Archives de catégorie : T14 – ccd ede

Hâtons-nous de jouir, au sein de nos beaux jours, — 1834 (3)

Casimir Faucompré Poésies diverses

Sonnet

Hâtons-nous de jouir, au sein de nos beaux jours,
Nous vivons un instant, le temps fuit, nous entraine
Bien loin du but chéri, nos soucis, nos amours;
On retrouve, en son lieu, la tristesse et la haine.

Grands et riches, parlez ! cette pourpre, cet or,
Iront-ils avec vous au fond de votre tombe ?
Des biens et des honneurs serez-vous fiers encor ?
Du lugubre vous cyprés vous dormirez à l’ombre !

Les regrets dévorans, la tristesse et les pleurs,
Recélant vos plaisirs nous diront vos douleurs,
Uniques habitans de votre dernier gîte.

L’espérance vous fuit et tombe de vos mains ;
Alors tout est perdu, disparaît au plus vite
L’unique et cher appas des malheureux humains.

Q59  T14

C’est une once de sable, en un cristal fragile, — 1833 (8)

Léon Buquet Miscellanées

Le sablier

C’est une once de sable, en un cristal fragile,
Et chaque instant du jour là-dedans est compté ;
Et le plus léger grain de ce sable argenté,
Emporte, dans sa chute, un peu de notre argile.

C’est l’horloge, du temps d’Homère et de Virgile,
Et leurs chants, qui des Dieux d’alors ont hérité,
Dans sa course pourtant ne l’ont pas arrêté
Le vieillard séculaire, au pied toujours agile.

Comme ce sable est fin ! dirait-on pas de l’eau ? …
Oh ! qui croirait à voir ce liquide nouveau,
Que, d’un cylindre à l’autre incessamment ruisselle,

Qu’il mesure la vie à tout être jeté
Dans ce monde fatal, et parcelle à parcelle,
Précipite en tombeau l’âme à l’éternité !

Q15  T14 = banv

Sommeil, fils du Silence et père du Repos, — 1832 (6)

– Jeannet Desjardins Mes souvenirs d’Angleterre

XVI – Sonnet imité de Drummond

Sommeil, fils du Silence et père du Repos,
La Paix, née de ton sein, se répand sur la terre ;
Les bergers et les rois devant toi sont égaux,
C’est toi qui des humains consoles la misère !
L’être qui respirait dans l’oubli de ses maux
Sent sous ta baguette se fermer sa paupière :
Tu refuses sur moi d’épancher ces pavots
Que tu verses sur tous d’une aile tutélaire.
Daigne étendre ta main qui sécha tous les pleurs,
J’implore ta puissance, accablé de douleurs,
Ah, viens, viens de mon cœur dissiper les alarmes !
Dieu puissant, quels qu’ils soient, dispense tes bienfaits !
Plutôt que de vivre sans connaître tes charmes,
Si tu m’offrais la mort je baiserais tes traits !

Q8  T14  sns  tr

adaptation du sonnet ‘ Sleep, silence’ child, sweet father of soft rest’.

Métrique incertaine : des ‘e muets’ à la césure aux vers 6 et 13

On dit que sur le roc où le grand empereur, — 1831 (1)

J.J. Hosemann & P. BoucherPoésies évangéliques

Napoléon – Sonnet

L’Eternel a en abomination tout homme hautain de coeur – Prov. xvi,5

On dit que sur le roc où le grand empereur,
Jouet des trahisons, fut jeté à l’envie,
Regardant en arrière il pleura dans son coeur,
Aux amers souvenirs de sa géante vie.

Alors se présentant devant son créateur,
– Oh! que cela soit vrai! – d’une âme réfléchie,
Le pauvre prisonnier, plein d’une humble douleur,
Fit du héros tombé la morale autopsie.

L’homme comprit la loi que le roi méconnut;
Il sentit vaguement le besoin d’un salut:
Et ce volcan humain, qui remua la terre, –
Ce soldat sans égal, devant qui tout fléchit,
Son front pyramidal courbé dans la poussière,
Près la mort – qui dit vrai, – se reconnut petit!

Q8 – T14

Les passions, la guerre ; une ame en frénésie, — 1830 (15)

Sainte-Beuve Consolations

Sonnet
imité de Wordsworth

Les passions, la guerre ; une ame en frénésie,
Qu’un éclatant forfait renverse du devoir ;
Du sang ; des rois bannis, misérables à voir ;
Ce n’est pas là-dedans qu’est toute poésie.

De soins plus doux la Muse est quelquefois saisie ;
Elle aime aussi la paix, les champs, l’air frais du soir,
Un penser calme et fort, mêlé de nonchaloir ;
Le lait pur des pasteurs lui devient ambroisie.

Assise au bord de l’eau qui réfléchit les cieux,
Elle aime la tristesse et ses élans pieux ;
Elle aime les parfums d’une ame qui s’exhale,

La marguerite éclose, et le sentier fuyant,
Et, quand Novembre étend sa brume matinale,
Une fumée au loin qui monte en tournoyant.

Q15  T14 – banv

Madame, il est donc vrai, vous n’avez pas voulu, — 1830 (11)

Sainte-Beuve Consolations

Madame, il est donc vrai, vous n’avez pas voulu,
Vous n’avez pas voulu comprendre mon doux rêve.
Votre voix m’a glacé d’une parole brève,
Et vos regards distraits dans mes yeux ont mal lu.

Madame, il m’est cruel de vous avoir déplu:
Tout mon espoir s’éteint et mon malheur s’achève;
Mais vous, qu’en votre coeur nul regret ne l’élève,
Ne dites pas:  » Peut-être aurait-il mieux valu … »

Croyez avoir bien fait; et, si pour quelque peine
Vous pleurez, que ce soit pour un peigne d’ébène,
Pour un bouquet perdu, pour un ruban gâté!

Ne connaissez jamais de peine plus amère;
Que votre enfant vermeil joue à votre côté,
Et pleure seulement de voir pleurer sa mère!

Q15 – T14 – banv

S’il est pour un cœur d’homme un battement sublime, — 1829 (9)

Etienne Cordellier-Delanoue in La Psychè

Sonnet
A V.H.

S’il est pour un cœur d’homme un battement sublime,
C’est celui que réveille en mon sein frémissant
Du grand poète ému le redoutable accent : –
Il a des yeux ardens dont la flamme m’anime !

Au Sacrificateur je livre sa victime,
Heureux de palpiter sous son genou puissant !
Un feu plus généreux fait bouillonner mon sang ;
Et ma tête, plus vaste, en ses rêves s’abîme.

Car l’Homme de génie a le front large et beau !
Et, magiques reflets d’un céleste flambeau,
Des éclairs caressans passent sur son visage ;

C’est ainsi que ce soir tout mon être a frémi …
Et je me sens bien fier d’avoir, à ton passage,
Ce soir, dans mes deux mains serré ta main d’ami.

Q15  T14 – banv

Ne ris point des sonnets, ô critique moqueur! — 1829 (5)

Sainte Beuve mis dans l’exemplaire des Oeuvres de Ronsard offert à Victor Hugo à l’occasion de son mariage

Imité de Wordsworth

Ne ris point des sonnets, ô critique moqueur!
Par amour autrefois en fit le grand Shakespeare;
C’est sur ce luth heureux que Pétrarque soupire,
Et que le Tasse aux fers soulage un peu son coeur;

Camoens de son exil abrège la longueur,
Car il chante en sonnets l’amour et son empire;
Dante aime cette fleur de myrte, et la respire,
Et la mêle au cyprès qui ceint son front vainqueur;

Spencer, s’en revenant de l’île des féeries,
Exhale en longs sonnets ses tristesses chéries;
Milton, chantant les siens, ranimait son regard:

Moi, je veux rajeunir le doux sonnet en France:
Du Bellay, le premier, l’apporta de Florence,
Et l’on en sait plus d’un de notre vieux Ronsard.

Q15 – T15  – banv – s sur s

Dans la création, tout est harmonieux, — 1829 (2)

Ernest Fouinet mis dans l’exemplaire des Oeuvres de Ronsard offert à Victor Hugo à l’occasion de son mariage

A deux heureux

Dans la création, tout est harmonieux,
Comme l’ordre éternel d’où jaillirent les mondes.
Sur de tendres yeux bleus tombent des tresses blondes;
De vastes rayons d’or voilent l’azur des Cieux.

Les chants de la Provence, aux soleils radieux,
Sont pour les jeux, le rire et les joyeuses rondes.
Les forêts de Bretagne, obscurités profondes,
Sont pour l’isolement aux rêves soucieux.

Une femme penchée embrassant une harpe,
Déployant mollement son bras comme une écharpe,
C’est un groupe suave, une harmonie encor:

Mais la beauté, la grâce alliée au génie,
La colombe de l’aigle accompagnant l’essor,
C’est l’accord le plus beau: c’est là votre harmonie.

Q15 – T14 – banv

Près émaillés de fleurs, champs qu’arrose le Tage, — 1828 (5)

Pierquin de Gembloux Poésies nouvelles

Adieux du Camoëns

Près émaillés de fleurs, champs qu’arrose le Tage,
En répandant partout la vie et les plaisirs,
Ne vous verrai-je plus que dans mes souvenirs,
Bois charmans, frais gazons, témoins de mon jeune âge!

J’ignore si long-temps la fortune volage
Loin de vos heureux bords retiendra mes soupirs,
Quand vous serez rendus à mes brûlans désirs,
Et quand je reverrai ce paternel rivage!

Mais puisqu’ainsi l’ordonne un destin trop jaloux,
En éternels soucis je vais changer mes goûts;
A ce coeur qui vous aime il faut mettre des chaînes;

La voile est prête: on part: adieu, sol des héros!
Sur de nouveaux autels je vais porter mes peines,
Et mes larmes sans prix vont troubler d’autres eaux!

Q15 – T14 – banv