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Sanglé dans son dolman d’étain, — 1914 (4)

?Cristaux et colloïdes – Anthologie des pharmaciens poètes –

Le suppositoire

Sanglé dans son dolman d’étain,
Qui lui donne allure guerrière,
Le suppositoire, malin,
Attaque toujours par derrière.

Odorant comme un Muscadin,
On le croirait d’essence fière;
Mais, son idéal est mesquin,
Il ne prise que la matière!

Pourtant, sa fin lui fait honneur!
C’est lorsque, héroïque pointeur
Que n’émeut point la canonnade;

Pour donner son calmant effet,
Tête baissée, il disparaît,
Au fracas d’une pétarade!

Marcel Mavit

Q8 – T15 – octo

Oh! combien que j’eusse aimé — 1914 (1)

Jean de La Ville de Mirmont – in Oeuvres complètes ed. 1992 –

Les frères aînés

Oh! combien que j’eusse aimé
Avec toute ma jeunesse
Combien de frères aînés
Sont morts avant que je naisse!

Encore tout affamés
D’une éternelle tendresse
Combien se sont résignés
A ce bonheur qu’on nous laisse.

De notre sort mécontents,
Nous sommes, de tous les temps,
Vague troupeau sans étable.

Mes frères insoucieux
Saurons-nous tourner les yeux
Vers le seul bien véritable?

Q8 – T15 – 7s

Tel qu’en l’obscur discours de Locke — 1913 (10)

Charles Derennes, Charles Perrot, Pierre Benoit, ed. La grande anthologie

Stéphane Mallarmé

Tel qu’en l’obscur discours de Locke
Agonisait sa sombre ardeur
Où sourdre avec tant de candeur
La gigantesque et molle cloque

Si pendillait la pendeloque
Cette languide et noire odeur
Qui hors du cœur du maraudeur
S’exalte et tend et flotte loque

Mais chez qui par amour se pend
Lourdement pend un grand serpent
En la courbure hypothétique

Tel qu’en l’unanime foison
Selon nul autre amer poison
L’aigre malade ne se pique

Q15 – T15 – octo

Orgueil du grand sitôt en extase cabré, 1913 (8)

Paul Reboux et Charles Müller A la manière de
Sonnets

II

Orgueil du grand sitôt en extase cabré,
D’ombre et torse forêt en qui la même absconse
Fut. Etoile vitreuse où le nombre s’annonce,
Ascension clamée au trouble de l’entré,

Accord du geste avec le destin conjuré,
Vertical attestée en sa double réponse,
Pourpre en immensité banale et, si je fonce,
Pars, cri silencieux, et règne, soupiré!

Alors quand révolu triple s’itérative
L’astre, flux que soudain cueille une main craintive
Où l’infini du peu déploie un vol impur.

Et l’arc ainsi bandé par la détresse aiguë
Fera, foudre d’acier, incendie et ciguë,
Luire des larmes d’or aux blancheurs du futur.
Stéphane Mallarmé

Q15 – T15  on remarquera que la dispositions des rimes n’est pas mallarméenne
Glose
Un groupe d’érudits prépare une traduction française des oeuvres de Stéphane Mallarmé. Cette entreprise, en raison des recherches qu’elle nécessite, n’aboutira pas, sans doute, avant de longues années. Nous ne pouvons aujourd’hui donner au lecteur que la traduction du premier de ces deux sonnets:

Quand le vaticinant I Quand  le poète prophète

erratique I    qui ne sait où il va

Au larynx dédaléen, I et dont la parole s’égare,

divague, I divague

en sa manie I           en sa folie

tant dédiée I        si coutumière

et avant tout I   et qui, avant d’exister,
radiée de I se retranche même de ce
l’absent I       qui n’existe pas,

pour animer I     lorsqu’il va souffler

le syrinx de l’insaisissable, I   dans une flûte sans son,

O n’être que I     il rêve de n’être que
du sphinx I un sphinx
le mystère I          dont l’énigme
aboli I       n’ait pas de sens

par qui l’âme est congédiée I et de supprimer de l’âme
I     tout ce qui n’est pas

du clair-obscur I      complètement obscur,

O chevaucher I     il rêve, chevauchant

le lynx, aveugle I          un lynx aveugle

et de ses yeux exorbités I       aux yeux arrachés,
vers la victoire I      d’aller vers la gloire
irradiée I rayonnante!
Enigme I       Etant une énigme

telle la Pythie I     semblable à la Pythie
hypogéenne I      qui vit sous la terre,
Ambage I Etant plein de détours
non pas un I multiples

d’où dévie l’inconnu, I     d’où ne sort rien,

j’ai approfondi l’azur I j’ai reculé les limites

de l’impénétrable. I       du galimatias.

Et, cygne ténébral I Et, poète ténébreux

Sitôt hiéroglyphique I       dès que j’écris,
qu’ombre I        que rend nul

en son vide I   au sein de la nullité

un déléatur I un signe de suppression
obstructif, I paralysant,
J’offusque, I Je réponds
triomphal, I        triomphalement

le néant qui m’assigne. I      au défi du néant.

Les cryptographes ne se sont pas jusqu’ici mis d’accord sur le sens du deuxième sonnet. Certains proposent une version, mais nous respectons trop nos lecteurs pour la leur mettre sous les yeux.

La mer joue à son miroir — 1913 (6)

Léon Deubel in Oeuvres

La fleur terminale

La mer joue à son miroir
Que les innombrables plumes
Des eiders de l’aube embrument
Effrayante et belle à voir.

Oh! glissez, vous que j’exhume
Formes d’un vain désespoir ,
Dans la tombe au linceul noir
Que la mer ouvre et parfume.

Mais, de grille, sans merci
N’entraînez pas le souci
Qui me point et me consume

Quand je tente de gravir
L’Alpe du flot, pour cueillir
L’edelweiss de son écume.

Q16 – T15 – y=x :d=b – 7s –

Gai, gai, marions les heures — 1913 (5)

Léon Deubel in Oeuvres

Gai, gai, marions les heures
Aux souvenirs tour à tour,
Un instant frivole court
Sur son talon de couleur.

Que la mariée est belle
Sous ses fleurs en ses atours!
Chantons ses chastes amours!
Le futur est poivre et sel.

Il porte beau et ses bagues
Dardent mille éclats de dagues
Qui font assaut d’épidermes.

Ah! ces cloches envolées;
Gai! Vive la mariée;
L’instant luit comme un dieu terme.

Q15 – T15 – 7s