Archives de catégorie : T14 – ccd ede

Blum avait soutenu les rouges de l’Espagne, — 1941 (1)

Emile Bussière A la gloire du Maréchal : les grands noms de l’épopée française. Sonnets sur Roland, Jeanne d’Arc, Napoléon, Pétain

Le maréchal Pétain
L’ambassadeur

Blum avait soutenu les rouges de l’Espagne,
Et livré, conscient d’un criminel effort,
Nos armes, nos canons, pour les œuvres de mort,
D’effroyables bandits relâchés par le bagne.

Dans une foudroyante et savante campagne,
Le général Franco s’affirmant le plus fort,
Réduisit, sans pitié pour leur malheureux sort,
Les assassins traqués jusque dans leurs montagnes.

Depuis, le Maréchal dût, comme ambassadeur,
Pour réparer nos torts, plaider avec ardeur,
D’Irun à Malaga, de l’Ebre jusqu’au Tage

Partout on lui tendit une loyale main,
Mais il ne devait pas achever son voyage,
Car Dieu l’avait marqué pour un plus haut destin.

Q15  T14 – banv

Quand vous serez bien vieux, avec encor des dents — 1939 (1)

Raoul Ponchon in  Marcel Coulon: toute la poésie de Ponchon

Sonnet à Chevreul

Quand vous serez bien vieux, avec encor des dents
Plein la bouche, et déjà dorloté par l’Histoire,
Direz, si ces vers-ci meublent votre mémoire
Un tel me célébrait lorsque j’avais cent ans.

Lors, vous n’aurez aucun de vos petits-enfants
Qui n’ait soif à ce nom et ne demande à boire,
Répétant à l’envi votre immortelle gloire
Et le nombre fameux de vos jours triomphants.

Pour moi, je serai mort depuis belle lurette
Mais je refleurirai dans quelque pâquerette
Vous, vous aurez toujours la même horreur du vin.

Ah ! si vous m’en croyez, ô vieillard sobre et digne,
Ainsi que tout le monde éteignez-vous demain
Mais cueillez aujourd’hui les roses de la Vigne.

(1886)

Q15 – T14 – banv

L’assesseur ne doit pas rédiger son courrier, — 1938 (7)

Pierre Malicet Les sonnets du juge

L’assesseur

L’assesseur ne doit pas rédiger son courrier,
Faire le manucure au cours de l’audience,
Ni bavarder trop fort, mais sauver l’apparence,
Et d’un sommeil bruyant n’être pas coutumier.

Cet auditeur passif n’est qu’un pur chancelier
Disent les ignorants avec quelque impudence.
Ils ne veulent pas voir que la jurisprudence
Est l’oeuvre de ces gens au bon vouloir entier

Qui subissent sans fin, pénitence invisible,
Les assauts des bavards dont ils forment la cible,
Et sans pouvoir bouger de leur vaste fauteuil,

Supportent un bon vieux qui préside à sa mode,
Trop lentement parfois, c’est là le grand écueil,
Alors qu’ils ont, eux seuls, la meilleure méthode.

Q15  T14 – banv

J’ai rêvé posséder les oeuvres de Malherbe. — 1938 (6)

Raoul Ponchon La muse au cabaret

L’exemplaire du Roy

J’ai rêvé posséder les oeuvres de Malherbe.
Un exemplaire unique, admirable, un trésor!
Tout habillé de pourpre, et les fleurs de lys d’or
En étoilant les plats, nombreuses comme l’herbe.

Le vélin en est pur, l’impression superbe,
Messieurs les éditeurs, à cette époque encor,
Se montraient soucieux de soigner le décor
Qui faisait ressortir et resplendir le verbe.

Mais ce rare bouquin ne serait rien ma foi,
S’il n’était pas le propre exemplaire du Roy.
Il l’est. Et dans un coin de marge, on y remarque,

Alors que le poète arrive au baragouin
De l’éloge, ces mots, de la main du monarque:
 » Mon vieux Malherbe, ici, tu vas un peu trop loin! »

Q15 – T14 – banv

Un nasillement doux. C’est elle et c’est assez. — 1938 (4)

Francis Jammes – Poèmes inédits et isolés in Oeuvres

Les quatre demoiselles Ducos

Un nasillement doux. C’est elle et c’est assez.
Ni poitrine, ni bras, ni jambes, ni cervelle.
Dieu bon mit un corset à son corps de javelle
Et pour la douce enfant créa les cétacés.

La seconde a des yeux de chinoise sensés.
Et ces yeux-là feraient au Japon des fidèles
Car ils ont la couleur des soupes d’hirondelle.
On dit que c’est très bon, ma cousine. Excusez.

La troisième des soeurs ressemble aux Philis douces
Qui, près des vieux châteaux, s’étendant sur les mousses
Semblaient être les fleurs vivantes du gazon;

Et la petite Ady que tout le monde vante
A l’air, lorsque son corps s’ajoute à sa raison,
D’un petit papillon plus gros qu’une éléphante.

1891?

Q15 – T14 – banv

Ouvrier précieux qui polis et qui rodes — 1938 (2)

Francis Jammes – Poèmes inédits et isolés in Oeuvres

Ouvrier précieux

Ouvrier précieux qui polis et qui rodes
Le cristal fin des vers aux doux résonnements,
Plus inquiet que toi des clairs raisonnements,
Je ne gemmerai point mes pages d’émeraudes.

Quand tu rimes ainsi, grand artiste, tu fraudes
Et facette du strass pour de durs diamants,
Orfèvre d’Hiéron dont les faux parements
Sont faits de cuivre vil avec lequel tu brodes.

Je forge ce sonnet pur impeccablement,
Impassible, et cachant mon noir accablement,
Pour te montrer qu’aussi je dompte et je terrasse

Les rhythmes solennés en mon œuvre bannis,
Faisant voir que mon livre est de ma seule race
Et que c’est bien exprès que mes mots sont ternis.
1888

Q15 – T14 – banv

O vous qui percevez, sous la rime qui sonne, — 1936 (4)

Jacques Langlois Les sonnets amoureux de Pétrarque

1

O vous qui percevez, sous la rime qui sonne,
L’écho de ces soupirs dont j’ai nourri mon cœur
Au temps de ma première et juvénile erreur,
Lorsque j’étais alors tout une autre personne,

Sous le style divers où sanglote et raisonne
Ma bien vaine espérance et ma vaine douleur,
Que votre expérience, en lisant mon ardeur,
M’accorde une pitié qui comprenne et pardonne.

Mais, je vois aujourd’hui combien longtemps je fus
La fable de la foule; et j’en suis tout confus
Vis-À-Vis de moi-même et rempli de vergogne.

Honte est fruit de folie; et j’apprends clairement,
Par repentir tardif de si folle besogne,
Qu’ici-bas ce qui plaît est songe d’un moment.

Q15 – T14 -banv –  tr (rvf 1)

Autour du soleil vertical de la pensée — 1936 (3)

Michel SeuphorL’ardente paix

De la personne

Autour du soleil vertical de la pensée
Horizontalement tournoient les quatre vents
Dont trois passions de l’âme et un tempérament:
Les appétits de feu; l’intelligence née

Pour recevoir le jour et voir la Vérité,
A l’eau souple pareille, reine des éléments;
La force d’habitude comme un soubassement
De terre lente où tout s’appuie et qui de blé

Se couvre ou bien d’ivraie, selon les circonstances;
La manière d’être, enfin, accumulant l’ambiance
Qui enveloppe tout d’un air mouvant d’un tel

Et non tel autre. Ainsi notre univers est plein
De rythmes, et si l’ensemble est noble et naturel,
Le personnel concret n’en cède à Couperin.

Q15 – T14 – quelques vers métriquement îrréguliers (césures épiques, par exemple)

Joli pays, riant de toutes ses minuscules, — 1936 (2)

Michel SeuphorL’ardente paix

Joli pays, I

Joli pays, riant de toutes ses minuscules,
De toutes ses mille et mille minuscules fleurs,
Ses mille blanches et mauves et jaunes réflecteurs
De la lumière inaltérable. Particules

De l’être, de l’Amour émouvantes émules:
Si vraiment humbles, artistes, si vraiment de ferveur
Illuminées, nous irradiant de la candeur
De leur ardente paix, leur oraison que nulle

Erreur n’infirme, que le péché originel
N’entame pas: le mal est extérieur et tel
Qu’il tempère l’Amour à la fragilité

Et qu’il accroît la lune pour le soleil en berne.
Pays qui par tout temps nous parle de clarté,
Pays si bien instruit de Celui qui gouverne.

Q15 – T14 – banv – quelques vers métriquement îrréguliers