d’avenir,
Mais, du cloaque enfin dégainée, ô lumière!

Q63 – T14

‘Au Robert Guy l’an neuf’, hurlait, blême et sauvage, — 1934 (3)

Georges Fourest in Robert Guy d’Helle Poèmes actinimorphes

Pseudosonnet truculent et liminaire

‘Au Robert Guy l’an neuf’, hurlait, blême et sauvage,
l’aubage sourd-muet, debout sur le menhir
et, parmi la rafale, on entendait hennir
l’adultère homard tout nu sur le rivage.

Robert Guy, Robert Guy, sur le Gaurisankar,
tes chants feront saigner le quartz et le basalte
et ton verbe, déjà, que le sinople exalte,
bleuit les dahlias d’Arckangel à Dakar!

En vain, le corbillard, traîné par vingt licornes,
trucidant l’étendue infinie et sans bornes,
écrase les têtards pêle-mêle et sans choix,

car, bravant le klaxon de nos automobiles,
dans le golfe d’Oman des éponges nubiles,
au rythme de tes vers, berceront les anchois.

Q63 – T15

Quand le docteur lui dit: « Monsieur, c’est la vérole — 1934 (2)

Georges Fourest Le géranium ovipare

Un homme
Justum et tenacem propositi virum (Horace)
Gémir, pleurer, prier est également  lâche (Alfred de Vigny)

Quand le docteur lui dit: « Monsieur, c’est la vérole
indiscutablement! « , quand il fut convaincu
sans pouvoir en douter qu’il était bien cocu
l’Homme n’articula pas la moindre parole.

Quand il réalisa que sa chemise ultime
Et son pantalon bleu par un trou laissaient voir
Sa fesse gauche et quand il sut que vingt centimes
(oh! pas même cinq sous!) faisaient tout son avoir

il ne s’arracha pas les cheveux, étant chauve,
il ne murmura point: « Que le bon Dieu me sauve! »
ne se poignarda pas comme eût fait un Romain,

sans pleurer, sans gémir, sans donner aucun signe
d’un veule désespoir, calme, simple, très-digne
il prononça le nom de l’excrément humain.

Q62 – T15

Il avait ce jour-là défloré mille vierges — 1934 (1)

Georges Fourest Le géranium ovipare

Le nouvel Origène
ou
Le rut vaincu
Les effets de la castration sur les animaux sont connus; ils ne sont pas autres chez l’homme
Th. Ribot (Les maladies de la personnalité)

Il avait ce jour-là défloré mille vierges
de diverses couleurs et, suivant les leçons
des Pentapolitains huit cents jeunes garçons
parmi lesquels le fils – horreur! – de ses concierges!

Mais il ardait toujours, ahanant, frénétique
il investit des ours et des rhinocéros,
des lynx, des sphinx, le dieu-serpent d’Abonotique,
mais toujours il flambait sur le brasier d’Eros

et toujours le désir mordait sa génitoire
et vers le firmament l’orgueil ostentatoire
de son membre viril se dressait.  » Par Mithra!  »

s’écria-t-il,  » ô rut générateur du monde,
bâtard du vouloir vivre, à nous deux, rut immonde! »
il dit, s’arma d’un bon rasoir et se châtra.

Q62 – T15

Mon âme éteint ses lumières — 1933 (10)

Armand Masson in Felix  Arvers : articles (fonds rondel, RF 21313)

à la manière de Paul Valéry

Mon âme éteint ses lumières
Pour que le silence élude
L’amour que, sous mes paupières,
A figé la solitude.

Et la page est vierge où l’homme
Compose et dédicace
La prière inefficace
Avec l’estampe et la gomme.

Comme rien n’emplit le vide
Du néant qu’elle dévide,
Elle écoute sans entendre

La voix muette et soupire :
« Qu’est-ce que cela veut dire ? »
Mais semble ne pas comprendre

Q60  T15   rim.fem. arv pastiche -7s

Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte, — 1933 (8)

– ? La guirlande de Priape

Une compliquée


Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte,
Je n’aime pas têter les bites bandant mou,
Qui tirent à regret un pauvre petit coup,
Je n’aime pas non plus les langues de gougnotte.

Me branloter moi-même en allant aux chiottes,
Ou me faire bouffer goulument les deux trous
Par le klebs bien dressé du voisin d’en-dessous,
Ou me planter au cul une froide carotte,

Ca ne me dit plus rien. J’aime boire à longs traits
D’un polard formidable et raidi le jus frais,
Pendant qu’un autre vit masturbe mes tétons,

Et me baise en nichons. Mais pour que j’éjacule,
Il faut qu’en même temps on lèche mon bouton,
Et qu’un troisième vit, jusqu’aux burnes m’encule

Q15  T14 – banv

Le grand cobra royal, au parc zoologique — 1933 (7)

– ? La guirlande de Priape

Charmeuse ou La revanche d’Eve

Le grand cobra royal, au parc zoologique
Promène son ennui splendide et paresseux,
Car on l’a désarmé : ses crochets venimeux
Tranchés au ras de l’os, l’ont rendu nostalgique.

Il traîne, apprivoisé, ses anneaux à musique,
Lorsqu’il voit Miss Edith, sur un talus herbeux,
Essayant de calmer, par un doigt langoureux
Savamment manœuvré, son ardeur hystérique.

A peine a-t-elle vu le docile serpent
Qu’elle cesse son jeu, grand’ouverte elle attend.
Perplexe, le cobra, dardant son corps en verge,

Au seuil des Paradis à ses yeux dévoilés
Se demande par où s’enfiler dans la vierge
Par le conin juteux ou l’anus étoilé.

(Leconte de Lisle Poèmes barbares)

Q15  T14

Neiges calmes, blancheur absolvant à jamais — 1933 (6)

Marcel Ormoy Les royaumes interdits

Reminiscere

Neiges calmes, blancheur absolvant à jamais
Toute l’ombre et la fièvre étroite des vallées,
L’esprit triomphe, ô dur vertige des sommets,
Sur ces hauteurs par les quatre vents désolées.

Vous mes frères, avec les noms de chaque jour
Voyez et que du fond des âges nous choisîmes
Pour la suprême étape et le plus clair séjour
Ces rocs environnés de présences sublimes.

Car nous retrouverons au niveau de la mer
Le patient travail de la terre et du fer
Et l’orgueil et l’ennui d’une besogne obscure,

Mais par le merveilleux et secret truchement
D’une rêve à quoi la mort elle-même consent
Toujours sur le Thabor un dieu se transfigure.

Q59 – T15

Jadis, quand on rimait et pensait richement, — 1933 (5)

H René Lafon La rôtisserie des Muses ou l’art d’accommoder les rimes

Sonnet au sonnet

Jadis, quand on rimait et pensait richement,
Nos poètes faisaient, avec respect, usage,
Pour abriter l’idée ou pour fixer l’image
D’un tout petit hôtel particulier charmant.

On l’appelait : Sonnet. Cet étroit logement
Suffisant pour l’aïeul, semble au fils d’un autre âge ,
Et l’on fuit ce cher cadre où l’on tenait langage
Quatuordecimoversiculairement.

Le temps était auguste, il fleurait son naguère.
Pétrarque l’habita. Bombardé par la guerre,
La Muse en cheveux courts, ingrate, l’éconduit.

Un sonnet, pensez donc ! trois étages ! trop maigre ! …
Et c’est pourquoi l’on voit triompher aujourd’hui
Le gratte-ciel yankee… ou la paillotte nègre !

Q15  T14 -banv –  s.sur s

Choses, que coule en vous la sueur ou la sève, — 1933 (2)

Jacques Lacan (in Le Phare de Neuilly)

Hiatus irrationalis

Choses, que coule en vous la sueur ou la sève,
Formes, que vous naissiez de la forge ou du sang,
Votre torrent n’est pas plus dense que mon rêve;
Et, si je ne vous bats d’un désir incessant,

Je traverse votre eau, je tombe vers la grève
Où m’attire le poids de mon démon pensant.
Seul, il heurte au sol dur sur quoi l’être s’élève,
Au mal aveugle et sourd, au dieu privé de sens.

Mais, sitôt que tout verbe a péri dans ma gorge,
Choses, que vous naissiez du sang ou de la forge,
Nature, – je me perds au flux d’un élément:

Celui qui couve en moi, le même vous soulève,
Formes, que coule en vous la sueur ou la sève,
C’est le feu qui me fait votre immortel amant.
H.P. août 29

Q8 – T15