Archives de catégorie : T14 – ccd ede

Sonnet, ô sonnerie amie, ô soûlerie — 1936 (1)

Michel SeuphorL’ardente paix

Sonnet

Sonnet, ô sonnerie amie, ô soûlerie
De sons jolis, ô bal joyeux des lettres belles,
Ô fête très polie. Pensive pastourelle,
Quel est le doux joueur de vielle ou le génie,

Caché de nous, qui découvrit ton harmonie,
Ta forme claire, heureuse et à jamais nouvelle?
En as-tu mis sous ta tutelle, de ta dentelle
Liés, depuis le Dante et les académies

Chantantes de Provence! Moi, j’aime ta leçon:
Que le plus noble pas de danse est en fonction
D’une science de l’immobilité. C’est la contrainte

Qui donne la liberté, stimule, inspire, et l’art
Déjà triomphe, aborde la discipline sans crainte:
Au corps à corps paisible il reconnaît sa part.

Q15 – T14 – banv –  quelques vers métriquement îrréguliers – s sur s

Le jeune homme moderne — 1935 (1)

Francis Jammes De tout temps à jamais

Dans les combles

Le jeune homme moderne
Essaye en son grenier
Qu’éclaire une lanterne
L’habit d’un chevalier.

Je ne sais s’il nous berne,
Mais son aspect altier
Semble bien le lier
Au temps de la poterne.

Cependant, il est chic.
Dans l’œil, un léger tic
Semble dire à sa femme,

Folle de lui d’ailleurs:
Que pensez-vous, Madame,
De mon ancien tailleur?

Q9 – T14 – 6s

Souffle, songe, silence, invisible accalmie, — 1934 (8)

Abel Valabrègue Les uns et les autres, pastiches

Paul Valéry

Souffle, songe, silence, invisible accalmie,
Sur qui la paix soudaine a trompé la douleur,
Quand de ce plein sommeil l’onde grave et l’ampleur
Semblent se concevoir à la bouche infinie.

Pire. Pire ? – Comme ils venaient d’une autre vie.
Mais toi, de bras plus purs, présent comme une odeur,
Ouvre au ciel en moi-même une autre profondeur
Dont la close étendue au centre me convie.

Gemmes rouges de jus, mépris de tanr d’azur,
Ne cherchez plus … Pleurez la chance d’un fruit mur !
Sous nos mêmes amours à peine il se redresse.

Mais, comme les soleils ne voient plus que le sang
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Epuise l’infini de l’effort impuissant

Bibliographie Dormeuse-Anne- La jeune Parque – Fragment du Narcisse – Au platane – Ebauche d’un serpent – Air de Sémiramis- La femme forte – La grenade – Le rameur – Dolmen – Cantique des colonnes – La fileuse

Q15  T14 – banv

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête. — 1934 (7)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

Voix de l’Esprit

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête.
– Je veux dormir. Qui crie ? est-ce moi ?
Une lumière gicle – Sang ou soie ?
C’était, je m’en souviens, c’était la fête …

Ce n’est, inimitable, qu’une voix
Qui coule de mes reins jusqu’à ma tête :
Arrête-toi ! qui parle ?  suis-je bête !
C’était, je m’en souviens, c’était la joie …

Figures vierges. Solitudes grasses.
Est-ce le plat démon ? une ombre passe,
Emplit mon arc tendu, de mouvement.

Délices fortes que le temps renoue !
O voix !  plus assassines que le sang.
Et pas un fleuve pour coucher ma joue.

Q15  T14  – banv – déca

Ici que, déroulant une éternelle chaîne, — 1934 (4)

Vincent Muselli Sonnets moraux

Naissance

Ici que, déroulant une éternelle chaîne,
L’Univers, aujourd’hui, se retrouve enfanté,
Qui d’imiter leur œuvre eut la témérité,
Suscite des grands dieux le secours et la haine.

Aussi bien, ce n’est point, sous leur œil vigilant,
La sainte angoisse ou l’angélique maladie,
Ce n’est point seulement une branche alourdie,
Ni d’un lait généreux un beau sein se gonflant!

C’est de sang et de nuit la mixture créée,
C’est la torture ouvrant une cruelle entrée
Sur ce vivre qui n’est qu’un incessant finir.

Seule, à ce long chevet, l’espérance infirmière
Berce un ventre rempli d’orage et d’avenir,
Mais, du cloaque enfin dégainée, ô lumière!

Q63 – T14

Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte, — 1933 (8)

– ? La guirlande de Priape

Une compliquée


Je n’aime pas les dards trop maigres pour ma motte,
Je n’aime pas têter les bites bandant mou,
Qui tirent à regret un pauvre petit coup,
Je n’aime pas non plus les langues de gougnotte.

Me branloter moi-même en allant aux chiottes,
Ou me faire bouffer goulument les deux trous
Par le klebs bien dressé du voisin d’en-dessous,
Ou me planter au cul une froide carotte,

Ca ne me dit plus rien. J’aime boire à longs traits
D’un polard formidable et raidi le jus frais,
Pendant qu’un autre vit masturbe mes tétons,

Et me baise en nichons. Mais pour que j’éjacule,
Il faut qu’en même temps on lèche mon bouton,
Et qu’un troisième vit, jusqu’aux burnes m’encule

Q15  T14 – banv

Le grand cobra royal, au parc zoologique — 1933 (7)

– ? La guirlande de Priape

Charmeuse ou La revanche d’Eve

Le grand cobra royal, au parc zoologique
Promène son ennui splendide et paresseux,
Car on l’a désarmé : ses crochets venimeux
Tranchés au ras de l’os, l’ont rendu nostalgique.

Il traîne, apprivoisé, ses anneaux à musique,
Lorsqu’il voit Miss Edith, sur un talus herbeux,
Essayant de calmer, par un doigt langoureux
Savamment manœuvré, son ardeur hystérique.

A peine a-t-elle vu le docile serpent
Qu’elle cesse son jeu, grand’ouverte elle attend.
Perplexe, le cobra, dardant son corps en verge,

Au seuil des Paradis à ses yeux dévoilés
Se demande par où s’enfiler dans la vierge
Par le conin juteux ou l’anus étoilé.

(Leconte de Lisle Poèmes barbares)

Q15  T14

Jadis, quand on rimait et pensait richement, — 1933 (5)

H René Lafon La rôtisserie des Muses ou l’art d’accommoder les rimes

Sonnet au sonnet

Jadis, quand on rimait et pensait richement,
Nos poètes faisaient, avec respect, usage,
Pour abriter l’idée ou pour fixer l’image
D’un tout petit hôtel particulier charmant.

On l’appelait : Sonnet. Cet étroit logement
Suffisant pour l’aïeul, semble au fils d’un autre âge ,
Et l’on fuit ce cher cadre où l’on tenait langage
Quatuordecimoversiculairement.

Le temps était auguste, il fleurait son naguère.
Pétrarque l’habita. Bombardé par la guerre,
La Muse en cheveux courts, ingrate, l’éconduit.

Un sonnet, pensez donc ! trois étages ! trop maigre ! …
Et c’est pourquoi l’on voit triompher aujourd’hui
Le gratte-ciel yankee… ou la paillotte nègre !

Q15  T14 -banv –  s.sur s

Appelé bientôt à d’autres combinaisons, — 1932 (3)

Charles-Adolphe Cantacuzène Sonnets sans écho, etc.

Sonnet

Appelé bientôt à d’autres combinaisons,
J’y voudrais retrouver ce soir et ses merveilles,
Ce parc avec les miens, ces lumières vermeilles
Et vertus clair-obscur, ce lac & ses gazons.

Lune, peupliers, cygne et saule, exhalaisons,
C’est l’automne lunaire aux décadentes treilles,
Déjà; ce sont déjà, chers cœurs, les avant-veilles
Des soirs, des longs soirs où nous nous emprisonnons.

Ma femme, ma fille, oh! Aimons la douce automne
Qui se soir, dans ce parc, en passant nous redonne
Un peu de sa chaleur et de son franc parfum.

Dînons au bord du lac où cet automne rôde
Sous l’électricité du rayon calme et brun
Qui sort du temps, du lac et de la brume chaude.

Q15 – T14 – banv

L’oiseau de flamme apporte un message. La grille — 1931 (8)

André Breton in Oeuvres (ed. pleiade, II)

L’oiseau de flamme apporte un message. La grille
Ne s’ouvre plus qu’aux doigts des anges menaçants.
Aux fenêtres du nords des violons cassants
S’accoudent et l’amour enlace un ciel qui brille.

Au large les bijoux et leur louche escarbille,
Les éventails de roche ou de verre, l’encens
Pourpre des baisers morts ! tous les êtres absents
Les beaux points cardinaux continuent leur quadrille.

C’est toi qui viens, immense aurore éternité
Je le sais, tu rendras ce qui fut habité
Plus muet qu’une fleur et plus douteux qu’un prisme.

Après moi qui n’aspire à toi que par dépit
Comme un papillon blanc au vague mimétisme
Un épi bleu se couche et c’est un noir épi.

Q15  T14 – banv
Dans ces deux sonnets (7-8) parfaitement banvilliens, d’écriture automatique, l’inconscient du poète s’est soumis à la forme stricte sauf que, patatras, le dernier vers du premier sonnet contient un énorme hiatus. Et les vers 12 et 14 du second riment de manière erronée. On ne joue pas sans risque avec l’inconscient !