Archives de catégorie : Tercets

Sous quelle lampe penchée — 1925 (4)

Pierre Camo Cadences

Psyché

Sous quelle lampe penchée
Penses-tu, vaine Psyché,
Reveiller l’amour caché
Dont mon âme est détachée ?

Si le beau charme épuisé
Parfume encor ma pensée,
C’est comme la fleur blessée
D’un printemps désabusé !

Cette chère inquiétude
Qui fait ta sollicitude
Ne te découvrira rien

D’une secrète blessure
Où ta flamme ne peut bien
Raviver que ta brûlure !

Q63  T14  7syll  on remarque, dans les quatrains, que b est la ‘rime hétérosexuelle’ de a, et b’ de a’.


L’ombre noyait les bois. C’était un soir antique. — 1925 (3)

Albert Samain Poèmes inachevés

Améthyste

L’ombre noyait les bois. C’était un soir antique.

Les dieux puissants vaincus par le Dieu pathétique
Après mille ans d’Olympe avaient quitté la terre,
Et la syrinx pleurait dans Tempé solitaire.
Sur la mer en émoi, vers l’orient mystique

Une aube se levait. Pleins de souffles étranges
Les chênes renuaient des branches prophétiques,
Et les grands lys élus versaient leurs blancs cantiques
Aux lacs sanctifiés visités par les Anges.

Le ciel était plus doux qu’un col de tourterelle ….
Rêveuse en longs cheveux, nymphe lacune frêle
Tressait de pâles fleurs autour d’une amulette.

Et près d’elle, dans le crépuscule idyllique,
Un petit Faune triste, aux yeux de violette,
Disait sur un roseau son cœur mélancolique …

Et c’était le dernier amour du soir antique …

Q49  T14  –  y=x :e=a – 16v (a-   -a)

Hortense a soulevé sa jupe à crinoline — 1925 (1)

Alexandre de Virineau (= Fernand Fleuret)Douze sonnets lascifs … –

Léda incomprise

Hortense a soulevé sa jupe à crinoline
Et fait glisser en bas son pantalon léger,
Car elle voit au loin vers elle converger
Tous les grands cygnes blancs dont le bec dodeline.

Sur le bord du bassin, provocante et câline,
Elle s’offre au grand mâle, et pour l’encourager ,
Lui sourit, puis tressaille en voyant s’allonger
Le beau col souple et blanc, vivante javeline.

Sous l’étrange désir dont l’ardeur l’obséda,
Elle s’ouvre en pensée à l’amant de Léda
Et croit enfin sentir le dard dans sa nature;

Mais le grand cygne blanc lève un œil étonné
Vers la fente impubère à l’étroite ouverture
Et s’éloigne déjà sans avoir deviné.

Q15 – T14 – banv

Pélops, par l’épaule d’ivoire — 1924 (7)

Tristan Derème La verdure dorée

Pélops, par l’épaule d’ivoire
Qui tous les maux guérit,
M’arracheras-tu de l’esprit
La face de ta gloire?

Chaque aube annonce une victoire
Que l’autre aube flétrit.
Plus heureux celui qui n’écrit
Et ne pense qu’à boire.

Il est aux bois tièdes et verts
Des jeunes femmes, et tes vers
N’ont que toi pour les lire.

Et le vent dans un  peuplier
Quand il chante fait oublier
Les cordes de ta lyre.

Q15 – T15 – 2m : octo; 6s: v.2, v.4, v.6, v.8, v.11, v.14

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence — 1924 (5)

Maurice du Plessys Le feu sacré

Conclusion

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence
De n’avoir qu’à son terme un prix qui différait
Apollon, ce grand dieu m’enseigne par le trait
Qu’il voulait pleine épreuve à ma résipiscence.

Il permit donc que, de sa caution distrait,
Je tentasse, d’un cœur détaché, la licence:
Attentif à l’écart où du moins sa présence
Témoignait qu’au retour ce cœur fut toujours prêt.

Jaloux qu’après qu’on l’eût abjuré, on l’encense?
Ou s’il voulait, comme au trépied, un minerai,
Au feu d’un sein mortel éprouver son essence?

Ne tâchons à savoir des Dieux le soin secret:
Ainsi toute la grâce est dans l’obéissance,
Etant de l’ordre universel l’Objet seul vrai.

Q16 – T20 – y=x :c=a, d=b

..Mais, ni la pêche cressonière — 1924 (4)

Jean Tardieu in Margeries


Mots refoulés

..Mais, ni la pêche cressonière
D’un adjectif dormeur et lourd,
Ou bien d’un verbe de rivière
Qui, brusque, entre les algues, court,

Ni cette patience entière
De sertir un mot d’un discours
Comme s’il était de matière
Plus précieuse que l’entour,

Ne ternit mon amour du monde!
Je connais l’animal plaisir
De refouler sans les saisir

Mes mots – et, les yeux entr’ouverts
L’âme pendue à la seconde
D’accueillir absent l’univers.

Q8 – T34 – octo

Toi qui pâlis au nom de Vancouver, — 1924 (2)

Marcel Thiry Toi qui pâlis au nom de Vancouver

Toi qui pâlis au nom de Vancouver,
Tu n’as pourtant fait qu’un banal voyage;
Tu n’as pas vu les grands perroquets verts,
Les fleuves indigos ni les sauvages.

Tu t’embarquas à bord de maints steamers
Dont par malheur aucun ne fit naufrage
Sans grand éclat tu servis sous Stürmer,
Pour déserter tu fus toujours trop sage.

Mais il suffit à ton orgueil chagrin
D’avoir été ce soldat pérégrin
Sur le trottoir des villes inconnues,

Et juste, un soir, dans ce bar de Broadway,
D’avoir aimé les grâces Greenaway
D’une Allemande aux mains savamment nues.

Q8 – T14 – déca – Le vers 4 est césuré en position 6.

L’aurore a des pudeurs virginales, des voix — 1924 (1)

Francis Viélé-GriffinOeuvres

L’aurore a des pudeurs virginales, des voix
Qui font rêver le fol espoir d’aimer une autre,
En cette solitude, hélas! qui fut la nôtre,
Aux jours d’alors, et tout ce passé que tu vois;

L’Aurore a Tes pudeurs virginales, Ta voix,
Vibrante voix d’alors qui n’eut jamais une autre,
Mais cet amour très chaste et saint qui fut le nôtre
S’en est allé de ta chère âme, je le vois!

A pas très lents, par la charmille basse, où notre
Premier rêve a chanté le duo de nos voix,
Je vais parlant le rêve, il semblerait d’un autre;

Oh! mourons – que me font les choses que je vois
En cette solitude, hélas! qui fut la nôtre,
Aurore, et ta pudeur virginale, et tes voix!

Q15 – T20 – trois mots-rimes: ‘voix’, ‘autre’, ‘nôtre’

MAURICE BOUCHOR ET RAOUL PONCHON 1923 (11)

Jean Richepin Interludes

Sonnet acrostiche et mésostiche

MAURICE BOUCHOR ET RAOUL PONCHON
Avec vous j’ai fait Toutes mes retraites.
Un même plaisir Rassemblant nos crêtes,
Rougissait nos nez Au même cruchon.

Ivrognes sacrés, Oints du dieu Bouchon,
Celébrons sa messe, Usons ses burettes,
Et versons en nous les rouges aigrettes,
Bouchor, mon trésor, Ponchon, mon bichon !

On fait bien de rire ! On pleurera vite.
Un jour de bonheur N’est qu’un jour sans suite.
Celui-ci fut beau, Chers amis, tant mieux !

Hélas ! Quel cruel Hourvari nous presse !
On avait vingt ans ! … On s’éveille vieux ! …
Rien ! Plus rien ! Du vent !, Notre jeune ivresse !

Q15  T14 – banv –  tara  acrostiche